Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 24 - 20 mars 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

courrier du lecteur

Grandeur et misère du multiculturalisme

Un homme vend des kirpans.

Avec le cosmopolitisme que l’on connait dans les grandes villes canadiennes, il n’est plus nécessaire de voyager pour entrer en contact avec la diversité culturelle mondiale. Certaines de ces cultures peuvent avoir des coutumes qui choquent les membres de la culture occidentale. Le jugement récent de la Cour suprême du Canada montre qu’il y en a aussi qui provoquent de vives controverses et qui suscitent une réflexion plus approfondie. À la controverse québécoise sur le port du kirpan dans les écoles s’ajoute l’interdiction du port du voile dans les écoles françaises et de la pratique clandestine de l’excision du clitoris jusqu’en terre d’Amérique.

Ces débats raniment le vieux spectre du relativisme culturel que présuppose le multiculturalisme canadien: est-il acceptable de tolérer toutes les coutumes dans notre société? Les cafétérias des organismes publics devraient-elles fournir des repas conformes à des exigences religieuses particulières? La religion peut-elle être invoquée pour exempter certains élèves des cours d’éducation physique, de sexualité, de biologie? La liberté de religion prime-t-elle sur l’égalité des sexes? Il est évident que toutes ces exigences relèvent d’un code de valeurs différent du nôtre et il est légitime de se demander si toutes les valeurs qui déterminent ces revendications peuvent coexister avec celles de l’Occident laïcisé. Il faut également chercher à savoir s’il est justifié d’interdire l’exercice de certaines pratiques qui découlent de l’adhésion à de telles valeurs.

Les chartes québécoise et canadienne garantissent sans discrimination l’exercice des droits et libertés, notamment de religion, de langue, et sans égard quant à l’origine ethnique. C’est donc au nom de ces droits que les communautés culturelles revendiquent des accommodements de la part de notre société par rapport à leur culture et à leur religion. D’un autre côté, nous constatons que ce qui est demandé au nom de notre propre charte contrevient souvent au principe même de cette charte, à savoir le principe du respect de la personne (égalité des sexes, notamment). Il y a là un paradoxe pouvant être illustré par le cas d’une certaine interprétation de l’islam. À part le port du voile par les jeunes filles, celle-ci peut se manifester par la soumission de la femme à l’autorité de l’homme, le malaise ou le refus par rapport à la mixité des écoles, la demande de dispense de certains cours à l’école, voire l’excision...

La tradition occidentale considère cependant que l’être humain, par sa conscience, est un être libre. Cette liberté fonde sa dignité et fait un absolu de la personne humaine. Par conséquent, comme le dit Kant, nous avons le devoir «de n’abaisser aucun autre homme jusqu’au point où il serait uniquement moyen au service de nos fins». Le concept de liberté, pour être cohérent, ne se résume donc pas à tout permettre.

Il est clair selon moi que certaines cultures portent en elles des valeurs qui réduisent la femme au rôle d’objet sexuel, donc qu’elle est considérée comme un moyen, une propriété de l’homme, une chair à mari. Le principe universel du respect de la personne garantit par nos chartes de droits et libertés n’est donc pas respecté dans toutes les cultures.

Le multiculturalisme sous-entend le pluralisme des valeurs, ce qui veut dire que des valeurs antagonistes sont invitées à coexister au sein d’une même société. Toutes les valeurs sont donc sur le même pied d’égalité; toutes les opinions se valent. Ce relativisme intégral nuit au respect de valeurs communes essentielles à la société occidentale, comme l’égalité des sexes. Le multiculturalisme canadien doit promouvoir et protéger la dignité humaine, protéger la vie privée de chaque individu, le rendre souverain de son esprit... Il doit cependant assigner des limites à la liberté, sinon le concept même de liberté est vidé de tout son sens et se retourne alors contre son propre idéal. Une société qui se dit tolérante doit aussi pouvoir tolérer le fait que l’intolérable ne peut être toléré, si cette société veut rester cohérente quand elle affirme vouloir le respect de la dignité de la personne et de ses droits et libertés.

François Doyon
Étudiant au doctorat
Département de philosophie
Université de Montréal

L’intégration socioprofessionnelle des femmes immigrées: il reste beaucoup à faire

Les mouvements de population ont cours depuis la nuit des temps. Mais selon l’International Migration Report 2002 des Nations unies, le nombre des migrants a doublé depuis les années 70. Effectivement, environ 175 millions de personnes vivent en dehors de leur pays natal et 1 personne sur 10 vivant dans les pays industrialisés est immigrée.

Au Québec, on prévoit accueillir plus de 48 000 immigrants d’ici 2007. Actuellement, 1 Québécoise sur 10 est née à l’étranger. Presque la moitié des femmes immigrées appartiennent à une minorité visible. Dans Les femmes immigrées du Québec, la troisième publication de la collection Des nouvelles d’elles, le Conseil du statut de la femme du gouvernement du Québec trace un portrait de ces femmes. Ce document met en relief non seulement la grande diversité des Québécoises immigrées, mais également leur dynamisme et leur potentiel.

Depuis les années 90, la migration des femmes en qualité de travailleuses indépendantes est dans une proportion nettement plus imposante qu’auparavant. Les femmes immigrées des dernières vagues sont très scolarisées et diplômées. Elles sont aussi très motivées à trouver un emploi. Elles aimeraient bien que les compétences qui leur ont valu leur entrée au Québec aient une résonance auprès des employeurs québécois.

Les femmes immigrées ont à relever tous les défis qui se posent aux personnes qui immigrent en plus de faire face à un double handicap, celui d’être femmes et nouvelles arrivantes. Plusieurs études ont relevé les nombreuses difficultés qu’elles vivent dans le processus d’accès au marché du travail, difficultés encore plus grandes pour elles que pour leurs homologues masculins.

Le Comité permanent sur le statut de la femme s’est senti interpellé par les enjeux particuliers relatifs à l’intégration socioprofessionnelle des femmes immigrées et invite à y réfléchir au cours d’un colloque qui aura lieu le 27 avril à l’UdeM. Dans une perspective d’équité, les organisations, dont l’Université, devront tenir compte de ces enjeux dans le processus de recrutement de nouveaux employés. Nous espérons que les membres de la communauté universitaire nous accompagneront nombreux dans cette réflexion sur notre réalité plurielle.

Nous aimerions aussi souligner que nous célèbrerons, le 21 mars, la Journée internationale contre le racisme, qui veut promouvoir le respect mutuel entre les personnes issues de communautés culturelles différentes. Profitons de cette occasion pour penser aux moyens d’une intégration harmonieuse.

Fasal Kanouté
Professeure agrégée

Andrée Labrie
Coordonnatrice
Membres du Comité permanent sur le statut de la femme

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