Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 11 - 14 novembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Qu’est-ce que l’intelligence?

Serge Larivée défend la fiabilité des tests de QI

Serge Larivée

«Les tests mesurant le quotient intellectuel sont valides, stables, fiables et non biaisés culturellement», affirme Serge Larivée, professeur à l’École de psychoéducation.

Celui qui a été mêlé malgré lui à l’affaire Mailloux a martelé ce point au dernier Bar des sciences, tenu le 2 novembre sur le thème «Le QI et Einstein». Cette activité de vulgarisation scientifique, organisée par le Cégep de Saint-Laurent en collaboration avec la revue Québec Science, réunissait également le physicien Jean-Pierre Roux, professeur retraité, et Katherine Deslauriers, présidente de l’Association des professeurs de philosophie du Québec.

Un concept opérationnel

La polysémie du mot «intelligence» a risqué plusieurs fois de faire déraper le débat malgré les invitations répétées de Jean-Pierre Roux à rechercher un concept opérationnel.

Serge Larivée estime en avoir un. «L’intelligence est tout simplement la capacité de résoudre des problèmes et de s’adapter à son environnement, dit-il. Cette capacité se mesure par des tests de QI, qui sont de bons prédicteurs de la réussite scolaire et intellectuelle.»

Pour préciser sa définition, le professeur s’en remet à une déclaration signée par 52 chercheurs américains de renom et publiée dans le Wall Street Journal en 1994. On y mentionne entre autres que l’intelligence implique la faculté de raisonner, de planifier, de penser abstraitement, d’apprendre rapidement et de tirer profit de ses expériences. Ce texte, intitulé Mainstream Science on Intelligence, reconnait également que les écarts de QI entre les groupes ethniques américains diminuent à conditions socioéconomiques égales mais demeurent significatifs.

Les tests de quotient intellectuel ne prétendent pas évaluer la créativité, le caractère, la personnalité ou la sociabilité. Ces éléments utiles dans la vie, souvent invoqués pour souligner les limites des tests de QI, ne font tout simplement pas partie de ce que les chercheurs considèrent comme les données scientifiques reconnues sur l’intelligence.

Intelligences multiples

Serge Larivée rejette donc la notion d’intelligences multiples avancée par le psychologue Howard Gardner dans les années 80 et qui connait un succès populaire. Le concept compte présentement une dizaine de formes d’intelligence, dont l’intelligence naturaliste et l’intelligence existentielle!

«C’est une théorie non scientifique, a signalé le professeur Larivée, et il n’existe aucun test validé pour calculer ces intelligences multiples. Howard Gardner veut en fait montrer que tout le monde est intelligent dans un domaine. Mais la vie est injuste et tous n’ont malheureusement pas les mêmes dispositions intellectuelles.»

Selon les chiffres du psychoéducateur, les deux tiers de la population, soit 66%, obtiennent la note moyenne de 100 points de quotient intellectuel, alors que la note des universitaires se situe autour de 110. Le QI progresse au cours de l’enfance et devient «relativement stable» vers l’âge de sept ans. Les doués, dont le QI atteint 130, ne représentent que 2 à 3% de la population; au-delà de ce seuil, les génies ne comptent que pour 0,5% de la population.

Race et fiabilité des tests

Dans un texte à paraitre dans un ouvrage collectif dont il dirige la production, Serge Larivée soutient qu’aucune recherche ne montre de façon expérimentale que les tests de QI sont biaisés. Tout ce qu’il a pu trouver soutenant le contraire dans la littérature tiendrait de l’opinion et non de la science.

«Les tests ne changent pas en fonction de la couleur des yeux, a-t-il déclaré. Ils sont stables, valides, fidèles et mesurent la même chose chez tout le monde. Ils sont de formes diverses – questionnaires, manipulation d’objets, appréciation des habiletés linguistiques et mathématiques – et standardisés en fonction des cultures et des époques.»

À cause de l’habituation culturelle aux types de tâches à effectuer, les tests utilisés en 1945 donneraient aujourd’hui des résultats moyens de l’ordre de 120. La capacité de répondre aux questions augmente donc au fil des générations, mais pas forcément l’intelligence. Il y a même une régression légère vers la moyenne chez des enfants dont les deux parents affichent de forts QI.

La question du rapport entre race et QI était inévitable. Selon Serge Larivée, l’héritabilité, soit la part de génétique dans une habileté donnée, n’est pas la même chez les Noirs et chez les Blancs aux États-Unis.

«Pour le QI, l’environnement a plus d’effets chez les Noirs que le facteur génétique, affirme-t-il. Si l’on retranche des tests les éléments qu’on qualifie de biaisés, les Noirs performent encore moins bien. Ce n’est pas mon opinion, c’est ce que révèlent les tests empiriques; on n’aidera personne en niant le fait.»

À ses yeux, ceci démontre justement l’importance d’améliorer les conditions sociales des Noirs américains. Pour ce qui est des différences entre Noirs et Blancs au Canada, au Québec ou en France, on ne disposerait d’aucune donnée sur le sujet.

Même en admettant la fiabilité des tests de QI, on peut légitimement se demander à quoi ils servent dans un contexte où l’école est obligatoire et gratuite. «Ils ont une utilité en psychologie clinique, répond le psychoéducateur, lorsque des psychologues veulent savoir, par exemple, si un retard relève d’un problème d’apprentissage ou d’une déficience intellectuelle. Ils servent aussi à observer les conséquences sociales des habiletés intellectuelles quand des corrélations sont observées entre QI, comportements sociaux, réussite ou échec.»

Le professeur compte poursuivre le débat dans le prochain numéro de la Revue de psychoéducation.

Daniel Baril

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