Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 21 - 3 avril 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

capsule science

Le tramway à Montréal: est-ce réaliste?

 

Le maire Gérald Tremblay rêve d’un tramway qui relierait la gare Jean-Talon au centre-ville de Montréal, via l’avenue du Parc. Cout de l’opération: de 400 à 500 M$. Est-ce réaliste? «Oui, sans aucun doute, répond Paul Lewis, professeur à l’Institut d’urbanisme de la Faculté de l’aménagement et spécialiste du transport en commun. On oublie trop souvent que des tramways ont circulé pendant un siècle et demi à Montréal et qu’ils faisaient très bien l’affaire. La majorité des travailleurs les utilisaient pour se rendre au travail.»

L’Agence métropolitaine de transport, qui fait la promotion de ce moyen de locomotion, rappelle que les tramways ont sillonné la métropole de 1892 à 1959. En 1907, le réseau comptait 354 km de voies, sur lesquelles circulaient 1250 voitures. Plus de 140 millions de passagers étaient transportés annuellement.

Pourquoi a-t-on abandonné les tramways? Pour faire de la place à l’automobile, évidemment. L’autobus, considéré comme un moyen de transport plus flexible, lui faisait aussi concurrence. De plus, le tramway avait un petit côté suranné qui lui nuisait beaucoup à la fin des années 50. «La modernité était sur toutes les lèvres. Les vieux tramways n’avaient plus la cote», commente M. Lewis.

Presque toutes les villes canadiennes qui possédaient des tramways les ont retirés de la circulation. À l’exception de la conservatrice Toronto, dont les streetcars continuent de transporter des milliers de passagers chaque jour. «La grande qualité des tramways, fait observer M. Lewis qui a connu ceux d’Ottawa durant son enfance, c’est la qualité du roulement. Le silence, aussi: c’est un véhicule très peu bruyant. Sans parler du facteur pollution.»

Le tramway connait actuellement une relance un peu partout dans les grandes métropoles. Au début des années 80, la France ne faisait rouler que trois tramways. Vingt ans plus tard, sept villes les réintroduisaient: Nantes, Grenoble, Paris, Strasbourg, Lyon, Montpellier et Orléans. D’autres prévoient le faire d’ici 2010. Cette relance est perceptible non seulement en Europe et en Asie mais également en Amérique.

Partout on vante les «nouveaux tramways», toujours alimentés par une source d’électricité aérienne mais dont les formes sont plus aérodynamiques et qui sont pourvus de larges fenêtres. Les récents véhicules ont généralement un plancher bas intégral, qui rend l’accès aisé même aux handicapés. «Il est cocasse de penser que les réseaux ont été démantelés à cause du caractère désuet des tramways, alors qu’aujourd’hui ils passent pour des moyens de transport très modernes», signale Paul Lewis. Et l’hiver montréalais ne poserait pas de problème particulier selon lui puisque des tramways circulent sans encombre dans certaines villes scandinaves bien plus enneigées que la nôtre.

Cela dit, le géographe et spécialiste de la planification urbaine ne souscrit pas entièrement au projet du maire Tremblay. «Actuellement, nous ne connaissons pas les couts exacts d’une telle infrastructure, explique-t-il. Il serait dommage d’investir plusieurs centaines de millions de dollars dans une entreprise qui ne ferait pas croitre le nombre d’usagers du transport en commun.»

M. Lewis sait de quoi il parle: il a en effet participé en 2003 à la Commission de consultation sur l’amélioration de la mobilité entre Montréal et la Rive-Sud. De plus, il prend le métro ou l’autobus presque tous les jours. Selon lui, le tramway ne doit pas simplement remplacer un circuit d’autobus; il doit amener un grand nombre de personnes à renoncer à leur voiture au profit du transport en commun. Or, le projet du maire Tremblay ne le garantit pas. «Il faut s’assurer que l’axe nord-sud ne deviendrait pas simplement une solution de rechange pour les usagers actuels, indique-t-il. Sinon, ça ne vaut pas la peine d’y consacrer autant d’argent.»

S’il est parfois sévèrement critiqué, le réseau de transport en commun de Montréal conserve (avec de 15 à 16 déplacements sur 100) une place enviable en comparaison des autres villes de dimension analogue sur le continent. Mais les multiples compressions ont forcé les gestionnaires à rogner sur la fréquence des circuits, de sorte que les autobus sont souvent bondés. Aussi, plusieurs zones sont mal desservies par la Société de transport de Montréal, par exemple le parc industriel de Saint-Laurent, où de nombreux travailleurs se rendent quotidiennement, ou encore l’est de l’île.

Malgré tout, selon Paul Lewis, la construction d’un tramway à Montréal enverrait un message très positif à la population, voulant que le transport en commun constitue une priorité pour l’administration municipale.

En attendant, c’est un tramway nommé Désir.

Mathieu-Robert Sauvé

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