Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 24 - 20 mars 2006
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 Archives de Forum

Santé: quand les technologies couteuses se heurtent aux enjeux éthiques

La maitrise internationale en évaluation des technologies de la santé répond à un besoin criant de spécialistes en ETS

Les appareils de résonance magnétique semblent de plus en plus incontournables.

Dispositif de balayage, résonance magnétique, radiographie, angiographie, cœur mécanique, tomodensitomètre, système d’archivage numérique des images médicales… Les appareils médicaux sont de plus en plus perfectionnés. Et chers. Est-il juste d’investir, comme société, dans une technologie couteuse dont seules quelques personnes bénéficieront, tandis que les besoins les plus élémentaires ne sont pas comblés?

Voilà le type de question troublante que les spécialistes en évaluation et gestion des technologies de la santé (ETS) comme Pascale Lehoux sont amenés à se poser. «Dans un système de santé public ou privé, on ne peut pas seulement tenir compte de l’efficacité clinique d’une technologie pour décider si elle est souhaitable, dit la professeure en administration de la santé. Les ressources étant limitées, il faut faire des choix en considérant les données scientifiques de plusieurs dimensions, pas uniquement l’efficacité et les couts. C’est une nécessité incontournable.»

Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les innovations en santé et responsable du programme international de maitrise en ETS, Mme Lehoux estime que «plus on se concentre sur le caractère abordable d’une innovation, plus il y a risque de dérapage sur qui va pouvoir se l’offrir». Le problème, c’est qu’il y a actuellement des objectifs divergents, signale-t-elle. «Il y a, par exemple, celui du développement technologique, où l’on perçoit l’usage des technologies comme une réponse à différents problèmes du système de santé. En même temps, le système de soins est vu comme un frein à l’introduction des innovations compte tenu des changements qu’elles engendrent et de leurs couts. Entre les deux, les solutions sont complexes, mais un des éléments importants réside dans l’évaluation des technologies.»

C’est pour satisfaire ce besoin que la maitrise en ETS a été conçue. Ce programme, baptisé Ulysse, implique sept établissements universitaires et un consortium d’organismes canadiens, italiens et espagnols. Il s’agit du seul projet du genre à l’échelle internationale.

Montréal, Barcelone, Rome et Ottawa

Élaboré par le Département d’administration de la santé de l’Université de Montréal en 2000 à l’intérieur d’un programme destiné à accroitre la mobilité des étudiants entre la Communauté européenne et le Canada, le projet Ulysse n’a pas tardé à susciter l’intérêt des professionnels du secteur de la santé. Dans un rapport récent, la Commission européenne qualifie l’initiative d’action clé consacrée à la formation et la classe parmi les 10 projets les plus performants dans le domaine.

La maitrise en ETS mise sur pied en collaboration avec les universités McGill, d’Ottawa, de Barcelone et l’Université catholique de Rome est bâtie selon une approche multidisciplinaire qui permet d’aborder les questions cliniques, économiques, éthiques, légales et sociales de l’introduction, de l’utilisation et de la diffusion des innovations technologiques. «Interdisciplinaire et orienté vers la formulation de politiques, ce champ de recherche appliquée s’intéresse aussi bien au dépistage prénatal et à la prévention des maladies qu’à l’achat d’équipements médicaux afin de mieux éclairer la prise de décisions», explique Mme Lehoux.

À son avis, les efforts consacrés à l’évaluation des technologies de pointe se font trop souvent après coup, soit une fois que l’innovation a été introduite. «Si l’on continue de fonctionner de cette façon, on va se retrouver dans un cul-de-sac», prévient la chercheuse. Heureusement, la demande de spécialistes en ETS étant de plus en plus forte, on peut espérer des changements. «À cet égard, Ulysse répond à un besoin criant», fait valoir la professeure Lehoux. Elle rappelle d’ailleurs qu’au Québec, depuis quelques années, les centres hospitaliers universitaires ont pour mission de faire progresser l’évaluation des technologies de la santé.

La maitrise s’adresse à une clientèle aux profils très variés, notamment les médecins, les administrateurs, les épidémiologistes, les infirmières, les ingénieurs du domaine biomédical, les politologues et les éthiciens qui occupent déjà des fonctions cliniques, de recherche ou administratives. Les cours se donnent en anglais, selon une formule intensive de quatre modules d’une durée de deux semaines offerts à Montréal, Barcelone, Rome et Ottawa, sur une période de 20 mois. Les étudiants ont le choix d’effectuer un stage ou un travail dirigé ou encore de rédiger un mémoire.

«C’est un projet pédagogique mobilisateur qui nous amène à réfléchir sur l’apport des technologies médicales tout en favorisant les échanges entre professionnels de diverses provenances sur les nouvelles manières de produire des soins», indique la professeure.

Combinaison de compétences

À 38 ans, Pascale Lehoux a un parcours particulier puisque sa formation touche à la fois au design et à la santé publique. Après un baccalauréat à l’École de design industriel, elle poursuit des études aux cycles supérieurs à l’Université de Montréal: d’abord une maitrise en aménagement, puis un doctorat en santé publique, le fil conducteur étant de mieux saisir les interactions entre usagers et technologies et ainsi de mieux comprendre l’impact des innovations sur les systèmes de soins. Elle se perfectionne par la suite en menant des recherches postdoctorales à l’Université d’Amsterdam avant d’être engagée par l’UdeM comme professeure en 1998.

La chercheuse a une feuille de route imposante. Elle a fait paraitre des articles dans plusieurs revues internationales et participé à de multiples rencontres scientifiques. Son premier congé sabbatique a été consacré à la rédaction d’un livre qui sera publié en avril par les éditions Routledge, intitulé The Problem of Health Technology. Ses travaux, qui portent sur les possibilités et les contraintes associées à l’utilisation des technologies médicales dans le secteur de la santé, visent notamment à mieux comprendre les caractéristiques techniques, cliniques et organisationnelles des innovations, en cours de développement. Ils sont financés par plusieurs organismes, dont les Instituts de recherche en santé du Canada.

Durant ses temps libres, Pascale Lehoux se transforme en athlète et en amatrice de plein air. Outre des expéditions en montagne, elle fait du jogging, du vélo, du tennis et du ski de fond. Au printemps, elle traversera la Chine à vélo. À moins que ce ne soit l’Équateur. «Je n’ai pas encore décidé, mentionne Pascale Lehoux. Je suis en processus d’évaluation.»

Dominique Nancy

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