Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 20 - 13 fÉvrier 2006
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 Archives de Forum

capsule science

Le coup de foudre existe-t-il?

L’amour, toujours l’amour...

Vos cœurs bondissent. Vos regards se croisent. Ça y est: c’est le coup de foudre. Mais pourquoi elle? Pourquoi lui?

La réponse se trouve peut-être dans les phéromones, ces signaux chimiques émis par certains animaux pour attirer les mâles ou les femelles, particulièrement durant la saison des amours, de façon à favoriser la reproduction. Du grec pherein («transporter») et horman («exciter»), ce terme a été créé en 1959 par le biologiste allemand Peter Karlson et l’entomologiste suisse Martin Lüscher pour désigner un médiateur chimique présent chez les termites. «Les phéromones sont une réalité biologique, cela ne fait aucun doute, mentionne Soizic Potier, docteure en sciences neurologiques, qui a effectué une revue de la littérature sur le sujet en 2001. Ce qui est plus discutable, c’est dans quelle mesure l’être humain y est sensible.»

Depuis les années 60, des chercheurs ont mené d’innombrables expériences sur les phéromones. On sait que, grâce à elles, le bombyx du murier (un papillon) est capable de repérer une femelle jusqu’à 10 km de distance... en pleine nuit. En agriculture, on utilise couramment des pièges à phéromones pour capturer des insectes nuisibles. Au Québec, ces pièges ont permis d’éviter que la cécidomyie, une mouche de 1,5 à 2 mm, décime la récolte de crucifères des producteurs maraichers en 2005.

Émises soit de façon permanente, soit à des périodes précises, les phéromones sont le «principal outil de communication des insectes», mentionne l’entomologiste Jacques Brodeur, professeur au Département de sciences biologiques. Tous les lépidoptères et une bonne partie des hyménoptères en émettent à partir de la cuticule ou de glandes situées dans l’abdomen.

L’utilisation par l’humain de ces signaux chimiques ne se limite pas aux insectes. La firme Envirotel, de Sherbrooke, grâce à laquelle a été formellement identifié un couguar de l’est l’an dernier au Québec, a employé des phéromones synthétiques pour attirer le félin près d’une pièce de velcro afin que quelques-uns de ses poils s’y prennent. Mélangées à de l’urine de couguar gardé en captivité, les phéromones ont excité la libido de la bête sauvage au point où celle-ci est venue se frotter contre le «piège». L’analyse de l’ADN a révélé que le «lion des montagnes» courait bel et bien sur le continent.

Mme Potier, qui a étudié à l’Université de Montréal pendant cinq ans avant d’entreprendre des études de médecine à Sherbrooke (où Forum l’a jointe), souligne qu’elle ne possède pas d’expertise particulière sur les phéromones et leur action mais qu’elle s’y intéresse en dilettante depuis plusieurs années. Les résultats de sa recension, publiés dans la revue des cycles supérieurs Dire, lui ont valu le troisième prix au concours de vulgarisation organisé en 2001. Dans son texte intitulé «La chimie de nos comportements: ces molécules qui nous gouvernent», elle souligne que les phéromones seraient la plus primitive des formes de communication entre les individus. Et même si elles sont libérées en quantités infinitésimales, leur action est d’une remarquable efficacité. «Leur existence permettrait même d’expliquer bon nombre de comportements qu’on attribuait jusqu’ici plus volontiers à l’instinct ou à un éventuel sixième sens», écrit-elle.

Alors, l’amour entre deux personnes relève-t-il d’un échange chimique? «Bien sûr que non, répond en riant la physiologiste. Le choc amoureux est assurément influencé par la culture et par beaucoup d’autres choses.»

Pourtant, elle estime que l’effet inconscient des phéromones chez les Roméo et Juliette de l’an 2000 constitue une théorie «assez emballante». D’ailleurs, des chercheurs croient avoir localisé les récepteurs des phéromones chez les mammifères. Situé près des sinus, c’est l’organe vuméronasal, surnommé affectueusement «nez sexuel».

Dans son article, Mme Potier rapporte que les individus qui ont perdu l’usage de cet organe ont perdu en même temps leur appétit sexuel. Troublant. Mais pas autant que la recherche la plus souvent citée en matière de phéromones humaines. «Dans une salle d’attente, peut-on lire dans le texte de Soizic Potier, l’un des sièges avait été enduit de phéromone mâle, tandis qu’un autre avait été enduit de phéromone femelle. Lorsqu’on a demandé à des femmes de s’asseoir sur le siège de leur choix, la grande majorité d’entre elles aurait très nettement évité le siège “femelle” et préféré le siège “mâle”.»

Cette recherche est peut-être contestable, mais elle illustre l’influence de l’amour chimique. À quand un parfum aux phéromones?

Mathieu-Robert Sauvé

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