Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 7 - 11 octobre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Lutter contre le VIH en renforçant le thymus

Le Dr Sékaly cherche à percer le secret de la mémoire des lymphocytes T afin d’assurer l’efficacité du système immunitaire

Le Dr Rafick-Pierre Sékaly, grand spécialiste des vaccins, rappelle tout de même qu’il y a d’autres moyens que le vaccin pour combattre le sida.

L’élaboration d’un vaccin contre le VIH pose d’immenses défis à la communauté scientifique parce que la manière traditionnelle de fabriquer un vaccin se révèle inefficace face à ce tueur. L’une des façons de contourner le problème est de renforcer le système immunitaire dans sa lutte contre le virus.

C’est une des voies suivies par le Dr Rafick-Pierre Sékaly, directeur du Réseau canadien pour l’élaboration de vaccins et d’immunothérapies (CANVAC), abrité à l’Université de Montréal. Les quelque 75 chercheurs de ce réseau mettent à l’essai des traitements préventifs et curatifs permettant de lutter contre le cancer, l’hépatite C et les infections au VIH.

Le rôle du thymus

Le CANVAC annonçait au début de l’année une découverte majeure dans la lutte contre le VIH. «Nous avons découvert que le VIH détruit les lymphocytes T produits dans le thymus, affirme le chercheur. Il s’agit d’un mécanisme d’action qui n’était pas connu et qui sape le travail du système immunitaire des personnes infectées.»

L’équipe du professeur Sékaly est parvenue à cette découverte en recourant à un procédé d’analyse non invasif qui consiste à prélever non pas des cellules du thymus mais des cellules sanguines de tissus périphériques, considérées comme des indicateurs de l’état interne du thymus.

Le thymus est une glande située dans la partie inférieure du cou, juste devant la trachée. Au contact des hormones qui y sont sécrétées, les lymphocytes parviennent à maturité et deviennent des lymphocytes T (T pour thymus). Du thymus, les lymphocytes migrent vers la moelle pour terminer leur maturation et être ensuite dispersés par le système sanguin et détruire les cellules tumorales et les cellules infectées par un virus. Mais ce système de défense ne fonctionne pas dans les cas du cancer et d’infections au VIH.

Selon le directeur du CANVAC, si l’on réussissait à maintenir l’activité du thymus, on aurait un moyen direct de reconstruire le système immunitaire détruit par le VIH.

La mémoire des lymphocytes

Cette découverte découle en partie des travaux de recherche fondamentale effectués par la Chaire de recherche du Canada en biologie cellulaire et en immunopathologie du VIH, dont Rafick-Pierre Sékaly est titulaire. Ces travaux visent à comprendre le mécanisme moléculaire de l’activation de la mémoire des lymphocytes T.

On distingue trois sortes de lymphocytes ou cellules T: les cellules naïves, qui n’ont pas encore rencontré d’antigène ou corps étranger, les cellules T mémoire, qui ont été en contact avec un agent infectieux et qui sont responsables de la réponse immunitaire de longue durée, et les cellules T effectrices, qui détruisent les cellules infectées. Des lymphocytes T mémoire peuvent se reproduire pendant une soixante d’années et c’est ce qui fait l’efficacité d’un vaccin.

«Nous cherchons à connaitre le processus par lequel des cellules T naïves deviennent des cellules mémoire et comment les cellules mémoire deviennent des effectrices, explique le Dr Sékaly. Les connaissances qu’on pourra acquérir seront applicables non seulement à un vaccin contre le sida, mais à tout type de vaccin.»

Dans le cas du VIH, les chercheurs ne peuvent pas recourir au procédé habituel d’élaboration d’un vaccin parce que, même atténué, le VIH réussit à s’intégrer à l’ADN de son hôte et à se reproduire. On cherche donc d’autres façons d’induire une réponse immunitaire.

Selon le professeur Sékaly, s’il fallait par exemple concevoir de nouveau le vaccin contre la variole, on ne procèderait pas comme on l’a fait à l’époque, c’est-à-dire en utilisant un antigène viral. «Cette méthode présente trop de risques pour une part significative de la population», dit-il. La stimulation de la production des cellules T mémoire et de leur persistance lui parait une voie prometteuse.

Rafick-Pierre Sékaly est même confiant de voir les travaux poursuivis par diverses équipes internationales conduire à la découverte d’un vaccin préventif ou thérapeutique d’ici cinq ans. «Ça ne fait que 24 ans qu’on travaille sur le VIH alors qu’il a fallu 100 ans de recherche pour produire le vaccin contre la typhoïde», signale-t-il.

Vaccins à l’essai

Trois vaccins font d’ailleurs l’objet actuellement d’essais cliniques. Une étude sur un vaccin thérapeutique destiné à renforcer du système immunitaire et à laquelle participe le Dr Sékaly se poursuit depuis un an auprès de 4000 personnes atteintes par le VIH en Amérique du Nord, dont 30 à Montréal.

Un vaccin préventif, jugé très sécuritaire, est testé auprès de 14 000 personnes saines en Thaïlande. On ne les a évidemment pas infectées au VIH pour voir si le vaccin est efficace, mais le grand nombre de participants permettra de voir si le taux d’infection s’avère éventuellement plus faible au sein de la population à risque faisant partie de l’échantillon.

«Lors de l’essai d’un vaccin préventif, il se fait beaucoup de travail d’éducation auprès de la population afin d’éviter que les sujets se pensent à l’abri du risque, souligne le chercheur. Cette sensibilisation entraine elle-même une diminution du taux d’infection.»

Les chercheurs sont alors placés devant un paradoxe qui limite la portée de l’étude elle-même; il faut par conséquent constituer des échantillons de plus en plus larges. Mais ceci ne contrarie pas le chercheur: «Si l’étude permet de réduire le taux d’infection par la sensibilisation, nous remplissons tout de même une partie de notre mandat. Il existe d’autres moyens que le vaccin pour combattre le sida», déclare-t-il.

Les travaux que dirige le professeur Sékaly sont soutenus entre autres par les Instituts de recherche en santé du Canada, qui ont versé jusqu’ici entre deux et trois millions à la chaire de recherche et au CANVAC.

Daniel Baril

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