Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 32 - 12 juin 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les autistes ont-ils une alimentation convenable?

Geneviève Nadon cherche à mieux documenter le problème de sélection alimentaire chez les enfants présentant un TED

Geneviève Nadon

Les parents savent bien que les enfants, en général, ont des gouts alimentaires plutôt restreints et qu’ils sont peu portés à vouloir essayer de nouveaux mets. Chez les autistes, cette caractéristique est problématique et crée de sérieux ennuis aux parents.

«Dans l’ensemble de la population, les problèmes d’alimentation touchent 25% des enfants en bas âge, mais le taux grimpe à 80% chez les enfants qui souffrent de troubles envahissants du développement», explique Geneviève Nadon, ergothérapeute au centre de réadaptation La myriade, à Joliette, et qui intervient plus spécialement auprès de ces jeunes.

Les troubles envahissants du développement, communément désignés par l’acronyme TED, incluent l’autisme, le syndrome d’Asperger, le syndrome de Rett et le trouble désintégratif de l’enfance. On compte 60 personnes sur 10 000 atteintes de l’un de ces troubles qui frappent quatre fois plus de garçons que de filles. Le problème de sélection alimentaire chez ces enfants est spontanément soulevé par les parents et l’ergothérapeute a résolu d’y consacrer sa recherche de maitrise, effectuée à l’École de réadaptation de la Faculté de médecine.

Gouts restreints

«Les enfants qui présentent un TED ont des gouts restreints, des comportements répétitifs et obsessifs et font preuve de peu d’imagination, souligne Geneviève Nadon. Cela se répercute sur leur alimentation. Certains d’entre eux peuvent même limiter leur nourriture à moins de 10 aliments.»

La sélection peut aller jusqu’à refuser un produit alimentaire, du yogourt par exemple, d’une nouvelle marque de commerce. Si les parents tentent d’introduire de la nouveauté, une crise alimentaire peut être déclenchée. Dans les cas extrêmes, l’enfant pourrait refuser une assiette dans laquelle aurait été mis un aliment qu’il n’aime pas.

«Certains enfants vont lancer l’assiette s’ils n’aiment pas les pois et qu’il s’en trouve à côté des pommes de terre», signale Mme Nadon. Il arrive également que des enfants se limitent à un aliment pendant des semaines et le rejettent subitement par la suite.

Ce problème est très peu documenté, mais, selon la littérature qu’elle a consultée, les restrictions alimentaires ne mettraient pas en danger la santé ni la croissance de ces enfants. «Le problème est plutôt de l’ordre de l’intégration sociale, mentionne l’ergothérapeute. Les parents peuvent difficilement amener ces enfants manger chez des amis, au restaurant ou dans des fêtes de camarades. Ils ne peuvent pas davantage les inscrire à des camps de vacances.»

Il existe par ailleurs peu de moyens d’intervention à proposer aux parents, dépourvus et décontenancés. «Certaines études recommandent un régime sans gluten ni caséine – une protéine du lait –, des éléments que les enfants aux prises avec un TED tolèreraient moins bien. Mais cette approche ne fait pas l’unanimité, affirme Mme Nadon. Les autres suggestions visent à modifier le comportement par des mesures plutôt intrusives.»

Ces enfants réagiraient parfois de façon exagérée aux informations sensorielles, tant en ce qui concerne le bruit et l’odeur que le gout ou même la texture de l’aliment; le blocage alimentaire pourrait découler de ce type de réactions exacerbées.

Comparer avec la famille

Geneviève Nadon vise donc, dans un premier temps, à mieux documenter le problème et à comparer les données avec les comportements d’autres enfants issus des mêmes familles mais ne souffrant pas de TED. Elle prendra en compte toute une série de facteurs comme les habitudes alimentaires de la famille, l’histoire de l’enfant, l’alimentation à la naissance, la rigidité dans les autres comportements afin d’avoir une vision holistique du problème. Ultimement, l’étudiante espère pouvoir en tirer des outils d’intervention.

Les données recueillies pour l’instant auprès d’une trentaine d’enfants (sur un objectif de 200) montrent que la sélection alimentaire constitue un problème dans 65% des cas de TED et que ce problème est modéré ou grave dans presque 50% des cas; 65% des enfants goutent rarement ou ne goutent jamais à de nouveaux aliments et 80% finissent par refuser un aliment qu’ils acceptaient auparavant.

La comparaison avec d’autres enfants de la famille montre en outre que la restriction alimentaire touche beaucoup plus les enfants atteints d’un TED que les autres enfants de la famille. «Le problème alimentaire ne tend pas à être associé à des facteurs environnementaux», note pour le moment la chercheuse.

L’étude est codirigée par Deborah Feldman, professeure à l’École de réadaptation, et Erika Gisel, de l’Université McGill.

Daniel Baril

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