Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 27 - 10 avril 2006
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 Archives de Forum

capsule science

Doit-on interdire à vie aux homosexuels de donner du sang?

 

Doit-on interdire à vie aux homosexuels de donner du sang? «Non, répond Carlos Séguin. Interdire aux hommes qui ont eu ne serait-ce qu’une relation homosexuelle depuis 1977 de donner du sang est discriminatoire et prive inutilement les Québécois de dons de sang dont ils ont grandement besoin.»

Selon le chargé de cours de la Faculté de l’éducation permanente, l’interdit qui avait été imposé en 1983, au début de la pandémie de sida, avait à l’origine sa raison d’être. «La science connaissait alors peu le VIH et les tests de dépistage du virus étaient encore peu fiables, explique-t-il. Aujourd’hui, l’interdit à vie n’est plus justifié puisque les techniques de dépistage sont suffisamment perfectionnées pour bien protéger le public. Si le Portugal a assoupli sa politique à cet égard, pourquoi pas nous?»

La Société canadienne du sang et Héma-Québec, en tout cas, ont une position sur la question qui diffère de celle qu’ont adoptée les trois principales agences de collecte de sang américaines. Ces dernières ont l’intention de modifier leur politique relative à l’interdiction d’accepter des dons de sang d’hommes homosexuels. «Il n’existe qu’une fenêtre de trois semaines entre l’infection au VIH et la présence d’anticorps et ceux-ci peuvent être détectés facilement, souligne dans un communiqué la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec. L’interdit à vie n’est donc aucunement justifié.»

Au Canada, cette mesure s’applique pourtant à tout homme ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme depuis 1977. Aux États-Unis, la Croix-Rouge, les centres de sang et l’association des banques de sang ont recommandé que cette précaution ne vise dorénavant que les homosexuels ayant eu un rapport sexuel au cours de la seule dernière année. La Food and Drug Administration (FDA) entend revoir à son tour sa règlementation, le risque de contracter le VIH par transfusion sanguine étant, à son avis, de une unité de sang sur deux millions, comme le déclarait récemment un de ses porte-paroles.

Rappelons qu’Héma-Québec a déjà suggéré un tel assouplissement, mais, en novembre 2004, un comité consultatif du ministère de la Santé et des Services sociaux l’a rejeté. «Une opinion récemment émise pour le compte d’Héma-Québec par deux médecins stipulait qu’en ramenant l’interdiction de relations homosexuelles à une seule année avant le don de sang le risque de don infecté n’augmenterait que de 1 sur 50 millions», rapporte La Presse canadienne.

Selon Carlos Séguin, qui n’a pas été accepté comme donneur de sang, on ne devrait pas sélectionner les donneurs selon l’orientation sexuelle mais plutôt sur la base des pratiques sexuelles non protégées. «J’avais 19 ans, raconte-t-il, et mon test de dépistage était négatif. Pourtant, tous mes amis hétérosexuels, qui avaient des relations sexuelles non protégées, ont pu donner de leur sang. Pas moi.»

À l’époque, l’enseignant ne s’est pas senti très offusqué. «Il existait dans les années 80 des groupes dits à risque. Mais cela n’est plus le cas de nos jours, mentionne-t-il. Cette mesure discriminatoire alimente non seulement les préjugés à l’endroit des hommes gais, mais perpétue aussi au sein de la population le mythe selon lequel les hétérosexuels ne risquent pas de contracter le virus du sida.»

Dominique Nancy

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