Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numéro 3 - 12 septembre 2005
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 Archives de Forum

La Terre tourne sous vos yeux dans le Hall d’honneur

Le Département de physique installe un pendule de Foucault

Victor Zacek (à gauche) et François Schiettekatte observent le pendule qu’ils ont conçu à l’occasion de l’Année internationale de la physique.

La Terre pivote sur elle-même. Ceux qui en doutent encore peuvent se rendre au Hall d’honneur du pavillon Roger-Gaudry, directement sous la grande tour, pour le constater de leurs yeux. Ils y verront un poids de 10 kg se balancer doucement au bout d’un mince câble de métal fixé au plafond.

En fait, jusque-là, pas de surprise, direz-vous: n’importe quel plomb se comportera de la même façon au bout de son fil. Exact. Mais le pendule de l’Université de Montréal prend toute sa mesure lorsqu’on revient une heure ou deux plus tard: il n’a plus le même axe. La Terre a tourné sous son point d’ancrage. Et si l’on reste sur place pendant précisément 33 h 39 min, on l’aura vu effectuer une rotation complète et retrouver son axe initial. «Quand Léon Foucault présente cette invention au Panthéon de Paris en 1851, c’est la première fois qu’on apporte une preuve terrestre de la rotation de la Terre», raconte Victor Zacek, professeur au Département de physique et instigateur du projet.

Physicien autodidacte, fils de libraire, Léon Foucault (1819-1868) a eu le génie de montrer au grand public ce que les savants avaient compris depuis longtemps mais en se basant essentiellement sur des observations astronomiques et la connaissance pure. Avec lui, tout Paris pouvait voir dans le Panthéon les traces du pendule sur le sable: chaque oscillation était légèrement décalée par rapport à la précédente. Près de trois siècles après Galilée, on pouvait enfin lui donner raison: E pur si muove! («Et pourtant, elle tourne!»)

Une image valant mille mots, Léon Foucault est devenu l’un des plus célèbres physiciens de son temps. «Foucault a eu une importance considérable, ajoute le professeur Zacek, spécialiste de la physique des particules. Lorsque Ernst Mach et Albert Einstein discutent de ce pendule en 1913, on peut penser que les grands principes de la théorie de la relativité générale sont en train de naitre.»

En raison de sa place dans l’histoire des sciences, et pour souligner de façon plus concrète que jamais l’Année internationale de la physique, le Département de physique a conçu l’idée de construire une version maison de ce pendule de Foucault. L’instrument oscillera sans relâche jusqu’en juin prochain.

Instrument complexe

Le pendule de l’UdeM est plus complexe qu’il en a l’air. Au sommet du câble de huit mètres de hauteur qui soutient le pendule, un dispositif relié à la base permet de compenser les pertes de vélocité du poids qui se balance. La friction et le champ magnétique ont un effet d’inertie et, si l’on n’équilibre pas ces forces, le pendule n’oscillera que quelques minutes avant de s’arrêter complètement. «Un peu comme lorsque vous poussez votre enfant assis sur une balançoire, résume le directeur du Département de physique, Laurent Lewis. Chaque fois qu’il s’élance, vous devez lui redonner une petite poussée, sinon il s’arrêterait.»

Si le pendule est suspendu beaucoup moins haut qu’à la démonstration inaugurale, le principe d’oscillation est le même. On pourrait même le démontrer avec un petit pendule de quelques centimètres. Mais ce serait beaucoup moins spectaculaire. «Par contre, ce principe ne fonctionne pas partout sur le globe, précise François Schiettekatte, l’un des responsables des activités entourant la célébration de l’année de la physique à l’Université. Cela s’explique par la force centrifuge de la Terre. Si l’on plaçait un pendule comme celui-ci directement au-dessus du pôle Nord, ces forces n’auraient pas d’effet sur l’oscillation.»

Pour connaitre la durée d’une oscillation complète, il suffit d’utiliser la formule suivante: T=24/sin (). Quand on sait que Montréal se trouveà 45'31'' de longitude nord, cela donne 33 h 39 min. «Nous l’avons vérifié, et le pendule est très précis», lance fièrement Victor Zacek.

Signé Beaubien

Pour Sophie Beaubien, gestionnaire de projet à la Direction des immeubles, la construction du pendule a été passionnante du début à la fin. «Le défi, pour moi, c’était de réaliser un objet qui soit à la fois esthétique, fonctionnel et scientifiquement valable», dit cette double bachelière (architecture et design) qui occupe son poste à l’Université de Montréal depuis 2003.

L’essentiel de son travail s’est concentré dans le socle, que le pendule frôle à environ un centimètre. Minimaliste, son dessin s’inspire des lignes de l’architecte du bâtiment principal du campus, Ernest Cormier. «Nous avons voulu retrouver dans le socle du pendule une inspiration semblable au magnifique site où nous l’avons installé», ajoute-t-elle.

Un peu pour rappeler l’éclairage diffus du plafond du Hall d’honneur, le socle du pendule, en bois d’érable, est éclairé avec des néons à travers des plaques translucides. Mais le socle est aussi fonctionnel, car il cache l’électroaimant relié à l’appareil fixé au plafond. C’est ce système qui permet d’annuler la friction provoquée par l’air sur le pendule.

Deux techniciens du Département de physique (Jean-Sébastien Meyer et Robert Martel) ont grandement contribué à la réalisation du système électrique et à celle du pendule lui-même. Quant au socle, il a été fabriqué par une firme d’ébénisterie architecturale, Fabri K A. «Nous avons formé une équipe très efficace pour ce projet vraiment original», mentionne Sophie Beaubien.

Au Département de physique, on se montre très satisfait du résultat. «C’est un symbole très concret de l’année de la physique. L’objet est splendide, tout à fait conforme à nos attentes», souligne Laurent Lewis, qui tient à exprimer sa gratitude à la Faculté des arts et des sciences (vice-décanat aux communications et infrastructures) pour son soutien.

Les activités de l’Année internationale de la physique se poursuivent. Il y aura entre autres deux conférenciers «grand public» sur le campus au cours de la semaine: Michel Paty, philosophe des sciences, et Mike Shara, du Musée américain d’histoire naturelle. Suivront plus tard à l’automne Jean-Philippe Bouchaud (économie et statistique), l’astrophysicien bien connu Hubert Reeves et un spécialiste de la gravitation, Clifford Will.

Mathieu-Robert Sauvé

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