Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 28 - 18 avril 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les allergies réduisent les risques de cancer

L’asthme et le rhume des foins réduisent de façon significative les risques de décès dus à la leucémie, au cancer du pancréas et au cancer du côlon

Ces tiges de seigle causent bien des ennuis à ceux qui ont le rhume des foins. Mais les conclusions d’une recherche récente viennent apporter une consolation à ceux qui souffrent d’allergies puisque ces dernières réduisent les risques de cancer du pancréas et de cancer du côlon.

Ce sera bientôt la saison du rhume des foins. Mais à quelque chose malheur est bon. Ceux qui souffrent de cette affection ont en effet un risque moindre d’être atteint d’un cancer. Si l’asthme s’ajoute au rhume des foins, le risque de décéder d’un cancer diminue de 12%.

C’est ce qui ressort de l’une des plus importantes études épidémiologiques jamais réalisées sur les corrélations entre allergies et cancers. Cette étude, à laquelle a participé le professeur Parviz Ghadirian, de l’Unité de recherche en épidémiologie du CHUM, a été menée auprès de 1,2 million d’Américains qui ont été suivis pendant 18 ans.

Au terme de l’étude, en 2000, plus de 81 000 personnes (7,5%) étaient mortes d’un cancer. En combinant les données sur les cancers concernés et celles sur l’asthme et le rhume des foins, les chercheurs ont observé une corrélation inverse significative entre ces deux allergies et l’ensemble des cancers (-12%) et une corrélation encore plus forte pour trois formes de cancer en particulier.

Ainsi, le rhume des foins réduit de 15% le risque de décéder du cancer du pancréas et l’asthme réduit de 25% celui de mourir de leucémie. Chez les personnes aux prises avec les deux allergies, le risque qu’elles soient emportées par un cancer colorectal est abaissé de 24%.

Mais il n’y a pas que de bonnes nouvelles puisque l’asthme augmente légèrement la probabilité d’avoir un cancer du poumon. Ce constat avait déjà été noté, mais c’est la première fois qu’on établit le lien chez des non-fumeurs.

Système immunitaire stimulé

Ces résultats obtenus à partir d’un groupe imposant de sujets viennent confirmer des données semblables recueillies par le professeur Ghadirian auprès d’échantillons plus restreints de Canadiens francophones. Ses travaux avaient entre autres montré une réduction du risque du cancer du côlon et du cancer du sein associée à l’asthme.

Dans une recension de la littérature publiée sur le sujet dans un numéro récent de l’International Journal of Cancer, Parviz Ghadirian et ses collègues rapportent que d’autres travaux ont permis de constater que le rhume des foins diminuait les risques d’être atteint d’un cancer du pancréas de 20 à 70%! D’autres chercheurs ont aussi montré que les allergies en général baissaient de moitié le risque d’avoir un cancer du cerveau (cellules gliales).

Selon le professeur Ghadirian, deux hypothèses peuvent expliquer les relations inverses entre allergies et cancers. La première repose sur le rôle du système immunitaire. «Les gens qui sont immunodéprimés affichent un taux très élevé de cancer, souligne le chercheur. On a aussi remarqué que ceux qui sont touchés par un cancer du côlon ne sont presque jamais victimes d’allergies. Selon l’hypothèse immunitaire, l’allergie active le système immunitaire, qui détruit les cellules cancéreuses.»

À l’appui de cette hypothèse, des recherches ont permis de découvrir que le nombre de cellules tueuses naturelles (les cellules NK, différentes des lymphocytes T) est plus grand dans le système immunitaire des asthmatiques et que celles-ci sont plus fortes. Ces cellules tueuses s’attaquent aux cellules anormales dont les cellules cancéreuses.

La seconde hypothèse repose sur les médicaments antiallergiques comme les antihistaminiques et les décongestionnants dont font usage ceux qui souffrent d’allergies. Ces médicaments pourraient exercer un effet anticancéreux.

La situation se complique lorsqu’on ajoute à ces considérations la relation positive entre l’asthme et le cancer du poumon, un lien qui s’inverse quand les sujets sont atteints à la fois d’asthme et du rhume des foins. Dans le cas de l’asthme seul, il est possible que davantage de radicaux libres soient présents dans les voies respiratoires alors que les antioxydants seraient réduits; on invoque également la possibilité que le lien soit dû à la constante régénération cellulaire des poumons chez les asthmatiques.

«À l’heure actuelle, il n’y a pas de modèle satisfaisant pour expliquer l’ensemble des corrélations observées», tient à préciser le professeur Ghadirian.

Daniel Baril

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