Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 5 - 26 septembre 2005
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 Archives de Forum

Capsule science

Qu’est-ce qui pousse au crime?

 

Parmi les 548 victimes de meurtres perpétrés en 2003 au Canada, 29% étaient de sexe féminin. Le nombre d’enfants assassinés par leurs parents s’élève pour sa part annuellement à environ 52, selon un rapport publié par la Gendarmerie royale du Canada, qui note depuis 2001 une hausse des homicides commis entre conjoints au pays. Mais qu’est-ce qui pousse les hommes et les femmes à accomplir de tels gestes?

«Il existe des conditions sociales, économiques et culturelles qui constituent des éléments d’explication. J’ai bien peur toutefois qu’il n’y ait pas de réponse simple, encore moins psychologique, à la question», répond Dianne Casoni, professeure à l’École de criminologie.

Dans le cas des infanticides, la littérature scientifique rapporte deux constats généraux, affirme la chercheuse: les femmes atteintes de dépression ou de troubles mentaux tuent généralement leurs enfants en très bas âge et très souvent par altruisme, alors que les hommes tuent davantage dans le contexte d’une rupture conjugale anticipée ou avérée qu’ils ne peuvent tolérer. Ces derniers agissent parfois par vengeance, parfois parce qu’ils ne peuvent imaginer leurs enfants survivre sans eux. Leurs petites victimes sont habituellement âgées de plus de cinq ans et le drame survient la plupart du temps quand ils sont en butte à des difficultés professionnelles et financières.

«Il arrive que l’infanticide chez l’homme soit motivé par un désir de vengeance envers l’ex-conjointe, qu’il perçoit comme sa possession et qu’il veut faire souffrir. Parfois aussi, une envie de supprimer le sentiment intolérable de se trouver dans une impasse l’amène à affirmer son existence par un acte extrême de violence. Ce scénario relationnel peut donner lieu au meurtre de toute la famille», souligne Mme Casoni.

Depuis plus de 15 ans, cette chercheuse s’intéresse au phénomène de la violence. Coauteure d’un ouvrage intitulé La psychocriminologie: apports psychanalytiques et applications cliniques, publié récemment aux Presses de l’Université de Montréal, elle estime qu’«encore aujourd’hui la psychanalyse fournit à la criminologie la théorie explicative la plus complète qui soit du fonctionnement psychique délinquant».

Mais attention: il est faux de croire que tous les actes de violence sont commis par des individus profondément dérangés sur le plan psychologique, selon Mme Casoni. «C’est un mythe moderne, dit-elle, mis en scène par les personnages présentés dans les films et certaines téléséries populaires. Ces stéréotypes contribuent à donner l’impression que la violence ne concerne pas le commun des mortels.»

Des phénomènes sociaux comme le génocide et la violence de masse qu’a connus le Rwanda ou qui sévissent actuellement en Irak et au Moyen-Orient nous contraignent à réviser cette perception. «La violence des gens ordinaires est associée à des phénomènes de groupe extrêmement puissants ainsi qu’à des situations économiques, politiques, sociales et culturelles particulières qui ont le pouvoir d’amener une grande portion de la population à perdre peu à peu sa capacité de discerner le bien du mal», rappelle la professeure.

Chez les délinquants chroniquement violents, les motivations qui incitent à perpétrer des crimes diffèrent considérablement selon les individus, indique Mme Casoni, mais on note quelques éléments communs. «On sait entre autres que ces délinquants ont souvent vécu une situation répétée de carence affective, de négligence parentale ou encore de maltraitance au cours de leur enfance», précise-t-elle.

Leur développement s’en trouve dès lors profondément marqué. Ils sont notamment aux prises avec un fort sentiment d’infériorité contre lequel ils luttent par la fanfaronnade et en cherchant à dominer les autres dans leurs relations interpersonnelles. «En s’identifiant à ceux qui les ont maltraités, par exemple, certains délinquants chroniquement violents parviennent à renverser un vécu d’impuissance extrêmement angoissant», soutient la professeure Casoni.

À son avis, ce sont des gens très difficiles à aider, malgré leur grande insécurité et leur anxiété généralisée, tant que leur délinquance leur procure ce sentiment de puissance. Aussi, puisqu’ils se perçoivent souvent comme des victimes de la société, «ils ont tendance à occulter les problèmes moraux que pose leur délinquance en disant qu’ils ne font que se défendre de l’injustice qu’ils subissent.»

Dominique Nancy

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