Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 14 - 5 dÉcembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Capsule science

Faut-il éviter les baisers à Noël?

 

«Joyeux Noël!» Avec ce souhait viennent les embrassades et poignées de main traditionnelles, vecteurs importants de maladies infectieuses. En ces temps de rhume, de grippe aviaire et de SRAS, plusieurs se posent la question: faut-il éviter d’embrasser la parenté et les collègues de bureau durant les fêtes?

«Ne vous privez pas de ce plaisir, répond le Dr Karl Weiss, infectiologue et immunologiste à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. On ne vit pas dans un monde stérile et c’est tant mieux.»

Même réaction du Dr Denis Phaneuf, microbiologiste et infectiologue au CHUM: vivre, c’est prendre des risques, dit-il. Mais il ajoute, plus sérieusement: «Il n’y a aucun problème avec les bises sur la joue. Quant aux poignées de main, elles peuvent transmettre des infections, surtout parce qu’on se gratte les yeux ou le nez peu de temps après.»

Relatant une étude menée à l’Université du Michigan dans les années 80, le Dr Phaneuf affirme que même le baiser mouillé (french kiss) est un assez mauvais vecteur du rhume. «Seule 1 personne sur 15 avait contracté le rhume après un tel baiser, alors que 13 sur 15 en avaient été atteintes après un échange tactile.»

L’expérience menée à Ann Arbor s’appuyait sur l’expérimentation en conditions contrôlées d’un rhinovirus bien identifié chez une jeune adulte. La personne infectée devait tenter de transmettre son rhume de trois façons: par les mains, la bouche ou les airs. Dans une pièce fermée, trois groupes de 15 hommes se sont succédé auprès d’elle. Avec le premier, elle devait mettre un masque et frotter les mains de chacun de ses invités pendant une minute. Ceux-ci, masqués aussi, devaient se toucher les yeux et le nez après le contact. Dans le deuxième groupe, les invités portaient des gants de caoutchouc, mais ils devaient, tour à tour, embrasser longuement la jeune fille. Enfin, dans le dernier groupe, il n’y avait aucun contact direct: les sujets se limitaient à jouer aux dames. «Cette étude démontre que le nez et les yeux sont des portes d’entrée idéales pour le virus du rhume, alors que la bouche ne l’est que rarement. Quant à la transmission par l’air, c’est un facteur négligeable», explique le Dr Phaneuf.

Un long baiser provoque l’échange d’eau, de mucus, d’enzymes et d’électrolytes (sodium, chlore, potassium). De plus, on met en contact les centaines de bactéries de la bouche. La salive peut transmettre l’herpès, la gastroentérite, la grippe et la mononucléose, justement surnommée la maladie du baiser. «C’est vrai, mais il ne faut pas être obsessif face aux microbes, note Karl Weiss. Vous n’attraperez pas une maladie cardiaque en embrassant votre grand-mère!»

Le Québec a tout de même appris avec consternation, le 25 novembre dernier, qu’un simple baiser pouvait donner la mort. La veille, une jeune fille de Saguenay était décédée des suites d’une réaction allergique aux arachides, quelques heures après avoir embrassé son copain qui avait mangé une tartine de beurre d’arachide. On sait aussi que l’infection au streptocoque A (appelé bactérie mangeuse de chair) peut donner la mort dans les 24 heures à la suite d’un contact physique. Et il y a des maladies comme l’ulcère d’estomac (provoqué par la bactérie Helocobacter pilori) possiblement transmissibles d’une personne à l’autre. «Ces cas sont excessivement rares, nuance le Dr Phaneuf. Et ils surviennent alors que des conditions très spéciales sont réunies.» Quant à la maladie du baiser, «vaut mieux l’attraper jeune, alors qu’elle est bénigne».

Partisan de la vaccination contre la grippe, le médecin croit qu’on peut limiter la propagation des virus et bactéries en adoptant des mesures très simples. «Il faut se laver les mains plus souvent qu’à l’ordinaire, car le risque d’infection augmente en proportion du nombre de contacts. Et si vous avez des symptômes de grippe ou de rhume, ne faites pas exprès pour les transmettre aux autres.»

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a récemment distribué des informations sur la «politesse respiratoire» visant à prévenir la prolifération des maladies infectieuses. Mais ces mesures se heurtent à une culture de l’individualisme. «Au Japon, dès qu’une personne se croit contagieuse, elle fait le nécessaire pour ne pas infecter ses concitoyens. Ici, les gens ne se préoccupent que des risques qu’ils courent.»

Mathieu-Robert Sauvé

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