Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 25 - 27 mars 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Près de 400 étudiants ne paient pas de droits de scolarité

Le programme d’exonération donne à ceux qui en bénéficient un sentiment d’appartenance à leur établissement

Jacques St-Pierre, Marcel Fournier et Jean-Marc Charron

Chaque année, quelques centaines d’étudiants peuvent s’inscrire à l’Université sans payer de droits de scolarité parce qu’ils ont un parent ou un conjoint membre du personnel de l’établissement.

«Il est difficile de savoir exactement le nombre de personnes concernées, commente le vice-recteur adjoint aux ressources humaines, Jean-Marc Charron, mais on sait que l’équivalent de 11 000 crédits étudiants sont accordés annuellement à l’UdeM par le programme d’exonération des droits de scolarité. Cela pourrait correspondre à 370 étudiants inscrits à temps plein.»

Les couts associés à la gratuité des cours pour les proches des employés s’élevaient en 2004-2005 à 629 000$. L’UdeM n’est pas le seul établissement à offrir un telle avenue à son personnel: la gratuité coute 387 000$ à l’Université McGill, 345 000$ à l’Université Concordia, 260 000$ à l’Université Laval et 166 200$ à l’Université de Sherbrooke.

Ce ne sont pas toutes les universités québécoises qui ont adhéré à cette pratique inscrite dans les conventions collectives des facultés depuis la fin des années 50. Par exemple, seulement 4 des 11 constituantes de l’Université du Québec (Trois-Rivières, Chicoutimi, Abitibi et Outaouais) mettent en application la formule, dont les exonérations varient de 50 à 100% selon les établissements. L’Université du Québec à Montréal n’a pour sa part jamais offert à son personnel cet avantage. À l’UdeM, les conventions collectives de travail prévoient l’exemption complète ou partielle des droits de scolarité pour les conjoints et les enfants à charge.

L’exonération atteint 100% pour la famille immédiate de tous les employés en poste depuis plus de cinq ans, mais aussi pour les proches des employés décédés ou retraités ayant été cinq ans au service de l’établissement. Elle est de 90% pour les employés qui travaillent à l’Université depuis trois à cinq ans, de 50% pour le personnel qui compte de une à trois années de service et de 20% pour ceux qui sont employés de l’UdeM depuis moins de un an.

Une tradition américaine

Selon Jacques St-Pierre, cette pratique d’inspiration américaine coïncide avec la mise sur pied de la caisse de retraite. «C’était pour nous une compensation pour le faible salaire que nous recevions durant la période Duplessis, explique le physicien, qui était membre actif de l’Association des professeurs de l’Université de Montréal à cette époque. Par la suite, l’avantage a été accordé aux membres permanents du personnel, y compris aux employés de soutien.»

Aujourd’hui président de l’Association des professeurs retraités de l’UdeM, M. St-Pierre raconte qu’à l’origine les négociations syndicales avaient porté sur des prêts hypothécaires en vue de l’achat d’une maison. Mais l’administration, dont les fonds de dotation n’étaient pas bien garnis, ne voulait pas entendre parler de ce type de compensation, notion commune dans les établissements américains, mais plutôt rare au Canada.

D’après Marcel Fournier, professeur au Département de sociologie, ce genre de mesure incitative est monnaie courante dans les universités américaines. «C’est une tradition chez nos voisins du Sud, affirme le sociologue. Les établissements paient la totalité des droits de scolarité des enfants non seulement lorsqu’ils étudient dans la même université mais aussi quand ils font leurs études ailleurs aux États-Unis. Ce qui n’est pas le cas ici. On offre également souvent un emploi au conjoint ou encore on participe à l’achat d’une maison dans les quartiers proches des universités.»

À son avis, toutes les grandes entreprises ont des stratégies pour «s’attacher» le personnel. Et les universités ne font pas exception à la règle. «Elles se font une concurrence acharnée pour attirer ou retenir des chercheurs hors pair, certaines avec une rémunération avantageuse et des avantages sociaux appréciables», souligne-t-il.

Droit acquis

Mais compte tenu de ses difficultés financières actuelles, l’UdeM ne devrait-elle pas abolir l’exonération des droits de scolarité pour ses employés et les membres de leur famille? Non, semble dire M. Fournier. «Les professeurs sont encore mal payés comparativement à leurs collègues canadiens ou américains et les couts associés à l’exonération des droits de scolarité ne sont pas très significatifs à l’intérieur du budget universitaire», estime le chercheur. Il rappelle par ailleurs que ce privilège est considéré comme un revenu. «En raison de questions fiscales, précise-t-il, le montant est versé comme salaire à l’employé, qui paie donc de l’impôt sur cette somme, soit environ 50%.»

Le vice-recteur adjoint aux ressources humaines assure pour sa part que l’Université n’a jamais envisagé le retrait de ce programme. «De toute façon, il s’agirait sans doute d’économies marginales puisque le rachat du programme se ferait certainement dans le cadre d’une négociation où l’Université serait amenée à accorder d’autres avantages en échange», indique-t-il.

M. Charron croit que cette politique non seulement représente un investissement auprès du personnel, mais suscite chez ceux qui en bénéficient un sentiment d’appartenance à l’établissement. Il compare même le programme à celui du sport d’excellence pour ce qui est des retombées positives sur le recrutement. «Il est permis de croire que chaque inscription en entraine deux ou trois autres, comme c’est le cas avec les étudiants-athlètes», fait-il remarquer.

Bref, l’exonération des droits de scolarité est un droit acquis qui ne semble pas prêt de disparaitre… du moins à l’UdeM.

Dominique Nancy

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