Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 15 - 12 dÉcembre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Gilles Bibeau reçoit le prix Jean-Charles-Falardeau

Rare ouvrage du genre en français, Le Québec transgénique trace un tableau global de l’industrie québécoise du gène

Gilles Bibeau

«La génétique se fait communautaire», titrait Le Devoir le 20 aout dernier; «Des médicaments personnalisés et très ciblés», lançait La Presse le 9 octobre; «Des chercheurs suisses identifient un “gène du sommeil”», informait La presse canadienne quelques jours plus tôt. Décidément, les progrès récents de la génomique font les manchettes.

Quand ce n’est pas la découverte du gène de ceci ou de cela, ce sont les retombées médicales de la génétique qui sont invoquées en raison des espoirs suscités. Mais rarement l’économie et la politique du gène font la première page des journaux, selon Gilles Bibeau.

Professeur au Département d’anthropologie et auteur d’un ouvrage majeur sur la question, il estime que ces sujets seront de plus en plus débattus dans l’avenir. Signe de cet intérêt grandissant, de nombreux jeunes chercheurs en sciences humaines et en santé publique s’intéressent à cet objet de recherche. «Nous sommes entrés dans une des périodes les plus excitantes de l’histoire intellectuelle de l’humanité; nous sommes arrivés à un tournant qui peut soit nous amener à mieux contrôler les lois de la nature, soit nous faire basculer dans l’hubris de la toute-puissance», affirme l’anthropologue dans Le Québec transgénique: science, marché, humanité, une étude sur l’impact de la génétique dans nos vies.

Publié l’année dernière aux Éditions du Boréal, l’ouvrage vient d’être primé par la Fédération canadienne des sciences humaines, qui a décerné à son auteur l’un des quatre prix 2005 destinés aux meilleures publications en sciences humaines et sociales parues avec l’appui du Programme d’aide à l’édition savante. Le Québec transgénique est l’un des rares livres d’importance en français consacrés à la génoprotéomique, pour reprendre l’expression du lauréat du prix Jean-Charles-Falardeau.

Il s’agit d’«un volumineux travail, extrêmement instructif à plus d’un titre», estime son collègue de l’UdeM, Jean-Claude Muller. Le chercheur Éric Gagnon, de l’Université Laval, accueille lui aussi ce volume avec des éloges dans un compte rendu diffusé sur le site Érudit. C’est une référence désormais incontournable, d’après lui.

Des petits pois de Mendel jusqu’au séquençage du génome humain

«Très bon narrateur, Gilles Bibeau raconte l’histoire de la recherche, des préoccupations scientifiques et industrielles, des alliances, des rivalités et des orientations prises par des entreprises, de l’élaboration et de la transformation des programmes de recherche», écrit Éric Gagnon. À son avis, la particularité du livre est qu’il présente une vision d’ensemble du phénomène. «M. Bibeau a ramassé et réussi à articuler tous les éléments scientifiques, politiques et éthiques du débat soulevé par la génétique, commente-t-il, de manière à l’élargir et à l’élever.»

Le lancement en 2004 de cet ouvrage de 454 pages a été l’aboutissement d’un travail de plus de quatre années qui a pris des proportions insoupçonnées. «Lorsque j’ai commencé mon étude, confie M. Bibeau, j’envisageais une recherche plus modeste. Au départ, je voulais simplement étudier ethnographiquement le travail effectué dans un laboratoire de génoprotéomique. Mais l’ampleur de la recherche dans ces domaines et les problématiques qui y sont liées ne peuvent être expliquées par le simple et légitime désir de connaitre.»

Des petits pois de Mendel jusqu’au séquençage du génome humain en passant par la double hélice de Crick et Watson, l’anthropologue résume dans les deux premiers chapitres l’histoire de la génétique. Il propose ensuite un tableau global de l’industrie québécoise du gène. En amenant ses lecteurs dans le monde de l’infiniment petit, il parvient à expliquer les enjeux qui ne manqueront pas d’influer sur leur vie quotidienne.

Parmi les chapitres les plus percutants, le quatrième met en relation les bio-industries, les deux paliers de gouvernement et les compagnies pharmaceutiques alors que le cinquième expose les problèmes de la géno-éthique, notamment les dérives possibles de l’utilisation croisée des documents généalogiques et des fiches médicales réunies dans les génobanques. «Que feront les assureurs avec de tels renseignements? Les recherches de dépistage génétique des maladies sont-elles, comme il est proclamé, axées sur la santé ou plutôt sur les revenus?» s’interroge Gilles Bibeau, qui se dit surpris, mais très heureux, de l’honneur qui lui échoit.

«Cela fait presque oublier les coups de téléphone de protestations et les menaces judiciaires que j’ai reçues à la suite de la publication de mon ouvrage», souligne-t-il en riant.

Dominique Nancy

Gilles Bibeau, Le Québec transgénique : science, marché, humanité, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2004, 454 p., 29,95$.

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.