Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 9 - 31 octobre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Capsule SGPUM

1947: un premier syndicat de professeurs canadiens

Forum ouvre ses pages au Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université en publiant une série de capsules sur l’histoire de ce syndicat, à l’occasion de son 30e anniversaire. Les informations sont tirées d’un ouvrage à paraitre en 2006 aux Éditions du Boréal.

En 1947, l’Association des professeurs de la Faculté des sciences de l’Université de Montréal obtient un certificat de reconnaissance syndicale de la Commission des relations ouvrières du gouvernement du Québec, ce qui en fait le premier syndicat de professeurs d’université du Canada et peut-être même de l’Amérique du Nord. L’Association avait été fondée deux ans plus tôt par des professeurs qui se plaignaient de leur faible rémunération et des écarts considérables de salaire entre collègues de même rang. Leur président en est alors Abel Gauthier, directeur du Département de mathématiques, et le secrétaire Fernand Seguin, jeune professeur du Département de biologie, qui connaitra une brillante carrière de vulgarisateur scientifique à Radio-Canada.

Les professeurs de sciences sont les premiers à songer à se regrouper, car c’est dans cette faculté qu’on trouve le plus grand nombre de professeurs de carrière, plus d’une trentaine. Dans les autres facultés (médecine, médecine dentaire, pharmacie, lettres, droit et philosophie), la grande majorité des professeurs sont embauchés à la leçon et pour quelques-uns d’entre eux à demi-temps.

Dans son mémoire soumis à la direction de l’Université en 1946, l’Association dresse un tableau affligeant de la rémunération des 35 professeurs de la Faculté. Les salaires sont si faibles que plusieurs d’entre eux doivent chercher un travail complémentaire à l’extérieur, ce qui les empêche de se consacrer à leur tâche principale, l’enseignement et la recherche.

L’autre sujet de protestation de l’Association touche à l’absence de règles de rémunération des professeurs, les salaires étant fixés selon le bon vouloir des doyens et des directeurs de département. Cette méthode a pour effet d’engendrer une grande disparité dans les salaires versés. Le mémoire recommande une échelle salariale qui débuterait à 2400$ pour les chargés de cours (adjoints), 3400$ pour les agrégés et 4400$ pour les titulaires. Des hausses de 200$ par année seraient automatiques.

La plaie du travail extérieur

Le bureau de l’Association essaie de rencontrer les administrateurs de l’Université en 1946 et 1947. Mais ceux-ci se défilent: «La Société [conseil d’administration qui gère alors l’Université] ne saurait reconnaitre aucune association comme agent des professeurs d’une faculté et [...] le seul porte-parole des professeurs [...] restera toujours le Conseil de la faculté où les professeurs donnent leur enseignement.»

Le bureau achemine néanmoins son mémoire aux autorités de l’Université, qui se montrent sensibles à la requête. En effet, le Conseil de la Faculté des sciences recommande à ses directeurs de département de préparer leur budget selon l’échelle proposée par l’Association en lui retranchant 20% toutefois. Les augmentations réjouissent la direction de l’Association, qui se plaint cependant qu’elles ne règlent pas le «problème fondamental», soit la «plaie du travail extérieur».

Comme l’administration refuse toujours de rencontrer les représentants de l’Association, ces derniers soumettent une demande de reconnaissance syndicale à la Commission des relations ouvrières du gouvernement du Québec. Et, probablement contre toute attente, la Commission accorde, le 12 mars 1947, un certificat de reconnaissance syndicale permettant à l’Association de représenter tous les professeurs de la Faculté des sciences. Le certificat oblige légalement l’Université à négocier «de bonne foi» une convention collective. Mais comme l’employeur se dérobe toujours à la négociation, le conseil de l’Association se propose de demander au ministère du Travail un conciliateur.

Cette requête est à l’ordre du jour d’une assemblée générale convoquée à l’Institut botanique pour le 30 septembre 1947. Il semble bien que cette assemblée n’ait pas eu lieu, faute de participants ou parce que les professeurs n’ont pas voulu forcer l’administration à la conciliation. Plusieurs d’entre eux sont probablement satisfaits des augmentations obtenues et réticents à recourir à des moyens de pression qui assimileraient leur association à un syndicat ouvrier. L’Association, toujours active au cours des années qui suivent, abandonne cependant ses velléités syndicales. Elle donnera naissance en 1955 à l’Association des professeurs de l’Université de Montréal, à laquelle succédera en 1975 le Syndicat général des professeurs et professeures de l’UdeM.

Jacques Rouillard,
professeur du Département d’histoire

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