Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 9 - 31 octobre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Un gène d’insensibilité typique aux Québécois est découvert

Les cas d’insensibilité à la douleur sont concentrés dans la région de Lanaudière

Le Dr Guy Rouleau

On sait que tous ne réagissent pas de la même façon à la douleur. À une extrémité du spectre, certains sont si sensibles que la moindre activité ou hausse des températures leur causent des rougeurs, des enflures douloureuses aux mains et aux pieds et des sensations de brulure. À l’opposé, certains n’éprouvent aucune sensation de douleur.

Ces extrêmes sont très rares, mais on trouve au Québec un syndrome particulier de résistance à la douleur qui serait lié à l’effet fondateur des premiers colons établis en Nouvelle-France. Les travaux parallèles de deux équipes dirigées par des professeurs de l’Université de Montréal, les Drs Guy Rouleau et Bernard Brais, du Département de médecine, ont permis de découvrir le gène du syndrome de l’insensibilité congénitale et héréditaire à la douleur de type 2 (HSAN2) dont 50% des cas connus se retrouvent chez les Canadiens français.

«Ce syndrome se caractérise par une perte de sensibilité au toucher, à la chaleur et à la douleur ainsi que par une faiblesse ou une absence de réflexes», explique Guy Rouleau, qui présentait l’état des connaissances sur la question aux Journées de la douleur, tenues au début du mois. «Ces symptômes apparaissent dans l’enfance et deviennent parfois plus marqués avec l’âge. Certains enfants peuvent être incapables de manipuler de petits objets comme des lacets de souliers.»

Les personnes qui en sont atteintes peuvent ressentir le froid ou la chaleur, mais pas la douleur causée par les températures extrêmes et les lacérations. Ceci entraine souvent de graves ulcérations aux extrémités nécessitant des amputations.

Cinq variantes

Les chercheurs distinguent cinq variantes de HSAN, mais les frontières ne sont pas toujours nettes entre elles. La principale distinction du type 2 est que la maladie apparait plus tôt dans l’enfance et qu’elle est due à un gène récessif.

Ce gène, auquel l’équipe du Dr Rouleau a donné le même nom que le syndrome, a été repéré en comparant le génome de cas connus à Terre-Neuve avec celui de cas semblables sur lesquels Bernard Brais travaillait au Québec. De tous les cas du Québec, soit une vingtaine, 80% se trouvent dans la région de Lanaudière.

La découverte du gène a été une surprise pour les chercheurs puisque rien ne permettait de prédire que ce segment du génome pouvait être un gène codant. «Le gène n’a rien de commun avec les autres et les combinaisons ne ressemblent à aucune autre», affirme le Dr Rouleau.

La protéine qu’il code a été appelée sensine et pourrait jouer un rôle dans le développement ou le maintien des neurones sensoriels du système nerveux périphérique. Il s’agit en fait de la découverte du cinquième gène lié à la perception de la douleur, mais aucun d’eux ne fait partie de la même famille; chacun intervient dans un élément différent du système nerveux.

Les travaux de l’équipe du Dr Brais ont par la suite permis de révéler deux mutations chez les familles québécoises atteintes du HSAN2, alors que les cas terre-neuviens relèveraient d’une troisième mutation du même gène. Sans qu’il puisse pour l’instant expliquer pourquoi les cas sont concentrés dans Lanaudière, Bernard Brais estime que la fréquence de ces mutations dans la région pourrait aller de 1 personne sur 100 à 1 sur 18. Si les deux parents sont porteurs de ces mutations sur le gène, l’enfant court un risque sur quatre d’être atteint de la maladie.

Nouveau traitement de la douleur?

Le gène de la sensine a également été trouvé chez la souris et chez le poisson zébré, mais il serait inexistant chez les invertébrés. Chez le poisson zébré, les travaux du Dr Rouleau ont montré que le gène est principalement actif dans les terminaisons nerveuses de la ligne latérale qui permettent au poisson de se situer dans l’espace et de ressentir les changements de pression ou les déplacements d’eau. Lorsque le gène est désactivé, le poisson semble désorienté et roule sur lui-même.

«La sensine joue donc un rôle important dans le système sensoriel du poisson», conclut le chercheur, qui poursuit ses travaux afin d’observer l’effet de la désactivation du gène chez la souris.

À l’origine, le Dr Rouleau dirigeait ce programme de recherche pour le compte d’une compagnie pharmaceutique qui espérait que la découverte du gène ouvre la porte à un nouveau procédé de traitement de la douleur. Le chercheur croit qu’une telle avenue est possible. Les enfants dont les deux parents sont porteurs de mutations sur le gène HSAN2 mais qui ne présentent pas les caractéristiques du syndrome semblent être moins sensibles à la douleur. Ceci permet de penser qu’on peut atténuer l’effet du gène ou de sa protéine sans nécessairement provoquer la maladie.

Le Dr Brais a cherché pour sa part à objectiver cet état de choses chez les sujets en question et ses résultats seront connus sous peu.

Daniel Baril

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.