Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 17 - 23 janvier 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Capsule science

Nos enfants jouent-ils assez dehors?

 

Avec une température minimale moyenne de -12 °C à Montréal, le mois de janvier est le plus froid de l’année. Les chutes de neige, les froids mordants et les bouchons de circulation alimentent les conversations. Mais pour bien des parents, janvier est d’abord et avant tout un mois... à ne pas mettre un enfant dehors.

Que risquent les enfants qui jouent dans la neige? «Rien... ou presque, répond en riant Carole Séguin, professeure invitée à la Faculté des sciences de l’éducation. Il faut bien sûr faire attention aux engelures chez les jeunes enfants, qui ont la peau plus sensible que celle des adultes. Mais les bienfaits sont beaucoup plus nombreux que les inconvénients.»

Les enfants possèdent une grande dose d’énergie et ils doivent la dépenser, reprend sa collègue Guylaine Messier, professeure au Département de kinésiologie et chargée de la formation des futurs professeurs d’éducation physique. «S’ils font de l’exercice pendant les récréations et les temps libres, ils sont plus attentifs durant les heures de classe.»

La tendance au coconnage et la «surprotection» des parents, selon elle, ont progressivement fait disparaitre les enfants des ruelles et des parcs au cours de la saison froide. Dans les années 50, comme l’a constaté le cinéaste Charles Binamé lorsqu’il a visionné des films d’époque sur Maurice Richard, la ville regorgeait d’enfants, même en plein hiver.

Les enfants jouent-ils assez dehors? «Non. Le jeu à l’extérieur est peu valorisé. Et les jeunes ne marchent pas assez», soutient Guylaine Messier. Dans certaines écoles, on considère que l’habillement des élèves prend trop de temps pour que les récréations extérieures en vaillent la peine. On préfère donc les laisser tuer le temps dans les corridors ou dans des gymnases bondés et assourdissants.

Pour avoir été directrice et directrice adjointe d’écoles sur la rive sud de Montréal, Carole Séguin a pu observer que ce sont les parents qui s’opposent le plus aux récréations à l’extérieur. «Dès qu’on annonce -15 °C avec le facteur vent, il n’est plus possible de faire sortir les enfants», déplore-t-elle. Certains parents poussent le zèle un peu plus loin et laissent sciemment les gants, foulards et tuques à la maison par temps très froid. Ils se disent qu’ainsi les éducateurs n’oseront jamais faire sortir leurs enfants...

Pourtant, selon la revue Paediatrics & Child Health (janvier 2002), les enfants devraient être gardés à l’intérieur seulement si la température baisse au-dessous de -25 °C ou que l’indice de refroidissement du vent est inférieur à -28 °C. Pour bien profiter de l’hiver, les enfants doivent être chaudement vêtus: bonnet jusqu’aux oreilles, mitaines, bottes chaudes, et porter plusieurs couches de vêtements. «Il n’y a pas de froids excessifs, il n’y a que des gens mal habillés», disait le géographe Louis-Edmond Hamelin. Bien sûr, il faut surveiller les enfants en bas âge et leur rappeler qu’ils ne doivent pas coller leur langue sur du métal froid; certains enfants le font encore. Mais l’air vivifiant de l’hiver a de nombreuses vertus.

Mme Séguin a enseigné l’éducation physique pendant 20 ans avant de bifurquer vers l’administration scolaire. Durant sa carrière d’enseignante, elle a organisé des sorties de raquettes et de ski de fond même lorsque le thermomètre était peu coopératif. Comment réagissaient les enfants? «Très bien! Lorsqu’on les met en action, les enfants adorent être dehors», déclare-t-elle. Même si toutes les écoles ne disposent pas d’une quantité suffisante de skis et de planches à neige, fait-elle remarquer, la plupart sont situées à proximité des patinoires extérieures et des parcs publics. Et il y a toujours une colline où ils peuvent jouer au roi de la montagne.

Jeux vidéo, Internet, télévision et autres divertissements de salon ont certainement beaucoup nui aux glissades en luge, hockey extérieur et patinage libre, estiment nos spécialistes. La sédentarité des parents influe aussi sur le comportement des jeunes. Mais Mme Messier est sévère à l’endroit du système scolaire qui, à son avis, a erré en matière d’éducation physique. Actuellement, à peine une heure par semaine est dévolue à l’éducation physique. «Ce devrait être une heure par jour», lance-t-elle, soulignant que Kino-Québec recommande au minimum une demi-heure par jour d’exercice chez les enfants du primaire.

À l’occasion de la réforme du primaire, le gouvernement aurait pu corriger la situation. Et le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Jean-Marc Fournier, se vante de l’avoir fait. Il est vrai que, selon les nouvelles règles qui entreront en vigueur l’automne prochain, certaines écoles doubleront le temps consacré aux cours d’éducation physique. Dans les faits, toutefois, le sport sera en compétition avec d’autres activités (anglais, arts plastiques, musique, danse ou expression dramatique) pour l’heure supplémentaire.

Heureusement, de plus en plus de gens sont sensibles aux conséquences de la sédentarité sur la santé. Excédés par l’omniprésence des véhicules à moteur, des parents de la région de Rivière-du-Loup ont mis sur pied le concept de l’«autobus virtuel». Il s’agit de remplacer les autobus jaunes par une bonne vieille promenade à pied entre la maison et l’école. Le «chauffeur» de ce véhicule cent pour cent écologique est un bénévole qui emprunte un parcours prévu d’avance, comme un véritable autobus scolaire. Le groupe grossit à mesure qu’il s’approche de l’école. Vous montez?

Mathieu-Robert Sauvé

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