Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 3 - 11 septembre 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les écoliers devraient bouger deux fois plus

Dans 139 écoles de Montréal, les élèves font moins de 30 minutes d’activité physique par jour

Contrairement à un grand nombre d’écoles, l’école primaire Sainte-Marie, de la Commission scolaire des Patriotes, sur la rive sud de Montréal, a fait de l’activité physique une réelle priorité.

La majorité des enfants qui fréquentent les écoles primaires publiques de Montréal font moins d’une demi-heure d’activité physique par jour à l’école. «S’ils sont inactifs en dehors du cadre scolaire, la plupart des écoliers se retrouvent sous les niveaux recommandés par l’Office de la santé publique du Canada et publiés dans son Guide d’activité physique canadien pour les enfants», commente Tracie Barnett, auteure d’une étude sur la question réalisée à la Direction de la santé publique de Montréal-Centre et dont les résultats viennent de paraitre dans Health Education and Behavior (avril 2006).

L’étude révèle une grande disparité parmi les 277 écoles de cinq commissions scolaires qui ont participé à l’enquête. Dans certains établissements, l’élève type peut être physiquement actif jusqu’à 100 minutes par jour alors que, dans d’autres, il bougera moins de 14 minutes, précise la chercheuse rattachée au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé. Dans la moitié des écoles, l’élève type est actif moins de 30 minutes quotidiennement. «Les écoles où les jeunes font le plus d’exercice ne mettent pas seulement l’accent sur les sports durant les récréations et les temps libres, elles encouragent également leurs élèves à se joindre à des équipes sportives, elles organisent des tournois, des olympiades de fin d’année. Et, fait remarquable, les directrices ou directeurs des établissements semblent exercer un grand leadership en la matière. S’ils sont actifs [c’est-à-dire s’ils pratiquent une activité physique au moins une fois par semaine], leur école a deux fois plus de chances de se situer parmi les établissements où les jeunes bougent le plus.»

Dans cette étude, on n’a pas tenu compte uniquement des périodes consacrées à l’éducation physique (variant de 30 à 120 minutes par semaine), mais de toutes les occasions offertes aux écoliers de faire de l’exercice, que ce soit durant la récréation, à l’heure du dîner, au cours d’activités parascolaires ou au service de garde. À partir de ces minutes potentielles d’activité physique, on a estimé le temps réellement passé à faire de l’exercice en se basant sur les données publiées les plus favorables. Celles-ci suggèrent que, par exemple, les enfants ne sont actifs pendant les cours d’éducation physique que durant un maximum de 40% du cours, même si d’autres jugent que c’est beaucoup moins.

L’école primaire, un milieu de vie

C’est à l’école que les enfants passent la majeure partie de leur journée. Inquiets de la sédentarisation des adolescents (71% des filles et 57% des garçons de 13 ans ne font pas suffisamment d’exercice pour en ressentir les bienfaits sur leur santé), les spécialistes de la santé publique pensent que l’école primaire est un endroit privilégié où les habitudes de vie des jeunes sont renforcées. Se rendre à l’école n’offre plus la possibilité d’être actif comme naguère: en 1971, 8 enfants sur 10 se rendaient à l’école à pied; 20 ans plus tard, ils ne sont plus que 9% à le faire.

Dans certains établissements, on bouge beaucoup durant le temps passé au service de garde; mais dans d’autres, le service de garde semble nuire, puisqu’il occupe l’espace qui aurait pu servir à des activités physiques parascolaires.

Tracie Barnett

Même si elle reconnait que la situation est inquiétante, Tracie Barnett insiste pour dire que son étude n’a pas pour but de dénoncer la place limitée que le système scolaire réserve à l’activité physique. «Au contraire, nous espérons sensibiliser le milieu de l’éducation à cette question. D’ailleurs, plusieurs commissions scolaires de Montréal travaillent très fort pour augmenter les occasions où les jeunes pourraient être physiquement actifs à l’école.»

Si la publication de ces résultats ne date que de quelques mois, la collecte des données remonte à plus de six ans maintenant. «C’est au moment d’implanter la réforme scolaire qu’on a voulu brosser un tableau de la situation, explique Mme Barnett, dont ce travail a constitué un chapitre de sa thèse de doctorat. La Direction de la santé publique de Montréal-Centre s’inquiétait des conséquences éventuelles d’une diminution possible du temps alloué à l’éducation physique proprement dite dans les cours.»

En effet, de 1979 à 2000, le ministère de l’Éducation du Québec recommandait une pratique hebdomadaire de 120 minutes d’activité physique. Le nouveau programme a divisé en deux cette recommandation; dans les 60 minutes hebdomadaires, un volet théorique d’éducation à la santé était ajouté. Mais en 2006-2007, le ministère amorce un autre virage: à la journée scolaire se greffent 18 minutes qu’on entend bien consacrer à l’éducation physique. Toutefois, le ministère laisse aux écoles le soin de décider si ce temps sera occupé à cette discipline ou à une autre.

Sédentarité en hausse

Pour obtenir ses données, la chercheuse a utilisé des questionnaires détaillés envoyés par des collègues de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre aux directeurs et aux professeurs d’éducation physique de 323 écoles publiques montréalaises. Quatre-vingt-huit pour cent d’entre eux ont retourné leurs réponses.

Parmi les nombreuses questions posées, certaines portaient sur le temps attribué aux cours d’éducation physique et sur le temps dévolu aux activités sportives avant et après les heures de classe. On s’est aussi penché sur les installations sportives dont les écoles disposaient. «Si une école manque de locaux, on peut supposer qu’une collaboration avec la communauté pourrait augmenter les occasions de pratiquer une activité physique, explique la chercheuse qui poursuit des études postdoctorales au Département de médecine sociale et préventive. Par exemple, l’arrondissement où l’école est située pourrait prêter à l’établissement des terrains de soccer ou des patinoires.»

Lorsqu’on leur pose la question, les parents sont aussi très nombreux à approuver une place plus grande réservée à l’activité physique. Plus de 92% d’entre eux, selon un récent sondage, appuient les initiatives des écoles pour augmenter le temps consacré aux différents sports.

Il demeure que les conclusions de cette étude font réfléchir. «L’école est le seul endroit où l’on peut joindre la presque totalité des jeunes, dit Mme Barnett. Cela ne signifie pas que les autres milieux de vie, comme la maison et le quartier de résidence, n’ont pas un rôle à jouer, mais l’école offre une chance unique d’améliorer la santé des enfants grâce à des choix judicieux afin qu’ils puissent acquérir et maintenir de saines habitudes de vie.»

Depuis quelques années, cette diplômée de l’UdeM en actuariat, qui a poursuivi des études en épidémiologie et en biostatistique à l’Université McGill avant de revenir sur le campus, s’intéresse aux effets de l’activité physique sur la santé des jeunes. Une de ses récentes contributions a porté sur le lien entre la tension artérielle et l’exercice parmi un échantillon de jeunes âgés de 13 à 16 ans. Sa conclusion: plus les adolescents prennent part à des activités physiques vigoureuses, plus leur tension artérielle est bonne. Même l’activité physique modérée apporte des bienfaits mesurables.

Voilà une autre preuve que les stratégies de contrôle et de traitement du surplus de poids chez les enfants s’avèrent primordiales. « Faire de l’exercice est une façon parmi d’autres de lutter contre l’obésité, conclut-elle. Les écoles sont des partenaires essentiels dans cette lutte, qu’il faut soutenir dans leurs efforts.»

Mathieu-Robert Sauvé

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.