Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 6 - 2 octobre 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Le poisson zébré plonge dans la génétique humaine

Pierre Drapeau est le seul chercheur du Québec à se pencher sur ce modèle de laboratoire

Pierre Drapeau

Le poisson zébré (Danio rerio), qui ressemble à une petite sardine, pourrait dévoiler le secret génétique entourant des maladies du système nerveux humain comme la schizophrénie et l’autisme.

Voilà le pari que fait Pierre Drapeau à propos du poisson zébré. Le nouveau directeur du Département de pathologie et biologie cellulaire vient d’obtenir avec ses collègues près de 17 M$ pour aller explorer les profondeurs des maladies neurologiques à l’aide de ce vertébré doté d’un génome étrangement semblable à celui de l’être humain.

En effet, le poisson zébré possède dans sa colonne vertébrale des fonctions motrices qui sont très proches des nôtres, comme celles du réflexe au toucher et de la nage. Cette parenté génétique permet au chercheur de tester sur le poisson zébré certaines mutations de gènes humains soupçonnés d’être responsables de maladies neurologiques. Si le gène muté humain inhibe le réflexe au toucher ou la nage chez le poisson lorsqu’il est substitué au gène du poisson, alors il est possible de conclure que la mutation humaine peut causer une maladie.

Entre ce minuscule animal et l’être humain se dresse une terra incognita que le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neuroscience explore à petits pas. «L’important, c’est que mieux on comprend le phénotype [ou comportement] du poisson zébré, plus on apprécie les subtilités des gènes humains. Nous croyons qu’il y a un défaut de transmission synaptique [entre neurones] à la base de plusieurs maladies psychiatriques. Les médicaments compensent ces défauts. Mais quelle est la nature des défauts? C’est là qu’une approche génétique avec un modèle animal pourrait nous aider», affirme-t-il.

Une vedette de laboratoire

Le poisson zébré a récemment retenu l’attention des médias lorsqu’il a mené à la découverte d’un gène de la couleur de la peau (selon le numéro de la revue Science du 16 décembre 2005). Dès 1995, l’Allemande Christiane Nusslein-Volhard gagnait le prix Nobel de médecine pour avoir mis en évidence les gènes qui président à la formation du corps humain. À l’origine de ses plus récents travaux, le Danio rerio.

Étudié par plus de 1500 chercheurs de par le monde, il jouit actuellement d’une célébrité certaine dans la communauté scientifique. Modèle de prédilection en génétique du développement, il est utilisé dans la recherche sur le cancer, les maladies cardiaques, la résistance à la douleur, l’anémie, la régénération des tissus, la formation des muscles et la toxicité des médicaments.

Unique chercheur au Québec à tâter du poisson zébré, Pierre Drapeau connait bien son protégé pour l’avoir abondamment élevé et examiné depuis une décennie. La reproduction du poisson se fait facilement dans un espace réduit, il est abondant – la femelle pond de 100 à 200 œufs par semaine – et l’œuf se développe en embryon après deux ou trois jours seulement. De plus, il possède plusieurs composantes communes à l’homme, comme le cœur et la moelle épinière.

«C’est un modèle polyvalent. Je veux trouver une façon de l’exploiter à son maximum et d’investir le champ de ses applications», ajoute Pierre Drapeau, dont le centre d’intérêt scientifique est l’élaboration du cerveau humain en une toile infinie comportant quelque 100 milliards de cellules nerveuses, chacune créant des milliers de contacts synaptiques. Ce qui l’intéresse, c’est de comprendre comment les réseaux de neurones se développent, établissent des connexions entre eux et donnent naissance à des comportements.

2000 aquariums à installer

Le biochimiste et neurophysiologiste de formation installera cet automne ses 2000 aquariums au septième étage du pavillon Roger-Gaudry. Après 20 années à l’Université McGill et avec près de 70 articles à son actif, celui qui dit être arrivé au mitan de la vie envisage la «seconde moitié» de sa carrière avec beaucoup d’enthousiasme: «Il y a une vision à l’Université de Montréal tout à fait rafraichissante. Les gens sont bien orientés, bien organisés. Ça a beaucoup compté dans ma décision de me joindre à eux.»

En reconnaissance de la pertinence de son travail, les gouvernements du Canada et du Québec ont accordé en avril dernier une subvention à un projet qu’il dirige avec le généticien Guy Rouleau, directeur du Centre d’étude des maladies du cerveau. Dans le cadre d’un programme commun Génome Canada et Génome Québec, les deux professeurs de l’UdeM ont obtenu le feu vert pour désigner et caractériser, d’ici 2010, les 10 à 20 gènes qui pourraient être responsables de la schizophrénie et de l’autisme.

La première phase de ce projet se déroulera, dès cet automne, auprès de 276 patients atteints de l’une ou l’autre de ces affections. Pierre Drapeau poursuit des recherches sur les causes génétiques de la sclérose latérale amyotrophique et de la myopathie. Il devrait communiquer ses résultats l’année prochaine sous la forme d’une série d’articles.

Kim Soo Landry
Collaboration spéciale

 

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