Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 6 - 2 octobre 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

La féminisation de la médecine se confirme. Et après?

En 40 ans, la proportion de femmes à la Faculté de médecine de l’UdeM est passée de 2 à 78%

Selon le Dr Raymond Lalande, la médecine se féminise, mais il n’y a pas lieu de s’en alarmer.

Selon les dernières données disponibles (automne 2005), les deux tiers des nouveaux étudiants (168 sur 259) sont des étudiantes. Ce rapport a fléchi un peu depuis 2001, alors que 80% des candidats admis au programme de doctorat en médecine, donnant droit au titre de docteur, étaient des femmes. «Mais il est beaucoup trop tôt pour parler d’un retour du balancier. La médecine s’est largement féminisée au Québec, et c’est une tendance qui se maintient», dit le Dr Raymond Lalande, vice-doyen aux études de premier cycle.

Pour le vice-doyen, les facultés de médecine des universités francophones du Québec ne font que témoigner, mais avec plus de vigueur qu’ailleurs, d’une réalité sociologique indéniable: la féminisation du savoir. «À part quelques domaines bien ciblés, comme le génie et l’informatique, qui sont demeurés largement masculins, et des disciplines où hommes et femmes sont également répartis, à HEC Montréal par exemple, les femmes sont majoritaires dans les universités.»

Pour lui, il n’y a pas lieu de s’inquiéter ni de favoriser une entrée des hommes au détriment des compétences. «Je serais mal à l’aise à l’idée de faire passer un homme devant une femme sous prétexte que la médecine a besoin de plus d’hommes. On ne l’a jamais fait.»

Que les médecins de demain soient majoritairement des femmes, cela ne constitue pas un drame à ses yeux, loin de là. Des études récentes ont démontré que les femmes avaient permis d’améliorer les rapports avec les patients tout en changeant de l’intérieur la façon d’exercer le métier. Comment? En permettant une meilleure conciliation de la vie de famille et de la vie professionnelle.

L’administrateur admet toutefois que certaines spécialités sont durement touchées par le manque d’hommes. «En chirurgie, par exemple, on s’en inquiète depuis plusieurs années. Pas parce que les femmes ne font pas de bonnes chirurgiennes, au contraire. Plutôt parce qu’elles sont moins nombreuses à choisir cette spécialité et qu’on manque de relève», fait-il remarquer.

Cela dit, en sciences de la santé, où l’on trouve le Département de nutrition, l’École de réadaptation et l’École d’orthophonie et d’audiologie, la proportion de femmes dépasse les 90%. C’est un secteur que les hommes n’ont jamais investi.

Procédure maintenue

En 2002, le Comité d’admission, formé de professeurs de la Faculté, a déposé son rapport sur la révision de la procédure d’admission aux études médicales à l’UdeM. Les signataires, sous la présidence de Michel Gagnon, affirmaient en introduction qu’il revenait aux universités d’élaborer et de mettre en application des «critères de sélection qui vont permettre de recruter des candidats qui possèdent les qualités intellectuelles et personnelles requises pour remplir la mission sociale qui nous est confiée». Ils proposaient de «revoir notre façon de faire».

En matière de sélection des candidats, ce rapport n’a eu aucun effet puisque la procédure n’a pas été jugée lacunaire. «Nous sélectionnons nos étudiants à partir de leur dossier scolaire, qui compte pour 50% de l’évaluation, et de deux entrevues, une individuelle et une de groupe, comptant pour les 50% restants, explique le vice-doyen. Or, les filles réussissent davantage à l’école, ce n’est un secret pour personne. Même en entrevue, elles s’en sortent mieux. Elles sont plus matures, plus motivées.»

Le Comité d’admission a examiné la possibilité de modifier les exigences auprès des cégépiens de façon à attirer un plus grand nombre de candidats masculins en abaissant la cote de rendement au collégial (cote R). «Si l’on examine la répartition hommes-femmes en fonction des cotes de rendement, on constate que, chez les 700 premiers collégiens à faire une demande d’admission, le pourcentage de femmes est toujours aussi élevé, c’est-à-dire plus de 70%, que ce soit pour les 100 premières cotes ou les 100 dernières.»

En d’autres termes, les femmes sont plus nombreuses à s’intéresser à la médecine, qu’elles soient premières de classe ou pas. Et les hommes arrivent toujours bons deuxièmes.

Le Québec en avance?

Selon le Dr Lalande, le Québec francophone est un laboratoire d’avant-garde pour ce qui est des tendances en Amérique du Nord et cela s’observe dans plusieurs professions libérales. Or, les trois universités offrant des programmes de médecine (Université de Sherbrooke, Université Laval et Université de Montréal) sont très nettement féminines. «Le Québec annonce ce qui va arriver, semble-t-il», indique le Dr Lalande.

La situation à l’Université McGill est très différente. Il y a là une proportion beaucoup plus équilibrée d’hommes et de femmes (53% de femmes). Même chose à l’Université de Toronto et dans la plupart des universités nord-américaines. «Mais les choses changent lentement. La féminisation gagne du terrain un peu partout sur le continent, à l’exception peut-être du Middle West et du centre du Canada, où les hommes sont encore majoritaires dans les facultés.»

Fait encourageant, la Faculté de médecine de l’Université de Montréal est aujourd’hui la faculté canadienne qui a accueilli le plus grand nombre de nouveaux étudiants (259). En Amérique du Nord, seulement trois la devancent à ce titre: l’Université de l’Illinois à Chicago, la Wayne State University à Detroit et l’Université de l’Indiana à Indianapolis. Mais si un rétablissement s’amorce dans les spécialités les plus féminisées, il ne se fera sentir que dans cinq ans...

D’ailleurs, le manque de candidats en chirurgie pourrait s’expliquer par cette fluctuation, note le vice-doyen. «Je pense qu’il y a eu une très mauvaise planification de l’effectif médical au Québec. Au creux de la vague, en 1998, nous n’avons admis que 135 nouveaux étudiants. Forcément, ils ont été peu nombreux à faire leur entrée dans les spécialités cinq ans plus tard.»

Mathieu-Robert Sauvé

 

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