Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 29 - 1er mai 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Des tests de dépistage pour déceler les risques des cancers du sein et de l’ovaire

Un diagnostic précoce dans le cas d’un cancer de l’ovaire peut permettre à la patiente de recouvrer la santé

La Dre Christine Maugard

Des tests de dépistage à partir d’un échantillon de sang pourraient permettre de détecter les cancers du sein et de l’ovaire avant même l’apparition des symptômes.

C’est l’objectif poursuivi par la Dre Christine Maugard, médecin généticienne et chef adjointe du Service de médecine génique du CHUM. La chercheuse, aussi professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, vient de recevoir une bourse du Fonds de la recherche en santé du Québec pour poursuivre ses travaux sur la génétique des cancers héréditaires. Plus précisément, elle travaille à la désignation de nouvelles cibles moléculaires d’intérêt en dépistage et en prévention des cancers du sein et de l’ovaire. Ses recherches pourraient également permettre d’améliorer le dépistage d’autres cancers puisque plusieurs types de cancers sont associés à une même anomalie de ces gènes.

«On sait aujourd’hui que les femmes porteuses du gène BRCA1 ou BRCA2 présentent un haut risque de développer un cancer du sein ou de l’ovaire. On estime que les porteuses de mutations sur l’un ou l’autre de ces deux gènes ont jusqu’à 80% de risque d’être atteintes d’un cancer du sein au cours de leur vie. Pour le cancer de l’ovaire, les risques sont de l’ordre de 20 à 40%, précise la généticienne. Actuellement, le seul moyen efficace de prévention est l’ablation des seins et des ovaires. Il faut donc de toute urgence déployer de nouvelles stratégies, en améliorant notamment les connaissances relatives aux aspects moléculaires de ces cancers.»

Une recherche prometteuse

D’origine française, Christine Maugard est une des rares médecins avec une formation en génétique et en oncologie. Après des études de médecine à l’Université de Nantes, elle acquiert en 1992 une expérience dans le domaine de l’oncogénétique en mettant sur pied une clinique et un laboratoire de diagnostic de mutations du gène BRCA1. Elle entreprend ensuite un doctorat en biologie moléculaire à l’Université de Clermont-Ferrand avant de venir s’installer au Québec en octobre 2000.

À son avis, l’un des intérêts de la recherche en génétique du cancer est de comprendre, à partir de cas «héréditaires», les mécanismes premiers qui amorcent la cascade d’événements menant au cancer afin de l’enrayer le plus tôt possible. «Cela est d’autant plus important pour les cancers ovariens qu’on ne dispose pas de méthode de détection précoce et que le diagnostic est le plus souvent tardif, souligne la Dre Maugard. Au stade 1, le taux de survie est de 85 à 95%, mais aux stades 3 et 4, l’espérance de vie varie de 5 à 25% jusqu’à 5 ans.»

La chercheuse a récemment émis l’hypothèse qu’il existerait, dans les lymphocytes du sang périphérique et dans les tissus cibles du développement tumoral des porteurs et porteuses de mutations des gènes BRCA1 et BRCA2, une sorte de signature de la présence de ces erreurs dans le code génétique. Si c’est le cas, il serait possible de repérer plus facilement les femmes «à risque» de souffrir d’un cancer afin de les prévenir ou d’intervenir très rapidement. «L’objectif de mon travail est maintenant de confirmer cette hypothèse en utilisant différents modèles.»

Pour ce faire, la professeure Maugard a analysé les tissus ovariens prélevés lors de chirurgies prophylactiques. À l’aide de biopuces pas plus grosses qu’un carré de sucre, sur lesquelles est déposé l’ADN complémentaire du messager exprimé dans nos cellules, elle cherche l’existence d’un profil d’expression associé à la présence d’une mutation sur l’un ou l’autre des gènes BRCA1 et BRCA2. Elle aura également recours à des tissus mammaires pris au cours d’interventions préventives, à des lymphocytes sanguins ainsi qu’à des tumeurs du sein et de l’ovaire. Au total, son étude impliquera l’analyse d’environ 40 000 gènes.

«Un travail de moine!» C’est peu dire: à raison de deux ans de labeur par gène, il faudrait près de 80 000 ans à une seule équipe pour en venir à bout! L’objectif pourrait néanmoins être atteint grâce à des outils performants comme les puces à ADN. Déjà, des données préliminaires obtenues par la Dre Maugard à partir de cultures d’épithélium de surface normal de l’ovaire suggèrent l’existence d’un profil d’expression associé à la présence d’une mutation sur l’un ou l’autre des deux gènes. Il serait même possible de distinguer les porteuses d’une mutation sur le BRCA1 de celles présentant une mutation sur le gène BRCA2.

Un tueur silencieux

Mais quel est l’intérêt pour une femme de savoir qu’elle est porteuse du gène BRCA1 ou BRCA2 puisqu’il n’existe pas de vaccin ni de pilule miracle pour guérir les cancers du sein et de l’ovaire? «Savoir qu’on a une susceptibilité génétique permet d’agir, répond Christine Maugard. Les femmes qui savent qu’elles ont une mutation du gène BRCA1 ou BRCA2 sont mieux suivies, les médecins peuvent recourir à des interventions plus ciblées dès les premiers stades de la maladie.»

Dans le cas du cancer de l’ovaire, dont la détection survient souvent alors qu’il est difficile de le vaincre – «c’est un tueur silencieux», selon la généticienne –, un diagnostic précoce peut en effet permettre à la patiente de recouvrer la santé. La chirurgie seule suffit à guérir la plupart des cancers dépistés précocement, c’est-à-dire ceux qui restent localisés à l’ovaire, selon la Dre Maugard. «C’est dire à quel point la mise au point de nouveaux tests de dépistage représente un formidable espoir.»

Dominique Nancy

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