Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numéro 3 - 12 septembre 2005
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 Archives de Forum

Capsule science

Décrochage des garçons: en fait-on assez?

 

Il y a 10 ans, l’ancien recteur de l’Université Laval, Michel Gervais, désignait aux États généraux sur l’éducation le «décrochage des garçons au secondaire» comme le problème central du réseau scolaire. Depuis, les médias ont multiplié leurs dossiers «SOS garçons». Qu’a-t-on fait pour s’attaquer au problème?

«Le Conseil supérieur de l’éducation a produit un rapport sur la question. Il y a eu des projets pilotes dans certaines commissions scolaires, et plusieurs écoles ont tenté de mettre l’accent sur des activités réputées populaires auprès des garçons. Mais j’ai bien peur qu’on se soit trompé de cible», répond Roch Chouinard, professeur au Département de psychopédagogie et d’andragogie de la Faculté des sciences de l’éducation.

Depuis plus de 15 ans, ce chercheur s’intéresse à la motivation à l’école, un facteur déterminant dans la persévérance scolaire. Il a notamment suivi à la trace une cohorte de 1500 jeunes Québécois depuis leur entrée au secondaire jusqu’à leur sortie, avec ou sans diplôme, cinq ans plus tard. Ses résultats contestent bien des idées reçues: «Quand on analyse les résultats scolaires des élèves, tant en français qu’en mathématiques, on réalise que les garçons ne réussissent pas si mal que ça. Certains réussissent même très bien. Par exemple, si l’on isole le tiers des élèves les plus performants, on trouve presque autant de garçons que de filles.»

L’équation «garçon = échec scolaire» compte donc à son avis une erreur ontologique fondamentale, en plus d’avoir un effet négatif sur l’image de soi des écoliers. «C’est vrai qu’il y a environ deux garçons pour une fille chez les élèves en grande difficulté, mais ce phénomène n’est pas nécessairement dû à des différences sexuelles.»

Selon Roch Chouinard, il serait faux de croire que «l’école est faite pour et par les filles», comme on l’entend parfois. En vérité, de nombreuses écolières étouffent dans le système scolaire, et de nombreux garçons y fonctionnent très bien. Ainsi, les filles ont peu confiance en leurs capacités de réussir en mathématiques à leur entrée au secondaire. Cinq ans plus tard, garçons et filles sont au même niveau. Mais pas parce que les filles ont davantage de confiance en elles; parce que les garçons en ont perdu.

«Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problèmes, nuance le professeur Chouinard. Je dis que l’opposition entre garçons et filles occulte un problème beaucoup plus profond: l’origine socioéconomique des élèves en difficulté.»

L’instauration d’écoles non mixtes ne changera pas la situation. «Ni une revue de la littérature, ni mes propres recherches sur la mixité ne prouvent que les efforts et les investissements pour séparer les garçons des filles seraient justifiés», dit-il.

Les interventions ministérielles devraient se concentrer là où l’échec scolaire fait de réels ravages parmi les élèves, soit dans les milieux défavorisés, urbains ou ruraux. «L’école doit répondre aux besoins des différents types d’élèves, leur proposer des choix d’activités et leur offrir de réelles possibilités quant à leur trajectoire scolaire. Il y a des écoles qui tentent d’y arriver sans catégoriser les élèves sur la base de leur appartenance sexuelle ou sur la base de stéréotypes comme «les garçons aiment les sports de contact et les filles aiment la lecture».

Mathieu-Robert Sauvé

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