Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 32 - 12 juin 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Révolution en imagerie médicale vétérinaire

Le campus de Saint-Hyacinthe sera l’un des plus modernes du continent

Kate Alexander et Éric Carmel surveillent Prince, un chien qui a subi une chirurgie et qu’ils ont glissé dans un appareil de résonance magnétique.

Prince, un golden retriever âgé de 10 ans, ne mesure pas sa chance. Profondément anesthésié, couché sur le dos et sanglé, il glisse doucement dans un appareil de résonance magnétique nucléaire. C’est l’un des équipements les plus perfectionnés du Canada en médecine vétérinaire qui vaut à lui seul quelque 800 000$. «Ce chien a subi une chirurgie au pelvis il y a un mois et nous devons vérifier si une seconde opération est nécessaire», explique le vétérinaire Éric Carmel.

Sur l’écran devant lui, on aperçoit des images très précises du patient, comme si on l’avait coupé en petits morceaux dans le sens de la longueur – ou de la largeur selon les besoins. «Vous voyez ici la tumeur, fait observer la radiologiste Kate Alexander en pointant avec son crayon une masse sombre près du bassin. De telles images aident le chirurgien à orienter son intervention. Mais dans certains cas, elles nous révèlent que tout espoir est vain. Le vétérinaire doit alors annoncer au propriétaire de l’animal qu’il vaut mieux ne pas tenter une nouvelle opération.»

Rayons X, échographie, tomodensitométrie, résonance magnétique et même, d’ici un an, scintigraphie. Voilà les nouvelles armes de la Faculté de médecine vétérinaire, qui prend actuellement un grand virage qui va la propulser parmi les centres les mieux équipés en Amérique du Nord dans le domaine de l’imagerie médicale. «Ce que nous avons ici est équivalent, sinon supérieur, aux centres que j’ai eu la chance de visiter sur le continent», indique la Dre Alexander, diplômée de l’Ohio State University.

Pour la Faculté, qui n’a pu obtenir l’agrément complet à la dernière visite des évaluateurs à cause entre autres des lacunes sur le plan des équipements et des infrastructures, ce virage est déterminant. La mise à niveau s’est faite à une telle vitesse que les pavillons destinés à les accueillir ne sont pas encore construits. De façon temporaire, les examens de tomodensitométrie et de résonance magnétique doivent être effectués dans un pavillon situé de l’autre côté de la rue de l’hôpital vétérinaire. Pour des raisons d’espace, on ne peut pas recevoir de gros animaux. Pour l’instant donc, on ne peut recourir dans leur cas qu’aux seuls rayons X et à l’échographie.

Du caïman à la perruche

Plus de 6000 animaux par année sont examinés dans l’un ou l’autre des appareils d’imagerie que possède la Faculté. Un animal sur trois est de grande taille (bovin, cheval, porc) et la radiographie est l’outil le plus souvent utilisé. Au moment de notre passage à l’Hôpital des animaux de la ferme, la technologue en radiologie Suzie Lachance procédait à un examen aux rayons X sur une jument. «Nous devons faire une radio des poumons, a-t-elle dit en plaçant l’animal devant l’appareil. Nous voulons voir si le cancer s’y est propagé.»

Chacune de ces interventions a un cout qui n’est évidemment pas remboursé par la Régie de l’assurance maladie du Québec: de 80 à 100 $ pour une radiographie, de 150 à 200 $ pour une échographie, environ 400 $ pour une tomodensitométrie et plus de 600 $ pour une résonance magnétique. «Nous ne voyons pas que des chiens et des chats, signale Mme Lachance. Nous avons radiographié des tortues, des serpents, des geckos et d’innombrables oiseaux de proie. Nous nous sommes même déplacés pour examiner des caïmans au Biodôme de Montréal.»

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les appareils qu’on trouve dans un hôpital vétérinaire ne sont pas conçus spécifiquement pour les animaux. Il s’agit d’appareils employés dans nos hôpitaux qu’on a adaptés. Les appareils pour la tomodensitométrie et la résonance magnétique, par exemple, sont semblables à ceux d’un centre hospitalier moderne; seule la table sur laquelle sont étendus les patients est plus solide. «Les tomodensitomètres pour les grands animaux se limitent d’ailleurs à la tête et aux membres; on n’arriverait pas à y entrer l’abdomen de l’animal», précise la technologue.

Si l’on fait abstraction des plumes, des écailles et de la fourrure des clients, la radiologie vétérinaire se rapproche d’ailleurs beaucoup de la radiologie appliquée aux êtres humains. Suzie Lachance, qui a travaillé dans des hôpitaux à Sainte-Foy et à Drummondville avant de venir à Saint-Hyacinthe, préfère de loin les animaux. «On se fait moins insulter», mentionne-t-elle en riant.

Enfin une spécialité

L’arrivée des appareils de haute technologie permettra au futur Centre hospitalier universitaire vétérinaire de mieux répondre aux besoins de la clientèle, mais aussi d’entreprendre des projets de recherche et d’assurer un enseignement plus complet. En imagerie médicale vétérinaire, aucune formation n’était offerte au Québec jusqu’à ce que les deux spécialistes actuels, Kate Alexander et Marc-André d’Anjou, complètent leur spécialité à l’étranger.

Les Drs Alexander et d’Anjou, seuls vétérinaires québécois membres de l’American College of Veterinary Radiologists, ont lancé l’an dernier le premier programme de résidence en radiologie reconnu au Canada. Au terme de sa formation de médecin vétérinaire et de son externat, le Dr Hugo Joly a inauguré ce programme en juillet 2005. Dans deux ans, si tout va bien, il sera le premier radiologiste vétérinaire diplômé de l’Université de Montréal.

Par ailleurs, des projets de recherche sont en cours. Grâce à la tomodensitométrie et à la résonance magnétique, Kate Alexander étudie actuellement l’ostéoarthrose chez le mammifère, et ses travaux pourraient mener à des percées majeures pour ce qui est de la prévention et des traitements. Elle entend aussi explorer la fonction rénale sur différents modèles animaux, ce qui pourrait servir la médecine humaine.

Bien que l’habit ne fasse pas le moine, les nouveaux outils des vétérinaires leur permettront d’acquérir des compétences qui leur étaient inaccessibles il y a quelques mois à peine.

Mathieu-Robert Sauvé

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