Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 21 - 6 mars 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

L'infarctus touche autant les femmes que les hommes

Moins bien traites parce que leur condition physique est mal value, les femmes ont t les oublies de la recherche, selon Mona Nemer

L'exercice physique apaise l'esprit... et le cour.

Les maladies cardiovasculaires ont longtemps t considres comme essentiellement masculines. Ce prjug tenace qui n'pargne ni le corps mdical ni les patientes, plus inquites du risque de cancer du sein, a des effets sur le dpistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des femmes touches, selon Mona Nemer, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la diffrenciation des cellules cardiovasculaires.

Des travaux rcents mens par la directrice de l'unit de recherche en dveloppement et diffrenciation cardiaques de l'Institut de recherches cliniques de Montral (IRCM) ont heureusement permis de concevoir un outil biochimique permettant de dtecter objectivement les insuffisances cardiaques. On a dcouvert que les niveaux de Zfp260, une hormone produite par le cour et aux effets antihypertensifs et vasodilatateurs, augmentent lors d'un stress cardiaque, indique-t-elle. L'quipe de l'IRCM dirige par la spcialiste mondiale de la cardiologie molculaire a pu tablir une corrlation parfaite entre l'accroissement de cette hormone dans le sang et la gravit des maladies cardiaques comme l'infarctus et l'insuffisance cardiaque.

Grce cette perce scientifique, Mona Nemer, aussi professeure au Dpartement de pharmacologie, espre voir sous peu une amlioration de la prise en charge des femmes qui souffrent de maladies du cour. l'occasion de la Journe internationale de la femme, elle a livr Forum ses inquitudes sur le sujet.

Une situation inquitante

Lors d'accidents cardiovasculaires, explique Mme Nemer, les femmes prsentent souvent des symptmes atypiques: douleur thoracique vague, inconfort rappelant l'indigestion, fatigue, nauses, brlures dans la poitrine, douleur au bras, au cou ou au dos. Ce qui peut rendre le diagnostic plus difficile. Ainsi, les femmes qui se rendent l'hpital parce qu'elles ont des douleurs thoraciques ont beaucoup moins de chances de se voir proposer un test d'effort et une angiographie que les hommes, dplore-t-elle.

Comme ces manifestations peuvent correspondre d'autres maladies et que le corps mdical a tendance sous-valuer les maladies cardiovasculaires chez les femmes, les professionnels de la sant risquent davantage de poser un diagnostic erron, ajoute la chercheuse. Ceci est particulirement vrai pour l'insuffisance cardiaque, dont les symptmes fminins sont souvent confondus avec des crises de stress ou la dpression.

Selon l'Euro Heart Survey, une vaste tude europenne sur l'ingalit en matire de prise en charge des femmes qui souffrent de maladies cardiovasculaires, il y a plus inquitant encore. Parmi les femmes chez qui ont t diagnostiques semblables maladies, elles sont moins nombreuses que leurs homologues masculins recevoir des traitements adquats. Aprs un an de suivi mdical, les femmes atteintes d'une angine de poitrine et de difficults vasculaires courent deux fois plus de risques de mourir ou d'tre victimes d'une crise cardiaque que les hommes aux prises avec les mmes problmes! apprend-on.

La situation est inquitante, signale Mona Nemer. Il est urgent de ragir.

Des souris et des femmes

D'origine libanaise, Mona Nemer est reconnue comme une chef de file dans son domaine. On lui doit entre autres d'avoir dmontr que le fait d'empcher la dgradation de la protine GATA-4 permettait d'viter la mort des cellules du cour cause par les traitements de chimiothrapie. Le rle protecteur de cette protine pourrait galement tre exploit pour prvenir les dfaillances cardiaques dues des causes gntiques. Pour cette contribution majeure, La Presse l'a nomme personnalit de la semaine en mai 2004.

De nombreux progrs ont permis de rduire la mortalit cardiovasculaire chez les hommes, rappelle la professeure Nemer. Mais chez les femmes, le rsultat est loin d'tre aussi spectaculaire. Selon la chercheuse, il existe un problme sur le plan de la recherche de base. Moins bien traites parce que leur condition physique est mal value, les femmes ont trop longtemps t les oublies de la recherche, fait-elle remarquer.

Les femmes sont-elles victimes de sexisme? Ici, Mona Nemer fait preuve de prudence. Vous savez, jusqu' maintenant on croyait que les hommes taient plus sujets aux maladies du cour de sorte que la recherche a t davantage axe sur eux. Par exemple, dans la majorit des laboratoires, les chercheurs utilisaient pour des questions pratiques essentiellement des souris mles. Les mdicaments chez l'homme sont donc mieux adapts leur physiologie, puisque les tudes n'ont pas pris en considration l'tat hormonal des femmes, modul par les menstruations, la grossesse et la mnopause.

Depuis une dizaine d'annes, Mona Nemer a recours des souris femelles et des souris mles pour effectuer ses expriences. Cette approche originale lui a permis non seulement de cerner le mcanisme biochimique en jeu dans la malformation cardiaque, mais aussi de constater dans certains cas une plus grande incidence de la dysfonction cardiaque chez les souris femelles (voir l'encadr).

On ne sait pas encore si les hormones sexuelles ont un effet sur le cour, mais cela est fort possible, selon Mme Nemer. Une chose est sure. Il existe des diffrences spcifiques entre les sexes pour ce qui est des rponses au traitement, affirme la chercheuse. Et ces diffrences doivent tre convenablement prises en compte.

Dominique Nancy

Les femmes ont le cour plus fragile

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