Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 19 - 6 fÉvrier 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

L’élection de Stephen Harper devrait atténuer les tensions Canada–États-Unis

Le réchauffement des relations avec George W. Bush devrait aider le Canada, estiment plusieurs experts

On peut se demander comment évoluera le dossier du bois d’œuvre, qui a créé passablement de tension dans le passé récent entre les deux pays.

Selon Pierre Martin, professeur au Département de science politique et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines, l’entourage du président Bush a poussé un soupir de soulagement au soir du 23 janvier. «On a enfin deux chefs d’État qui s’entendent, qui partagent des valeurs communes», dit-il à propos de George W. Bush et du premier ministre canadien élu il y a deux semaines, Stephen Harper.

L’élection canadienne, qui a porté les conservateurs au pouvoir atténuera vraisemblablement les tensions Canada–États-Unis. C’est du moins l’opinion de Rémi Landry, un spécialiste des questions stratégiques, de William Hogg, professeur de science politique à l’Université Bishop’s, et de Pierre Martin, réunis le 25 janvier par le Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM) pour faire le point sur la politique étrangère canadienne au lendemain du scrutin.

Mais les intérêts canadiens, dans le dossier du bois d’œuvre par exemple, seront-ils mieux défendus grâce à ce nouveau climat? Selon le directeur exécutif du CERIUM, Jean-François Lisée, qui a été correspondant à Washington dans le passé, la convergence idéologique entre deux chefs d’État est de bon augure. «Ronald Reagan et Pierre Elliott Trudeau n’avaient pas une bonne relation personnelle, rappelle-t-il. Ce fut tout un changement quand Brian Mulroney est devenu premier ministre du Canada. MM. Reagan et Mulroney s’aimaient bien. Le climat s’est apaisé.»

Cette amitié entre les leaders de descendance irlandaise a-t-elle facilité la diplomatie entre les deux pays? Jean-François Lisée le laisse entendre. «En tout cas, Brian Mulroney a amené Ronald Reagan à signer un traité sur les pluies acides.»

L’amitié ne peut toutefois pas tout régler, indique pour sa part Pierre Martin. Le conflit du bois d’œuvre, notamment, a commencé à s’envenimer à une époque où l’on voyait Jean Chrétien jouer au golf avec Bill Clinton. «On peut dire que Paul Martin aurait été plutôt mal reçu chez George W. Bush s’il avait été réélu, estime le politologue. Durant la campagne fédérale, les États-Unis ont été littéralement démonisés par les libéraux.»

Les militaires applaudissent

Même si les troupes de Paul Martin avaient entrepris de donner un nouveau souffle aux Forces canadiennes en faisant passer leur budget de 13,5 à 20 G$ d’ici 2010, les conservateurs de Stephen Harper vont beaucoup plus loin. Les engagements annoncés au cours de la campagne électorale prévoient, outre un ajout de 1,5 G$ à l’augmentation fixée par les libéraux, des effectifs accrus.

Cela n’est pas pour déplaire à Rémi Landry, lieutenant-colonel à la retraite et chercheur au Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI). Il a résumé la politique conservatrice en matière de défense en trois points: l’armée jouera un rôle plus soutenu dans l’observation et la surveillance du territoire, elle assurera une présence plus importante dans le Grand Nord et accentuera ses interventions militaires à l’étranger. On lui ajoutera des bataillons de parachutistes et l’on construira de nouvelles bases.

Les militaires auront-ils une oreille attentive auprès de Stephen Harper? Tout indique que oui. «L’auteur de la politique conservatrice en matière de défense est un général à la retraite, Gordon O’Connor. Or, il a été élu, le 23 janvier, dans la circonscription de Carleton – Lanark, en Ontario. Il pourrait obtenir une place dans le gouvernement Harper. »

Pour les partisans d’une revalorisation de l’armée canadienne, l’élection du Parti conservateur arrive à un moment favorable. Même si notre petite armée demeure un élément négligeable dans le tableau des conflits mondiaux, elle peut avoir un poids stratégique considérable. «Même si l’on injectait 10 ou 20 G$ dans le budget de la défense, cela ne changerait pas grand-chose sur la scène internationale, a signalé Rémi Landry. Mais pour nos partenaires, et particulièrement pour les États-Unis, l’appui du Canada a une importance politique énorme.»

Pas de soldats canadiens en Irak

Selon Pierre Martin, le chef du nouveau gouvernement a pondu une «perle d’ambigüité» lorsqu’il a affirmé haut et fort «Nous n’enverrons pas de soldats en Irak» avant d’ajouter, sotto voce, «... parce que nous n’en avons pas».

Il est vrai que l’essentiel des effectifs des Forces canadiennes est déjà déployé. De toute façon, le Canada serait bien mal avisé de s’embarquer dans l’aventure irakienne. «Quand on forme un gouvernement minoritaire, il y a des questions auxquelles il ne faut pas toucher, et Stephen Harper le sait bien», résume le politologue.

Une trentaine de personnes, dont une majorité d’étudiants, ont assisté au débat du CERIUM, un centre très actif qui a pour mission de «favoriser le développement des connaissances sur les questions internationales». En plus des conférences et des séminaires, le CERIUM organise différentes activités liées aux études internationales. Sur son site Web (www.cerium.ca), on peut voir des extraits vidéo de certaines présentations et avoir accès à des documents produits par ses membres.

Mathieu-Robert Sauvé

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