Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 16 - 16 janvier 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

La montée de la Chine laisse prévoir un «choc considérable»

Face au géant chinois, le Québec et le Canada ne font pas le poids; mieux vaut miser sur le partenariat

Jean-François Lisée, directeur exécutif du Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM, et Lynda Dumais

«Choc considérable». C’est par ces deux mots que Lynda Dumais résume l’ensemble des neuf conférences présentées par le Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM sur les impacts de la montée de la Chine.

Chargée de formation en affaires internationales à HEC Montréal et spécialiste de la gestion et du marketing avec l’Asie, Mme Dumais était invitée à clore la série de conférences en présentant un bilan des connaissances qui en émergent.

Des gagnants et des perdants

Depuis 2003, la Chine a augmenté le volume de ses échanges internationaux de 35 %; pendant la même période, les échanges du Canada n’ont crû que de 8 %. «Le Canada n’a ni la taille ni le poids de ses ambitions s’il veut rivaliser avec la Chine», a souligné Lynda Dumais.

Dans ce nouveau contexte où «une récession en Chine entrainerait une récession planétaire», les gagnants seront les marchés ouverts qui acceptent l’investissement étranger et, à l’intérieur de ces marchés, les consommateurs à faible revenu. Les perdants seront les marchés fermés, certains pays en développement comme le Bangladesh et, dans les pays développés, les ouvriers spécialisés.

Où se situent le Canada et le Québec? Nous ne sommes pas nécessairement perdants, estime Lynda Dumais, mais il faut s’adapter et cela presse. Nous avons des forces, comme nos ressources naturelles et la diversité de nos échanges avec la Chine. Mais nous avons aussi beaucoup d’entraves qui vont d’une mentalité méfiante à une bureaucratie lourde en passant par la faiblesse du dollar et nos programmes sociaux.

Le Québec est par ailleurs plus désavantagé que le reste du Canada. La question linguistique a traditionnellement orienté les échanges du Québec vers l’Europe et l’Afrique alors que le reste du Canada se taillait une place en Asie. Les lois de l’immigration plus sélectives au Québec, les problèmes de reconnaissance des diplômes étrangers, le faible taux de rétention des immigrants et les politiques de taxation sont autant d’embuches dont il faudrait se dégager.

Au cours des dernières années, 2,5 % des emplois québécois ont été transférés vers la Chine. «Mais ces emplois perdus l’auraient été de toute façon», déclare la professeure.

Partenariat

La conseillère en marketing, pour qui la Chine constitue manifestement la priorité des priorités actuelles, y va d’une série de recommandations s’adressant tantôt au gouvernement, tantôt à l’industrie, aux médias ou à la société dans son ensemble.

Les gouvernements du Canada et du Québec devraient éviter de tout miser sur les exportations, signale-t-elle. Mieux vaudrait soutenir les innovations commercialisables, maximiser les retombées des jumelages de villes, tabler sur la qualité de la main-d’œuvre, simplifier la procédure d’immigration, investir dans l’enseignement et la recherche sur la Chine et offrir des bourses d’études dans ce secteur, favoriser l’apprentissage du chinois chez les Québécois et celui du français chez les Chinois qui s’établiraient ici.

Les entreprises concurrentes devraient pour leur part penser «coopétition» plutôt que compétition en mettant en commun leurs moyens d’exportation afin d’augmenter les projets de partenariat avec des entreprises chinoises.

Quant aux médias, ils ont un rôle à jouer dans la formation de l’opinion publique. «Il faut être réaliste et cesser d’être catastrophiste, observe Lynda Dumais. Chaque fois qu’une entreprise ferme, il s’en ouvre une autre ailleurs.»

La société dans son ensemble doit aussi changer sa vision des choses. «La Chine fait partie du problème de la mondialisation, mais elle n’est pas “le” problème. Et, chaque fois que nous achetons un produit à bon marché, nous jouons le jeu.»

La volonté de s’ouvrir à la Chine existe, mais l’action est éclatée à cause d’un manque de coordination, conclut la professeure, qui termine avec ce proverbe chinois illustrant notre handicap: «Autant de têtes, autant de stratégies.»

Daniel Baril

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.