Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 9 - 31 octobre 2005
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 Archives de Forum

capsule science

Comment donner le gout de lire aux enfants?

 

Comment donner le gout de lire aux enfants? «Privilégiez le plaisir et celui du dialogue, répond Nicole Van Grunderbeeck. Si la lecture est l’affaire de l’école, elle est d’abord favorisée par l’environnement familial.» Le but n’est pas seulement de leur apprendre à lire. C’est de former des lecteurs. Des enfants qui continueront à lire quand ils seront adultes et donneront à leurs propres enfants l’envie de lire.

Professeure à la Faculté des sciences de l’éducation, Mme Van Grunderbeeck s’intéresse à la didactique de la lecture et aux difficultés d’apprentissage depuis une trentaine d’années. «L’intérêt pour l’écrit est généralement éveillé chez les moins de six ans, affirme-t-elle. Ils arrivent à l’école avec le désir d’apprendre à lire. Mais on note une baisse du gout de la lecture avant la fin du primaire, particulièrement chez les garçons.»

Comment ces enfants que seule une histoire pouvait calmer le soir ont-ils pris les livres en grippe? Quelques années ont suffi. Le temps a passé si vite. Personne n’a rien vu venir. «De 20 à 25% des élèves peuvent éprouver des difficultés d’apprentissage et, malheureusement, souvent ils se découragent et perdent leur intérêt pour la lecture avant d’entrer au secondaire», rapporte Nicole Van Grunderbeeck. Elle rappelle, études à l’appui, que lire des histoires aux tout-petits est un excellent moyen de prévenir les difficultés d’apprentissage plus tard.

Le manque de diversité des textes proposés par les enseignants est aussi montré du doigt. «Il y a des enfants qui ne lisent pas parce qu’on ne leur présente rien qui corresponde à leurs attentes, note Mme Van Grunderbeeck. Il faut offrir aux écoliers une littérature digne de ce nom, avec des auteurs, des œuvres, des genres différents.»

La diversité est le maitre mot de cette enseignante. À son avis, il faut diversifier les contenus et les actions, car chaque enfant est unique. Il y a des thèmes, des supports qui interpellent plus certains enfants que d’autres. En général, les garçons ont horreur des petits romans. Ils disent que ces livres sont bons pour les filles. «Lire est d’ailleurs considéré par les garçons comme un loisir féminin», observe la professeure. Mais les ouvrages sur des sujets qui les intéressent, que ce soit les voitures, les animaux sauvages ou le sport, obtiennent auprès d’eux un succès fou.

Selon Mme Van Grunderbeeck, il ne faut pas non plus dénigrer les bandes dessinées, car elles sont une forme de lecture complexe, avec des ellipses considérables, qui peut constituer un tremplin vers d’autres types de récits. «Il faut toucher à tout, tout essayer», soutient la chercheuse d’origine belge qui a grandi avec les Tintin et compagnie. Il existe par ailleurs une multitude d’activités susceptibles de piquer la curiosité d’un enfant, indique Nicole Van Grunderbeeck. «Proposez à des élèves en difficulté de lire des histoires aux petits de maternelle et vous allez assurément constater des progrès, cite-t-elle en exemple. Ou encore, suggérez-leur de monter une exposition sur un sujet qui leur tient à cœur. Aucun enfant, passionné par une matière, ne va refuser de s’informer pour expliquer aux autres quelque chose qu’il connait bien…»

Lorsqu’on écoute Mme Van Grunderbeeck, l’optimisme nous gagne. Donner le gout de lire parait simple comme bonjour. Mais encore aujourd’hui, beaucoup d’enseignants manquent de repères dans ce domaine et continuent à privilégier la pire approche: le livre imposé suivi de son inévitable grille de questions! De quoi vous couper l’envie de lire en moins de deux. «Le meilleur moyen de dégouter un enfant de la lecture», selon Mme Van Grunderbeeck. La rencontre avec un livre, à tout âge, est comme la rencontre avec un nouvel ami: elle ne peut pas être dictée, mais juste suggérée.»

L’auteur Daniel Pennac l’a déjà dit: «Le verbe “lire” ne supporte pas l’impératif. Aversion qu’il partage avec quelques autres: le verbe “aimer”…, le verbe “rêver”…» Dans Comme un roman, un essai sur la lecture, il défend la lecture-cadeau, la lecture gratuite et sans contrepartie. Or, certains parents bien intentionnés pensent qu’un livre doit être éducatif, que l’enfant doit y apprendre quelque chose ou que l’histoire doit se rapprocher de son vécu. Croyant bien faire, on glisse entre les mains de nos jeunes des livres qui sont censés les aider à surmonter leurs difficultés tels des récits édifiants sur le divorce, le deuil, l’adoption... On brise le charme d’une lecture pour expliquer le sens de l’histoire ou d’un mot, comme si l’on interrompait un concert par une leçon de solfège. «Bref, on pèche par excès de zèle», souligne Nicole Van Grunderbeeck.

«Le livre ne doit pas être une potion éducative, ajoute-t-elle, mais bien un pur objet de plaisir.»

Dominique Nancy

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