Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 7 - 11 octobre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Capsule science

Faut-il rétablir la peine de mort?

 

Faut-il rétablir la peine de mort en réponse aux actes terroristes survenus depuis le 11 septembre 2001? «Non, dit le criminologue André Normandeau, car elle n’aurait aucun effet intimidant sur les kamikazes. En transformant les terroristes en martyrs, la peine capitale pourrait même avoir un effet contraire.»

Le discours du professeur Normandeau n’étonne pas; en effet, il milite depuis très longtemps pour l’abolition de la peine de mort. Le réputé spécialiste de la police communautaire est d’ailleurs en Europe actuellement pour participer à la Journée mondiale contre la peine de mort. Il a été invité à prononcer une conférence sur ce sujet le 10 octobre à Paris.

Sa position a pourtant pris une nouvelle dimension depuis les attentats de New York et de Washington en 2001, de Madrid en 2004 et de Londres en 2005. «Pour la première fois depuis 40 ans, confie-t-il, je me suis demandé s’il fallait rétablir la peine de mort pour les terroristes de la mouvance islamique radicale ou pour tout autre terroriste qui tue des civils innocents.»

En bon universitaire, il s’est inspiré de la méthode scientifique afin de répondre sérieusement à cette question. Sa démarche l’a amené aux fondements de la criminologie, qui reconnait quatre objectifs à la peine qu’on prononce contre un condamné: la punition, l’effet intimidant, la neutralisation sélective et la réinsertion sociale. En d’autres termes, lorsqu’on inflige une peine à une personne reconnue coupable d’un crime grave, on souhaite la punir (c’est la loi du talion: œil pour œil, dent pour dent); décourager les individus d’adopter son comportement déviant (c’est «l’effet intimidant»); l’isoler du reste de la société (neutralisation sélective) et l’inciter à devenir un citoyen capable de fonctionner convenablement dans la collectivité. Or, explique André Normandeau, la peine capitale répond à seulement deux de ces objectifs: la punition et la neutralisation sélective. «L’effet intimidant est nul, car ces terroristes sont prêts à se faire sauter avec leur bombe. La crainte de mourir n’a donc pas le même impact sur eux que sur d’autres criminels.»

Hélas, la criminologie fondamentale n’est pas nécessairement prise en considération dans les systèmes juridiques nationaux. Si l’Europe est un continent à cent pour cent abolitionniste (c’est une condition pour faire partie de l’Union), l’Afrique est encore largement en faveur de la peine capitale, comme l’Asie et l’Amérique du reste (à l’exception du Canada). Actuellement, 38 des 50 États américains sont en faveur de la peine de mort, et l’on y a compté 389 exécutions depuis l’an 2000. M. Normandeau croit que les États-Unis aboliront un jour la peine capitale, même si 65 % de la population approuve cette sanction. «L’abolition n’a jamais été le résultat d’une demande populaire. La plupart des pays qui ont aboli la peine de mort l’ont fait au moment où la majorité de leurs citoyens la soutenaient encore. Ce fut le cas au Canada, en 1976, et en France, en 1981. Depuis, l’opinion publique est majoritairement opposée à la peine capitale au Canada, particulièrement au Québec.»

Toutes les grandes religions, sauf l’islam, sont résolument abolitionnistes. Les Églises catholique, protestante et juive ont cessé de défendre ce recours depuis les années 60 et 70. Même la position américaine semble s’être adoucie lorsque la Cour suprême a statué, respectivement en 2002 et en 2005, que les meurtriers «mentalement atteints» ainsi que les moins de 18 ans devaient être exclus de la condamnation à mort.

Mais la cause n’avance pas au même rythme partout sur la planète. Elle régresse même à certains endroits. À la suite de la capture de Saddam Hussein, l’Irak a réintroduit la peine de mort dans son code criminel, et l’ancien dictateur risque fort de faire les frais de cette nouvelle disposition. De plus, il serait étonnant que les responsables des actes terroristes récents échappent à la potence s’ils sont reconnus coupables. Si l’on arrêtait Oussama Ben Laden en Afghanistan, par exemple, il est probable qu’on le transfèrerait aux États-Unis pour qu’il y subisse son procès. «Je suis convaincu qu’il serait condamné à mort au terme d’un procès que plusieurs critiqueraient sévèrement», indique M. Normandeau.

L’humanité s’est révélée très inventive pour exécuter les condamnés: crucifixion, lapidation, noyade, bucher, écartèlement, strangulation, décapitation, peloton d’exécution, pendaison, chambre à gaz, électrocution, injection létale... Que nous réserve le troisième millénaire?

«L’abolition», souhaite André Normandeau.

Mathieu-Robert Sauvé

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