Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 29 - 1er mai 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Kent Nagano, docteur honoris causa... et sociologue

Jean-François Rivest présente ce «grand musicien et humaniste»

De gauche à droite, Jean-François Rivest, Pierre Simonet, vice-provost et vice-recteur à la planification, Kent Nagano, Claude Léger, vice-recteur à l’administration et aux finances, et André Caillé

Pourquoi faire de la musique classique quand des guerres font rage et que des tsunamis et des ouragans dévastent des régions entières? «Parce que la musique est une partie de la mémoire humaine. Et il n’y a pas de civilisation sans mémoire.»

Voilà l’opinion du nouveau directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), Kent Nagano, qui recevait un doctorat honoris causa de l’Université de Montréal le 19 avril dernier.

Après avoir fait rire l’assistance quand il s’est débarrassé de son inconfortable mortier (un couvre-chef qui sied plutôt mal à sa chevelure abondante), M. Nagano s’est dit très touché de l’honneur que lui faisait l’Université. Mais il avait surtout été ému «aux larmes» par le récital Messiaen de la pianiste Maneli Pirzadeh, professeure à la Faculté de musique et diplômée de celle-ci. «Cela me va droit au cœur d’autant plus qu’Olivier Messiaen était mon maitre. C’est lui qui m’a accueilli à Paris au début de ma carrière», a relaté le maestro.

En entendant Kent Nagano interpréter sur son propre piano Vingt regards sur l’Enfant Jésus, Messiaen aurait même dit, sans sourciller: «Je suis très content que vous vous destiniez à la carrière de... chef d’orchestre.»

Émaillant ses propos de références à l’environnement et aux problèmes sociaux contemporains, M. Nagano a évoqué la nécessité, pour une société moderne, de posséder une culture musicale riche, même si celle-ci a un cout assumé par la collectivité. «C’est très spécial d’accéder à une forme d’art qui permette l’expression d’une telle créativité. Le 250e anniversaire de la mort de Mozart est une bonne occasion de le souligner. La musique est un miracle.»

Un grand humaniste

Pour Jean-François Rivest, professeur de direction d’orchestre à la Faculté de musique, Kent Nagano est un musicien complet doublé d’un «grand humaniste». Dans l’hommage qu’il lui a rendu sous forme de sonate (son discours était découpé de la même manière que cette forme musicale: introduction, exposition, développement, réexposition et coda), M. Rivest a parlé avec chaleur de ce chef qui a dirigé certains des plus grands orchestres d’Europe et d’Amérique. «Il est un véritable bâtisseur et il accomplit sa tâche avec exigence, patience, passion et générosité.»

Ce qu’on sait moins, c’est que Kent Nagano possède, outre sa formation musicale, une authentique formation de sociologue. Il a en effet obtenu un baccalauréat en sociologie de l’Université de Californie. «Il avait tout ce qu’on peut souhaiter d’un chef pour remplacer Charles Dutoit, mentionne le journaliste Jean Paré, qui a siégé au comité de sélection du nouveau directeur artistique de l’Orchestre. Il est jeune, dynamique, respecté et il est à son aise avec n’importe quelle partie du répertoire.»

On raconte que Kent Nagano et sa femme, pianiste de concert, accompagnés de leurs deux enfants, auraient notamment préféré Montréal à d’autres villes américaines pour des raisons idéologiques. Le Canada dispose de politiques sociales qui correspondent à leurs valeurs, tandis que l’Amérique de George W. Bush s’en éloigne.

Dans sa brève présentation du docteur honorifique, le chancelier de l’UdeM, André Caillé, a déclaré que le nouveau chef allait donner à l’OSM un nouveau dynamisme. «En honorant maestro Nagano, l’Université de Montréal s’honore elle-même», a-t-il dit.

Plusieurs grands musiciens ont reçu un doctorat honoris causa de la Faculté de musique avant lui. Parmi eux: les chefs Wilfrid Pelletier et Charles Dutoit ainsi que le compositeur français Pierre Boulez.

Un modèle pour les étudiants

«Tout est neuf à l’OSM», commentait récemment le chroniqueur musical du Devoir, Christophe Huss, à propos de la saison qui s’amorcera en septembre prochain. «Le chef américain semble pénétré de sa mission. Il veut même créer ici quelque chose “d’historique pour le monde”. »

En plus des grands romantiques (Ludwig van Beethoven, Robert Schumann, Franz Schubert), l’OSM jouera Dmitri Chostakovitch, Ernest Chausson, Peter Eötvös (un contemporain qui dirigera lui-même sa composition) et bien d’autres. C’est la première saison véritablement signée Kent Nagano.

Réjean Poirier, doyen de la Faculté de musique, a parlé du chef d’orchestre comme d’un modèle pour les étudiants en musique: «D’un côté, il favorise le dépassement des interprètes qu’il dirige; de l’autre, il nourrit son public et l’invite à s’intéresser à de nouvelles musiques. Nous souhaitons que ce souci d’éduquer permette de nouer des liens entre la Faculté et maestro Nagano, de façon à profiter pleinement de la présence d’un tel musicien à Montréal», a indiqué Réjean Poirier.

Après avoir prononcé son hommage, Jean-François Rivest a dirigé l’Orchestre de l’Université de Montréal dans le dernier mouvement de la Symphonie numéro 4 en mi mineur de Johannes Brahms.

Mathieu-Robert Sauvé

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