Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 11 - 14 novembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

L’espoir renait pour les insuffisants cardiaques

1378 patients participent à une recherche internationale dirigée de Montréal

Le Dr Denis Roy vit avec les oreillettes et les ventricules depuis de nombreuses années et il pourrait prolonger l’espérance de vie des gens atteints d’insuffisance cardiaque et de fibrillation auriculaire.

Chaque année, 400 000 personnes s’ajoutent aux cinq millions de Nord-Américains qui souffrent d’insuffisance cardiaque. De ce nombre, une sur quatre a un problème supplémentaire au cœur, la fibrillation auriculaire, qui la met en danger de mort presque quotidien. «Devant ces patients, les médecins ont deux choix de traitement et rien ne permet actuellement de savoir lequel est objectivement le plus efficace, explique le cardiologue Denis Roy. Mais nous leur donnerons une réponse bientôt.»

L’objectif de ce chercheur, également directeur du Département de médecine et président de la Société canadienne de cardiologie, est de diminuer de 25% la mortalité chez les patients qui présentent cette double affection. Une telle réduction de la mortalité associée à l’insuffisance cardiaque et à la fibrillation auriculaire pourrait se traduire par des économies substantielles pour le système de santé. Au Québec, les frais d’hospitalisation uniquement pour la fibrillation auriculaire s’élèvent à quelque 30 M$ par année, ce qui n’inclut pas les frais liés aux médicaments.

Comment le chercheur compte-t-il parvenir à son but? En combinant la prescription d’un médicament antiarythmique, l’amiodarone, et la cardioversion, un choc électrique qui permet de rétablir le rythme normal du cœur. Ensuite, il comparera cette stratégie avec un traitement plus simple qui se limite à contrôler la fréquence cardiaque sans tenter la cardioversion. «Quoi qu’il arrive, nous allons avoir une réponse utile sur le plan médical au terme de notre analyse», commente le chercheur avec enthousiasme.

Entamée en 2001, la recherche a accepté en juin 2005 le dernier sujet prévu par le protocole. Tous les participants ont été rencontrés périodiquement afin que soit rapportée l’évolution de leur état de santé. D’ici deux ans, on passera à l’analyse des résultats.

Étude multicentrique

Présenté comme cela, tout a l’air simple. Mais pour réaliser une telle recherche clinique, il faut d’abord réunir des centaines de cliniciens prêts à collaborer avec son instigateur principal. Et surtout, il faut regrouper un nombre de cas qui présentent le profil souhaité, soit près de 1400, et se plier aux multiples exigences des comités d’éthique.

Au chapitre de la collaboration internationale, le Dr Roy a pu constater qu’il jouissait d’une excellente crédibilité. Des chercheurs de 123 hôpitaux situés dans 10 pays (dont l’Argentine, le Brésil, les États-Unis, Israël et plusieurs pays d’Europe) ont répondu présents. Un grand nombre de patients proviennent du Canada, mais c’est en Argentine qu’on a recruté le plus de participants.

Le projet Atrial Fibrillation and Congestive Heart Failure Trial (AFCHF) fait suite à une étude qui démontrait hors de tout doute la supériorité de l’amiodarone sur toute autre pharmacothérapie pour lutter contre la fibrillation auriculaire et dont les résultats ont paru en mars 2000 dans une revue de renom, le New England Journal of Medicine.

La particularité du AFCHF est de ne procéder à aucune thérapie expérimentale, mais de comparer deux traitements médicaux très courants pour déterminer lequel est le plus efficace.

Quand on pense que la mortalité chez les gens atteints à la fois d’insuffisance cardiaque et de fibrillation auriculaire atteint 25% après deux ans, on comprend qu’une réduction des décès pourrait avoir des effets notables sur le système de soins. «Un tel pronostic est grave. Ces patients sont plus à risque que s’ils souffraient de certains cancers», lance le spécialiste.

On sait déjà que plusieurs centaines de patients engagés dans ce protocole sont décédés. Mais le traitement qu’ils ont reçu a-t-il prolongé leur vie? C’est ce qu’on saura en 2007.

Peu d’argent pour la relève

Lorsque le Dr Roy a reçu les 5,8 M$ initiaux des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), en 2001, cette somme était la plus grosse versée par un organisme subventionnaire à un chercheur canadien. En 2005, les IRSC ont accordé à l’équipe une nouvelle subvention de près de 1 M$. Denis Roy est particulièrement fier du fait que cette recherche multicentrique se déroule sans la participation financière des compagnies pharmaceutiques, ce qui lui assure une totale indépendance. «Je ne dis pas que la recherche pharmaceutique n’est pas valable, précise-t-il. Je dis simplement qu’il est important qu’un pays comme le Canada puisse financer la recherche clinique indépendante.»

Partageant son temps entre la clinique et la recherche à l’Institut de cardiologie de Montréal, et l’administration du plus gros département de la Faculté de médecine, le Dr Roy continue de se passionner pour la discipline qu’il a choisie au début des années 80. S’il ne s’inquiète pas de la relève, il constate que les jeunes chercheurs ont beaucoup de difficulté à obtenir des fonds, principalement dans le secteur de la recherche fondamentale. «Ils sont parfois nombreux à compétitionner pour quelques dizaines de milliers de dollars. Je me trouve privilégié.»

Mathieu-Robert Sauvé

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