Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 5 - 26 septembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

La thérapie conjugale: pas aussi efficace qu’on le dit

John Wright, a mené une vaste étude sur les effets de la thérapie conjugale

John Wright

Quand une relation de couple bat de l’aile, nombreux sont les hommes et les femmes qui entreprennent une thérapie conjugale. Celle-ci ne sauve pas toujours le ménage mais permettrait, selon la littérature scientifique, de diminuer le nombre de dépressions dans la population, l’absentéisme au travail et les conséquences négatives d’une séparation sur le développement des enfants.

Mais est-ce bien exact? L’un des spécialistes mondiaux de la psychologie du couple, John Wright, a mené une vaste étude sur les effets de la thérapie conjugale en analysant les 48 principales recherches effectuées en Amérique et en Europe sur cette question. Encore inédite, cette étude du professeur du Département de psychologie, réalisée en collaboration avec Stéphane Sabourin, de l’Université Laval, et ses collègues de l’UdeM Josiane Mondor, Salima Mamodhoussen et Pierre McDuff, pourrait ébranler quelques certitudes.

Il est possible d’étudier l’efficacité de la thérapie conjugale de façon indépendante, affirment en substance les auteurs, mais de nombreux biais subsistent dans la méthodologie. Le plus important d’entre eux est l’exclusion des protocoles des couples dont l’un des conjoints est dépressif, alcoolique ou violent. «Les chercheurs procèdent comme s’ils étaient dans un laboratoire. Ils éliminent les cas les plus difficiles, commente le professeur Wright. Or, je ne vous apprendrai rien en vous disant que les couples les plus dysfonctionnels sont souvent formés par des gens qui souffrent de multiples blessures. Si on les exclut, on obtiendra une image biaisée de la réalité.»

Dans le langage scientifique, on déplore qu’il n’y ait presque jamais d’études dans l’«environnement naturel» des couples. Par exemple, les couples constitués de conjoints récemment divorcés ou dont l’un des conjoints souffre de dysfonctionnement sexuel, de toxicomanie ou de troubles de la personnalité sont «systématiquement exclus d’un grand nombre de protocoles de recherche». Il en va de même des couples «hautement ambivalents». Or, comme le dit le professeur Wright, qui pratique une journée par semaine dans une clinique située à Longueuil où sont offertes des séances de thérapie conjugale, «il y a des couples qui vivent dans l’ambivalence depuis 20 ou 30 ans et qui sont tout de même fonctionnels».

Un autre biais est causé par le lieu de pratique du thérapeute qui participe aux recherches. «Plus de 60% des thérapeutes conjugaux sont établis en pratique privée et sont payés, directement ou non, par les assurances. Leurs clients leur sont envoyés par d’autres spécialistes de la santé.» C’est très différent de la clientèle, souvent bouleversée par une crise récente, qui fréquente les CLSC et les centres hospitaliers.

Les exclus ont tort

Ceci dit, le «succès» d’une thérapie conjugale est souvent une question de perception. Au moins trois personnes sont concernées (les deux conjoints et le thérapeute), et chacune d’elles peut tirer des conclusions différentes à l’issue des séances. Dans certains cas, on peut considérer une séparation comme un succès de la thérapie... «Si tout le monde s’entend pour dire que la séparation était la meilleure solution au terme de la consultation, on ne peut pas conclure que la thérapie a échoué», fait remarquer le psychologue. Il lui est déjà arrivé de conseiller à un couple la séparation temporaire pour résoudre une crise conjugale.

La difficulté d’évaluer les retombées d’une thérapie conjugale ne signifie pas qu’il faille renoncer à le faire. Au contraire. Mais les chercheurs ont voulu établir des critères précis afin d’éliminer les biais. Ils en ont défini une dizaine.

«Je trouve que l’analyse de l’efficacité de la thérapie conjugale est absolument passionnante, déclare le psychologue, qui est marié à la même femme depuis 32 ans. Mais je constate qu’il nous reste encore beaucoup de chemin à faire pour y parvenir avec rigueur. D’ailleurs, nous avons ici-même, au Département, quatre étudiants diplômés qui travaillent là-dessus.»

Sauverai-je mon couple?

Sauverai-je mon couple en consultant un thérapeute? «De façon générale, on peut dire que la thérapie congugale est efficace chez un couple sur deux. Pour l’autre moitié des couples, le résultat est plus mitigé», signale le psychologue, qui s’intéresse aux problèmes d’alcôve depuis près de 35 ans.

Qui consulte? Des gens qui se fréquentent depuis 3 mois ou 40 ans; des hommes et des femmes âgés de 20 à 70 ans. Et la durée de la thérapie varie, elle aussi. «Certaines durent quatre séances, d’autres s’étirent sur plusieurs années», indique John Wright, qui est d’ailleurs à l’origine du volet «Intervention de couple» à la Clinique universitaire de psychologie (514-343-7725).

Qu’est-ce qui rend un couple capable de résister aux épreuves? «Il n’y a pas de recettes, répond le psychologue. Mais je peux vous dire qu’il existe des facteurs de risque et des facteurs de résilience. En d’autres termes, le fait que vous ayez vécu une enfance difficile et une longue suite de coups durs peut vous rendre plus fragile ou plus fort pour affronter la vie. Si votre passé vous rend plus fort, c’est que vous avez une forte résilience. C’est la même chose pour un couple.»

Le chercheur ne condamne pas les prises de bec dans un couple. Elles seraient même plutôt bien perçues. «Les couples qui ne se chicanent pas cachent parfois des volcans qui dorment. Je crois que c’est normal de vivre des conflits à l’occasion et d’exprimer sa frustration. Les couples qui se querellent peu et bien mettent donc en valeur leur facteur de résilience, alors que ceux qui se disputent beaucoup et mal ont un haut facteur de risque.»

Mathieu-Robert Sauvé

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.