Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 26 - 3 avril 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

«Cette enfant est de trop dans ma vie!»

Mireille Mathieu veut sensibiliser les professionnels aux mauvais traitements que subissent les jeunes enfants

Longtemps après le drame, Geneviève a encore du mal à admettre que son fils Mathieu, 15 mois, est décédé des suites du syndrome du bébé secoué, résultat d’un mauvais traitement infligé par sa gardienne. «Il est mort le 13 mai», relate-t-elle les larmes aux yeux.

Ce témoignage est tiré d’une vidéo qui traite de la prévention des abus physiques sur les enfants; elle a été lancée la semaine dernière par le Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP). La centaine de personnes présentes au lancement de la «Trousse de sensibilisation aux mauvais traitements physiques et psychologiques envers les jeunes enfants», à l’Écomusée du fier monde, retenaient leur souffle, sinon leurs larmes, même si on leur avait bien dit qu’il s’agissait d’une fiction. Geneviève, en réalité, n’est que le nom du personnage interprété par la comédienne Marie-France Duquette.

«Mais il s’agit quand même d’une histoire authentique», précise Amélie Doray, assistante à la production de cette vidéo de 26 minutes qui contient également des entrevues avec des experts et des intervenants. «La comédienne reprend, mot à mot, le témoignage d’une mère de la région de Québec que nous avons rencontrée et qui nous a tout dit sur la mort de son enfant.»

Entrainant le décès de 20 % des victimes et laissant souvent des séquelles graves, le syndrome du bébé secoué est rare puisqu’on ne rapporte que de 22 à 29 cas pour 100 000 naissances au Canada. Comme l’explique dans la vidéo le Dr Jean Labbé, du Centre hospitalier de l’Université Laval, ce sont souvent les pleurs incessants qui mènent le parent à secouer le bébé, et même à le lancer violemment sur une surface dure. Or, ces pleurs sont très souvent causés par des coliques... un problème qui ne dure que quelques semaines.

«Le quart de la population ignore qu’on ne doit jamais secouer un bébé pour arrêter ses sanglots», commente la directrice du CLIPP, la psychologue Mireille Mathieu. Selon elle, il faut de toute urgence sensibiliser aux dangers des mauvais traitements les professionnels de la santé, les intervenants communautaires et les autres personnes susceptibles d’interagir avec des ménages aux prises avec des cas de violence familiale. L’idée de créer la trousse est née de ce souci.

Violence psychologique et physique

Le syndrome du bébé secoué n’est qu’un des trois sujets explorés par les concepteurs de la trousse, qui se sont aussi penchés sur la violence psychologique et sur la violence physique dans des vidéos d’une durée respective de 19 et de 22 minutes. Chaque docudrame (disponible sur DVD ou sur vidéocassette) est construit de la même façon: une mise en situation basée sur des faits réels amène le spectateur à comprendre ce qui se passe dans la «vraie vie» avant de lui faire entendre les experts et intervenants issus des milieux policier, communautaire et universitaire. Un grand nombre de données et de faits relatifs au problème sont présentés sur un ton qu’on a voulu simple.

De l’aveu même des producteurs, les scènes les plus difficiles à soutenir ont été délibérément omises au lancement. Mais celles qui ont été sélectionnées étaient tout de même éloquentes. Dans le documentaire dramatisé sur la violence psychologique, une mère monoparentale surmenée couvre d’injures sa fillette. «Cette enfant est de trop dans ma vie», confie-t-elle comme pour s’excuser.

Si le spectateur ne voit pas de scènes violentes dans la vidéo sur la violence physique, il saura lire entre les lignes pour comprendre comment certains parents dérapent.

Dans la section des témoignages, où les personnes interviewées jouent leur propre rôle, le policier Daniel Archibald fait remarquer qu’il est souvent intervenu dans des situations de violence conjugale. Il a constaté qu’aucun milieu social n’était à l’abri d’un dérapage. «Ce n’est pas l’argent qui achète le contrôle émotif, lance-t-il. Ni le niveau de scolarité.»

Selon Jacques Pelletier, directeur du perfectionnement professionnel à l’École nationale de police du Québec, les agents ont un «manque généralisé de connaissances» à l’égard de ce problème pourtant courant. «Un policier est légalement tenu d’intervenir si des enfants présentent des signes de violence, dit-il. Nous croyons que cette trousse permettra d’améliorer considérablement la détection des mauvais traitements ainsi que l’intervention.»

M. Pelletier n’exclut pas la violence psychologique de la responsabilité policière. Cette forme de violence passe souvent par les menaces «et les menaces sont prohibées dans notre système de droit».

«Nous sommes tous concernés par ce problème», a conclu Mme Mathieu, professeure au Département de psychologie. Elle s’est dite fière de contribuer à un projet qui fait le lien entre le savoir universitaire, les acteurs du milieu et le public.

La trousse, qui a été produite avec la collaboration du Centre de communication en santé mentale (CECOM) de l’Hôpital Rivière-des-Prairies, sera vendue partout où l’on assure la formation d’intervenants dans le secteur familial. Elle coute 195$, excluant les taxes et les frais d’envoi. Information: (514) 328-3503 ou <www.cecom.qc.ca>.

Mathieu-Robert Sauvé

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