Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 10 - 7 novembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Philippe Poullaouec-Gonidec reçoit un prix Trudeau

L’émergence d’un débat sur le paysage trahit une préoccupation nouvelle pour le territoire

Le Liban est le pays hôte de plusieurs activités scientifiques de la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’UdeM ce mois-ci.

Les travaux effectués depuis 1996 par la Chaire en paysage et environnement de l’Université de Montréal viennent de recevoir une reconnaissance d’envergure. La Fondation Trudeau a en effet choisi d’attribuer à son titulaire, Philippe Poullaouec-Gonidec, l’un des cinq prix de recherche qui portent son nom. «Ma réaction? La surprise», confie le lauréat au cours d’un entretien avec Forum dans son bureau du Pavillon de la Faculté de l’aménagement.

Les prix de la Fondation, créés en mémoire du politicien Pierre Elliott Trudeau, sont remis chaque année à d’éminents chercheurs canadiens. Ils comprennent une bourse personnelle de 150 000$ sur trois ans. À cette bourse s’ajoute une subvention de 75 000$ pour les frais de déplacement et des activités de recherche avec le réseau de la Fondation.

Pour le professeur de l’École d’architecture de paysage de 51 ans, ce prix est d’autant plus inattendu qu’il ne provient pas du milieu universitaire. «Il s’agit d’un prix non sollicité», précise-t-il. En effet, les prix de recherche Trudeau sont décernés sans condition à des chercheurs en reconnaissance de leur contribution à des questions d’intérêt public. Comme les lauréats ne posent pas leur candidature, on ne s’attend pas à ce qu’ils préparent un plan de travail. «Nous les invitons uniquement à demeurer fidèles à eux-mêmes et à utiliser le prix pour l’avancement de leurs travaux», affirme le président de la Fondation, Stephen J. Toope.

Grâce à ce financement, Philippe Poullaouec-Gonidec poursuivra donc ses travaux sur les différents phénomènes de la transformation du territoire et de l’environnement visuel avec son souci habituel de favoriser le développement de la formation de «haut niveau» en recherche. «J’ai en tête plein de projets, dit-il. Certains ont pour thème les aspects humains du paysage en tant que construit social, mais d’autres porteront sur l’analyse des pratiques aménagistes. Le laboratoire sera très occupé, croyez-moi!»

Émergence d’un débat sur le paysage

Le prix de la Fondation Trudeau n’est pas le premier honneur qui lui échoit. M. Poullaouec-Gonidec a reçu un grand nombre de récompenses d’associations professionnelles québécoises et canadiennes pour ses travaux conceptuels. Soulignons, entre autres, le Grand Prix du tourisme québécois et le Prix d’excellence de la Société des musées québécois, qu’il a obtenus respectivement en 2001 et 2002 pour la création du Festival international de jardins contemporains de Métis.

C’est d’ailleurs au cours de ses observations dans cette région maritime et agricole de la Gaspésie que lui est venue l’idée de rassembler en un même lieu des gens de plusieurs disciplines qui s’intéressent à la question du paysage. Il a ainsi créé l’École d’été de Métis, où de 1998 à 2003 quelque 150 étudiants ont expérimenté un art du jardin à travers le paysage avec son soutien et celui de ses collègues Gérald Domont, Danièle Routaboule et Bernard Saint-Denis, aussi professeurs à la Faculté.

C’est le regard qu’on pose sur le paysage qui peu à peu change le territoire, souligne l’architecte paysagiste, qui constate enfin l’émergence d’un débat sur le paysage. «Il y a 15 ans, on entendait rarement le mot “paysage” dans les problématiques d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, les gens commencent à tenir compte de son importance», soutient Philippe Poullaouec-Gonidec.

Invité jusqu’au Liban et en Italie pour donner des conférences sur le sujet, celui qui fut directeur de l’École d’architecture de paysage de 1991 à 1996 a publié de nombreux ouvrages théoriques sur l’architecture du paysage au Québec. «Le prix Trudeau va certainement nous donner plus de temps pour la recherche et la publication», se réjouit le chercheur.

L’appel du Nouveau Monde

Comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, l’UNESCO, qui prend appui sur l’expertise acquise à l’UdeM, a récemment inauguré la première chaire consacrée à la valorisation du paysage comme axe de recherche et d’enseignement universitaires. Cette chaire permettra à son titulaire, M. Poullaouec-Gonidec, d’inscrire ses travaux théoriques et ses recherches-actions dans une perspective internationale. «La chaire met en réseau neuf établissements universitaires de six pays, soit le Canada, le Maroc, le Liban, l’Italie, l’Espagne et l’Autriche, signale l’architecte paysagiste. À plus long terme, elle devrait mener à l’implantation d’un observatoire international des paysages en coopération avec le Centre du patrimoine mondial et les programmes de Gestion des transformations sociales et de Man and Biosphere, de l’UNESCO.»

Ces bonnes nouvelles arrivent à point nommé pour Philippe Poullaouec-Gonidec, qui célèbre cette année son 26e anniversaire en terre québécoise. Né en Bretagne, ce fils de marin a eu l’appel de l’Amérique du Nord dès son jeune âge. «J’ai grandi à Brest, une ville unique sur l’Atlantique, raconte le professeur. Enfant, je rêvais de ce qu’il y avait au-delà de cet horizon. Ça me paraissait tellement inaccessible.» Jusqu’au jour où, en 1979, il prend l’avion pour venir étudier au Canada, à l’Université de Montréal. Il craque aussitôt pour ce pays.

C’est par l’entremise des voyages en mer effectués avec son père qu’il prend conscience du bonheur qui existe dans le paysage et la navigation. «Dès l’âge de 10 ans, mon père, capitaine d’un cargo, m’a emmené avec lui l’été. J’ai ainsi découvert par la mer plusieurs pays de l’Europe du Nord. Vous savez, c’est très différent de découvrir progressivement un pays par la mer. C’est une expérience sensorielle et très particulière, rapporte le professeur. Avant de voir la côte tant attendue, on entend les cris des goélands, on sent l’odeur de la terre, on voit le découpage de l’horizon, puis celui des falaises, autant de signes du pays qu’on avait imaginé depuis la mer...»

Décidément, le professeur Poullaouec-Gonidec est toujours un peu poète...

Dominique Nancy

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