Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 5 - 25 septembre 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

60 étudiants examinent la propreté à Montréal

L’Université descend dans la rue avec le professeur Éric Montpetit

Éric Montpetit innove en plongeant ses étudiants dans l’étude d’une politique publique municipale bien connue: la propreté à Montréal. Cette photo prise dans une ruelle du Plateau-Mont-Royal illustre à quel point certaines mauvaises habitudes peuvent être tenaces.

«Go pour un Montréal qui s’embellit tous les jours.» C’est le titre du document qui constituait la plateforme électorale de Gérald Tremblay aux dernières élections municipales, en 2005. Il évoquait dès ses toutes premières lignes la volonté de faire de Montréal une ville «plus propre»: «Des rues, des ruelles, des trottoirs, des avenues et des boulevards bien entretenus et en bon état», pouvait-on lire dans le document du parti victorieux.

Comme engagement, difficile d’être plus clair, a pensé Éric Montpetit, professeur au Département de science politique qui donne, depuis huit ans, le cours Analyse des politiques publiques à l’Université de Montréal et à l’École nationale d’administration publique. «Je me suis dit que mon cours allait être différent cette année, mentionne le jeune professeur que l’UdeM a embauché en 2002. J’ai fait de ma classe de 60 étudiants une immense équipe de recherche. Notre défi: produire en un trimestre un rapport d’analyse semblable à ceux qui sont commandés par les gouvernements.»

En décembre prochain, le groupe déposera donc à l’hôtel de ville de Montréal un rapport contenant un état des lieux et des recommandations quant à l’application de la politique sur la propreté à Montréal. Toutes les facettes de la question seront abordées: les graffitis, les ordures, le recyclage, le pavage des rues, la propreté dans les ruelles et dans les parcs publics, l’affichage sauvage, l’état du patrimoine architectural et même la toxicomanie. Quel lien avec la propreté? «Les problèmes sociaux comme l’itinérance ou la consommation de drogue ont des effets sur la propreté quand on trouve des seringues dans des terrains de jeu», répond M. Montpetit.

Marcel Tremblay, du comité exécutif de la Ville de Montréal, a rencontré les étudiants du professeur Éric Montpetit (à droite) le 19 septembre dans le cadre de leur cours d’analyse de politiques publiques.

L’administration Tremblay s’est montrée jusqu’à maintenant très ouverte au projet de l’Université de Montréal. Le responsable du dossier de la propreté au comité exécutif, Marcel Tremblay, est même venu présenter aux étudiants l’approche gouvernementale le 19 septembre. Il a expliqué les enjeux de cette question qui demeure, pour l’administration, «une priorité».

Collaboration précieuse

Cette collaboration est précieuse aux yeux du professeur, car elle permettra l’accès à des données pertinentes sur les us et coutumes montréalais en matière de propreté; on pourra connaitre jusqu’au nombre de poubelles que possèdent les citoyens. Et savoir qu’un rapport de cours est officiellement attendu à la mairie dans trois mois est stimulant. «Je suis parfois triste de constater que d’excellents travaux scolaires n’ont qu’un seul lecteur: le professeur, avant d’être oubliés, sinon mis au rebut. Avec ce projet, on vit dans le concret.»

Le caractère novateur du projet a obligé le professeur Montpetit à trouver des nouvelles façons d’évaluer le travail de ses «collaborateurs». Il a décidé d’accorder 25% de la note finale à la participation. Présence aux rencontres et aux discussions, réalisation d’entretiens seront discrètement jugées par le professeur et son moniteur, Jocelyn Caron, lui-même étudiant à la maitrise en science politique. De plus, la rédaction et la présentation des rapports de recherche compteront pour 30% de la note finale.

La préparation de ce cours, offert aux étudiants qui entament la deuxième année du baccalauréat, a nécessité un travail considérable de la part d’Éric Montpetit. Il a notamment arpenté les ruelles et les trottoirs avec son appareil photo afin d’illustrer des exemples concrets. «Dans le petit parc pour enfants derrière chez moi, j’ai trouvé des seringues. Et mes voisins ne se gênent pas pour jeter à la rue de vieux meubles qui trainent là pendant des semaines.» Dans sa présentation numérique figure même un gros plan sur des crottes de chien...

Mais le politologue ne blâme pas l’administration municipale pour sa difficulté à imposer une ville propre. «Les étudiants vont certainement réaliser que la propreté est un problème complexe et que les solutions ne sont pas simples, souligne-t-il. Mais quand une volonté très nette est exprimée, on a au moins un point de départ.»

Recherche et enseignement

Éric Montpetit est reconnu pour ses travaux théoriques sur les politiques environnementales et biotechnologiques. Subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, il met d’ailleurs la dernière main à un livre écrit en collaboration avec plusieurs professeurs, dont sa collègue Christine Rothmayr. Il s’agit d’une analyse des politiques de neuf pays (Canada, États-Unis, France, Angleterre, Suisse, Belgique, Allemagne, Suède et Pays-Bas) en matière d’organismes génétiquement modifiés et de génie génétique. «En un mot, il semble que les mesures mises en place en Amérique du Nord soient plus axées sur les risques liés aux produits, alors que l’Europe s’intéresse davantage aux processus.»

Pour lui, l’analyse que s’apprêtent à effectuer les étudiants-chercheurs de son cours de trois crédits est très semblable à celle qu’il a entreprise pour cette étude comparative internationale et qui a nécessité cinq ans de travail. «Quand j’ai cherché une politique publique proche de nous, représentative du travail des autorités municipales et analysable en trois mois, j’ai pensé à la propreté.»

Il n’a aucune hypothèse à défendre dans cet exercice. Mais il sait déjà que les étudiants ont ici une occasion en or de se familiariser avec le processus de recherche en sciences humaines. «On établit souvent une distinction entre recherche et enseignement. Pour moi, la première nourrit le second, et ce cours en est un bon exemple. C’est un vrai travail de pédagogie par projets.»

Rendez-vous en décembre pour la remise du rapport. En voilà un qui n’accumulera pas la poussière...

Mathieu-Robert Sauvé

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.