Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numéro 18 - 30 janvier 2006
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 Archives de Forum

Mélody Benhamou, étudiante, athlète et femme d’affaires

Mélody Benhamou n’avait joué que quelques matchs amicaux lorsqu’elle a accepté de tenter sa chance avec les Carabins. Les résultats seront inespérés.

Mélody Benhamou défend avec brio les couleurs de l’UdeM.

Femme d’affaires, début vingtaine, 6 pi 2 po, athlétique, cheveux blonds, yeux marron, recherche défi pour occuper ses journées…

Non, il ne s’agit pas d’une petite annonce de la rubrique «Trait d’union» de La Presse, mais bien de la description de celle qui porte depuis quatre ans le maillot numéro 15 de l’équipe de volleyball des Carabins.

Mélody Benhamou est née en Guadeloupe, dans une petite ville nommée Les Abymes, d’un père algérien et d’une mère marocaine. Ces derniers se sont connus en France après avoir été en quelque sorte expulsés de leur pays d’origine à la suite de la guerre d’indépendance de l’Afrique du Nord. Après avoir vécu dans différents pays, ils s’installent pour de bon en Guadeloupe et se lancent dans le commerce du meuble.

À l’âge de 15 ans, Mélody n’a plus vraiment le choix, elle doit fuir son ile pour des questions de sécurité. «Il y avait des attaques gratuites au couteau tout autour de moi et c’était devenu invivable, dit-elle. En raison de ma taille, et étant une femme de surcroit, on ne voyait que moi et j’étais devenue une cible trop facile.»

Ses parents ne peuvent l’accompagner, ayant investi toutes leurs économies dans leur commerce. C’est à Montréal, où son père a un appartement, qu’elle aboutira en compagnie de trois de ses amis dans la même situation qu’elle.

La découverte du volleyball

À l’automne 2001, après ses études collégiales, elle fait son entrée à HEC Montréal. C’est aussi à ce moment qu’elle va jeter un œil, depuis les gradins, sur un camp d’entrainement des joueuses de volleyball des Carabins, un sport qu’elle affectionne particulièrement.

Jean-Pierre Chancy, alors entraineur de l’équipe et aujourd’hui coordonnateur du sport d’excellence, remarque cette grande fille, lui demande de descendre dans le gymnase et lui fait passer quelques tests.

L’expérience de Mélody en volleyball se résume à des parties jouées entre amis sur les plages de la Guadeloupe et à quelques matchs dans la ligue récréative du CEPSUM l’année précédente.

Mais Jean-Pierre Chancy et son assistant Olivier Trudel, maintenant entraineur-chef de l’équipe, ne s’arrêtent pas à «ce détail»; Mélody a un profil athlétique hors de l’ordinaire pour le volleyball.

«On a décidé de la prendre sous notre aile sans trop savoir ce que ça donnerait», affirme Olivier Trudel, avec qui Mélody s’est entrainée durant un an dans les coins du gymnase au moment des entrainements des Carabins.

«Les filles ne voulaient pas me voir sur le terrain, car elles trouvaient que j’étais dangereuse!» avoue-t-elle tout en précisant qu’elle n’avait à ce moment ni la technique ni la compréhension du jeu pour rivaliser avec celles qui deviendraient ses coéquipières.

De joueuse de ballon à athlète redoutée

L’été qui suit, Mélody le passe à faire de la musculation de façon intensive et arrive en grande forme au camp d’entrainement. Même si plusieurs ne lui donnent aucune chance, elle se taille une place au sein de l’équipe et voit ses débuts précipités quand la joueuse de centre et capitaine Geneviève Bourgeois se brise un genou, blessure qui mettra fin à sa carrière.

«Je ne croyais pas jouer des matchs aussi vite, mais, avec le recul, j’estime que c’est la meilleure chose qui me soit arrivée, déclare Mélody. Ça m’a permis de progresser beaucoup plus rapidement.»

En effet, sa progression a été exceptionnelle. De joueuse de ballon sur les plages guadeloupéennes, elle est devenue l’une des joueuses de centre les plus redoutées au Canada en l’espace de seulement cinq ans. Au cours des deux dernières saisons, elle a d’ailleurs été nommée membre de la deuxième équipe d’étoiles de Sport interuniversitaire canadien.

«Mélody est hors norme, car elle en fait toujours plus. Elle est très exigeante envers elle-même et amène ses coéquipières à s’améliorer. Sa progression est phénoménale», signale Olivier Trudel tout en confirmant que les plans des matchs adverses sont préparés dans le but de la contrer, ce qui en dit beaucoup sur son efficacité.

La bosse des affaires

Au printemps 2004, Mélody est en manque de défis. Elle vient de terminer un baccalauréat en gestion et veut poursuivre sa carrière de volleyeuse, mais il lui manque quelque chose. Depuis qu’elle est toute petite, elle rêve de se lancer en affaires.

«Je ne me voyais pas faire autre chose et, même si j’avais terriblement peur, j’en avais très envie, se remémore-t-elle. J’ai hésité jusqu’à ce que mes parents me disent: “Ne réfléchis pas, fonce.”»

L’objectif de Mélody est de mettre sur pied un projet solide qui lui permettra financièrement à moyen ou long terme d’aider ses parents à quitter la Guadeloupe pour la rejoindre au Québec. Ceux-ci lui apportent d’ailleurs tout l’appui nécessaire, sa mère passant même plusieurs semaines avec elle.

Le 15 décembre 2004, à l’âge de seulement 21 ans, la jeune femme ouvre sa boutique Idolem (Mélody à l’envers avec un i plutôt qu’un y) au Centropolis, à Laval. Quelques mois après le lancement, la boutique est considérée comme le plus grand spécialiste dans le domaine du vêtement de sport et d’entrainement au Québec.

«Notre but est de motiver les gens à bouger et à s’entrainer davantage en portant nos vêtements, car ils se trouvent beaux, souligne-t-elle. Et croyez-moi, ça marche!» La preuve: elle a déjà ouvert des points de vente près de différents centres sportifs dans le nord de Laval, à Rosemère et au collège Regina Assumpta. Un projet d’expansion à Toronto est aussi dans l’air.

L’apport de ses coéquipières

Mélody a dû travailler très fort pour réaliser son projet, y consacrant beaucoup de temps et d’énergie, au détriment parfois de ses études (elle suit toujours des cours en administration) ou du volleyball, où elle continue d’exceller.

C’est d’ailleurs chez les Carabins, plus précisément chez ses coéquipières, qu’elle trouve le plus de soutien. Ces dernières lui donnent même un coup de main pour ce qui est du design, de la promotion ou encore à titre de mannequins. «Je les exploite, lance-t-elle à la blague. Je n’y serais jamais parvenue sans elles et je leur en suis énormément reconnaissante. Même leurs mères font des séances de photos pour la boutique, ce qui m’aide à atteindre une clientèle différente.»

Si combiner ainsi les études, le sport et le travail relève de l’exploit, son entraineur Olivier Trudel est plus ou moins surpris de la voir réussir. «Depuis que je la connais, Mélody dépasse les attentes dans tout ce qu’elle fait. Il faut croire que ça fait partie de sa personnalité.»

D’autres projets à venir

Outre l’expansion de sa boutique, Mélody a une multitude d’autres projets en tête, dont l’idée de faire un MBA. Tout ce qui lui manque pour le moment, c’est du temps, son horaire étant réglé au quart de tour (votre humble serviteur a même dû réaliser une entrevue téléphonique en cinq étapes, Mélody répondant aux questions entre deux clientes!).

Elle ne sait d’ailleurs pas si les responsabilités de sa boutique lui permettront de prendre part à sa cinquième et dernière saison dans l’uniforme des Carabins l’an prochain. «J’aime tellement le volleyball que ça me déchirerait le cœur de ne pas pouvoir jouer. D’un autre côté, je ne veux pas avoir le regret de ne pas avoir tout tenté pour que la boutique fonctionne», mentionne-t-elle avec un air qui laisse sous-entendre qu’elle aura sous peu une décision bien difficile à prendre.

À n’en pas douter, l’entrée de Mélody Benhamou dans une pièce fait tourner bien des têtes et suscite des réactions immédiates. Toutefois, c’est seulement après avoir fait sa connaissance que vous tombez à la renverse.

Benoit Mongeon
Collaboration spéciale

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