Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 5 - 26 septembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Guy Rouleau cherche les gènes de l’autisme et de la schizophrénie

Le laboratoire du chercheur reçoit 17,8 M$ de Génome Canada et Génome Québec

Guy Rouleau

Sur les 25 000 gènes qui composent le génome humain, lesquels sont responsables de l’autisme et de la schizophrénie? C’est ce que cherchent à savoir Guy Rouleau et son équipe, qui viennent de recevoir 17,8 M$ pour ce projet majeur qui occupera, pendant quatre ans, une vingtaine de chercheurs en plus du personnel permanent de leur laboratoire de l’Université. À terme, de 5 à 10 gènes devraient être découverts pour chaque maladie.

Pour ce généticien de premier plan à qui l’on doit plusieurs découvertes majeures depuis 15 ans (gène de la neurofibromatose de type 2; premier et second gène de la sclérose latérale amyotrophique, une dizaine de gènes responsables de maladies héréditaires, dont plusieurs importantes au Québec), il ne s’agit pas d’un projet ordinaire. Oui, l’idée de partir à la recherche de prédispositions génétiques pour des maladies du cerveau est audacieuse et sa réalisation jonchée d’obstacles. Mais c’est surtout dans la méthode de travail que son approche est inhabituelle. «Nous allons étudier tous les gènes liés au développement des synapses afin de découvrir ceux qui jouent un rôle dans ces maladies. C’est le contraire de la méthode habituelle, qui consiste à cibler un petit nombre de gènes potentiellement actifs», indique le chercheur avec enthousiasme.

Certaines conditions ont été réunies pour permettre d’envisager cette avenue. D’abord, le chercheur possède, grâce aux recherches du britannique Seth Grant, la liste des 1024 gènes du génome humain liés au développement et au fonctionnement des synapses, ces connexions entre deux neurones grâce auxquelles la transmission d’un signal nerveux est possible. «Notre recherche va s’y concentrer parce que je suis convaincu que ces maladies passent par les défaillances des synapses», explique-t-il.

Le séquençage des gènes isolés chez les 288 sujets de recherche en provenance de quatre continents (144 souffrant d’autisme grave et autant de schizophrénie) permettra d’identifier les précieux gènes. Chaque gène pouvant contenir de 4000 à 10 000 paires de bases, ce sont plus de trois milliards de paires d’adénine, de cytosine, de guanine et de thymine (ACGT) qui défileront dans les ordinateurs du CHUM. Moins d’une centaine de gènes devraient franchir cette étape, à partir de laquelle on tentera des expériences sur des modèles animaux. Si tout va bien, Guy Rouleau mettra au jour plusieurs mutations génétiques responsables de ces maladies, ce qui sera une première mondiale.

Maladies complexes

L’autisme et la schizophrénie ne sont pas des maladies génétiques au sens classique du terme, signale le chercheur dans son bureau de l’hôpital Notre-Dame. On sait que l’environnement immédiat (famille, milieu physique et social, éducation) joue un rôle dans le développement de ces maladies, mais on ne conteste plus, aujourd’hui, le rôle de l’hérédité. «La part génétique chez certains malades gravement atteints est indiscutable, mentionne le généticien. Il est certain que plusieurs gènes sont concernés. Quand on les aura découverts, les applications sociétales et commerciales pourraient être très intéressantes.»

Pour élaborer une médication plus adaptée au profil de chaque patient, l’industrie pharmaceutique pourrait bénéficier des connaissances scientifiques acquises grâce aux recherches du Dr Rouleau. Mais c’est au chapitre de la recherche fondamentale que son apport pourrait être le plus significatif.

«Actuellement, les équipes ciblent un nombre limité de gènes avant de les tester. Nous voulons au contraire séquencer le plus grand nombre possible de gènes. Cette méthode d’investigation est très couteuse, c’est pourquoi elle est inusitée. Mais dans 10 ou 20 ans, vous verrez, elle sera largement utilisée», prédit-il.

Si l’on devait procéder de la sorte pour l’ensemble du génome, il faudrait des années de travail et des milliers de sujets de recherche. Le fait que le projet de Guy Rouleau se penche sur les 1024 gènes synaptiques et les 288 patients ciblés par l’équipe internationale du chercheur permet d’envisager des résultats dans un délai raisonnable.

Il est ravi d’être parvenu à convaincre Génome Canada, Génome Québec et leurs partenaires d’investir dans ce projet, qui place le Canada dans le peloton de tête de la recherche sur le génome humain. «Nous ne pouvons plus dire que nous sommes un petit joueur sur la scène internationale», affirme-t-il.

On a longtemps pensé que l’autisme et la schizophrénie étaient dus à un manque d’affection des parents. Aujourd’hui, on ne met plus en doute les composantes héréditaires de ces maladies. Mais la filiation s’applique à des degrés divers. Il y a des cas lourds dont la composante génétique est très importante et des cas légers principalement induits par l’environnement. On estime l’héritabilité de la schizophrénie à 70% et celle de l’autisme à 90%. Cela signifie que, lorsqu’une personne est lourdement atteinte, sa maladie est très largement due à ses chromosomes. Mais l’environnement peut en alléger les symptômes. «Si l’on découvre les gènes responsables de ces maladies, nos résultats permettront de présenter un spectre de possibilités: d’un côté des gens très atteints dont le bagage génétique exerce une forte influence, de l’autre des gens pour lesquels ce rôle a été peu marquant. Entre les deux, une multitude de nuances.»

Mathieu-Robert Sauvé

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