Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numéro 3 - 12 septembre 2005
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 Archives de Forum

Franz Lang, l’archéologue de la biochimie

Le chercheur perce les mystères des mitochondries

Franz Lang s’intéresse à certaines des plus anciennes composantes des cellules: les mitochondries.

En biochimie, le professeur Franz Lang, de l’UdeM, est une sorte d’archéologue sans fossiles. Mais l’absence de preuves tangibles lui importe peu. «Les chercheurs qui étudient les fossiles – disons ceux qui datent d’un million d’années et qui sont moins anciens que les organismes que nous étudions – ne peuvent s’offrir le luxe de procéder à des analyses d’ADN», lance-t-il en souriant.

Les travaux de M. Lang portent sur les mitochondries, qui alimentent en énergie les cellules et permettent aux animaux de se mouvoir et aux plantes de croitre. La présence ou l’absence de mitochondries constitue depuis toujours un des critères de base pour classifier les organismes.

Pour déterminer les toutes premières traces de vie, impossible de s’en remettre uniquement à l’ADN des êtres humains et des animaux, beaucoup trop évolué. C’est pourquoi le professeur Lang s’est intéressé aux espèces plus primitives que sont les eucaryotes. Au début des années 90, l’Américain Charley O’Kelly, avec qui M. Lang collabore, l’a amené à se pencher sur un flagelle unicellulaire qui, selon l’intuition de M. O’Kelly, pouvait servir de machine à remonter le temps.

M. O’Kelly l’avait baptisé Reclinomonas americana en raison de sa forme inclinée. Mais c’est davantage grâce à son génome mitochondrial très primitif que cet organisme allait devenir célèbre.

En 1997, Franz Lang s’est associé à Gertraud Burger et Robert Cedergren (aujourd’hui décédé) ainsi qu’à d’autres spécialistes pour étudier l’eucaryote mystérieux. Pendant cinq ans, ils ont analysé et séquencé son bagage génétique pour découvrir qu’il possédait l’ADN mitochondrial le plus primitif connu à ce jour.

Autre surprise, les membres de l’équipe ont découvert que plusieurs de ses caractères étaient absents de l’ADN mitochondrial humain. Leurs théories ont permis de mieux comprendre les premiers stades de l’évolution. Tout indique que des bactéries ont en quelque sorte bénéficié d’un programme de protection des témoins, comme si l’on avait voulu protéger leur identité en les faisant passer pour des mitochondries. Ces informateurs protégés, en quête d’un refuge, ont par la suite perdu tout contact avec leur ancien réseau. Selon M. Lang, cet isolement a rendu les bactéries totalement dépendantes de leur hôte eucaryotique, comme si celui-ci les avait réduites à l’esclavage en leur transférant ses gènes et fonctions, les forçant ainsi à travailler pour lui.

Ce moment, celui où des bactéries et la mitochondrie sont entrées en symbiose, a marqué le point de départ d’un milliard d’années d’évolution. Selon Jeffrey D. Palmer, de l’Université d’Indiana, qui étudie l’évolution cellulaire depuis 25 ans, Franz Lang figure, grâce à cette découverte, parmi les chercheurs les plus importants dans le domaine de la phylogénétique.

« Sa découverte en 1997, réalisée de concert avec ses collaborateurs de longue date Gertraud Burger et Michael Gray, d’un génome mitochondrial remarquablement primitif à l’intérieur du protiste Reclinomonas jusqu’alors méconnu a causé toute une surprise et permis de résoudre en bonne partie le problème du lien manquant auquel se butait la génomique », affirme-t-il.

Les professeurs Lang et Burger participent à un vaste projet de recherche qui regroupe les chercheurs de six universités canadiennes. Financée par Génome Canada et dirigée par Génome-Québec et Genome-Atlantic, l’équipe de neuf membres s’intéresse aux eucaryotes microbiens, dont la diversité biochimique pourrait bien être supérieure à celle des règnes animal et végétal réunis.

Même s’il n’accomplit pas tous les jours des percées aussi spectaculaires que celle effectuée en 1997, Franz Lang aime toujours en apprendre davantage sur les organismes qu’il étudie. Il continue de séquencer leurs génomes nucléaires, qui sont autant de voies inexplorées pour remonter le temps.

Philip Fine
Traduit de l’anglais
par Simon Hébert

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