Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 8 - 16 octobre 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

La maladie de Crohn serait liée à une mauvaise hygiène

Cette affection prend de l’ampleur chez les enfants

 

Dans un article paru cette année en mai dans l’American Journal of Gastroenterology, l’épidémiologiste de l’UdeM Devendra Amre révèle que les risques pour un enfant d’être atteint de la maladie de Crohn augmentent en fonction du nombre d’infections contractées dès la petite enfance.

Professeur au Département de pédiatrie de la Faculté de médecine, M. Devendra a analysé 388 questionnaires distribués par moitié aux mères d’enfants ayant reçu un diagnostic de maladie de Crohn entre 1995 et 2004 et par moitié aux mères d’enfants ne souffrant pas de cette maladie. L’âge moyen des enfants était de 12 ans. Le questionnaire portait sur une foule de détails liés aux conditions de vie: disponibilité de l’eau chaude, recours aux services de garde, nombre de frères et sœurs à la maison, partage des chambres à coucher, nombre de serviettes communes dans la salle de bain.

En comparant les deux groupes, le chercheur a constaté une corrélation entre l’apparition de la maladie de Crohn et l’exposition aux mauvaises conditions d’hygiène. Les maisons dont le nombre d’occupants dépasse la moyenne, par exemple, de même que le partage des serviettes dans la salle de bain et la présence d’un animal domestique sont les principaux facteurs de risque.

«L’exposition aux facteurs d’infection semble faire augmenter le risque de la maladie de Crohn chez les enfants», conclut l’article corédigé par Philippe Lambrette, Liliane Law, Alfreda Krupoves, Virginie Chotard et Florin Costea (de l’UdeM) et quatre autres chercheurs. Selon eux, la petite enfance pourrait être particulièrement déterminante quant à la possibilité de développer la maladie.

La mémoire des mères

Le professeur Amre tient toutefois à mentionner que ces résultats sont basés sur la mémoire des mères. Or, les mères d’enfants atteints de la maladie de Crohn ont tendance à se souvenir plus distinctement des conditions de vie qui régnaient dans la maison plusieurs années auparavant que les mères d’enfants non atteints.

Cette étude marque une étape majeure dans la compréhension de la maladie de Crohn. Elle vient contredire l’«hypothèse hygiénique», selon laquelle une exposition répétée aux infections garantirait une meilleure protection immunitaire contre cette affection plus tard dans la vie.

«Si l’on fait exception de deux ou trois études, la plupart des enquêtes, dont la nôtre, ne soutiennent pas l’hypothèse hygiénique», signale le chercheur. Toutefois, l’hypothèse hygiénique pourrait expliquer pourquoi certains enfants de pays densément peuplés, dont les conditions sanitaires sont exécrables, souffrent très peu de la maladie de Crohn.

Le professeur Amre explique qu’en observant l’exposition précoce aux infections on en apprend beaucoup sur cette maladie. Le corps, habituellement apte à repousser les bactéries et micro-organismes qui assiègent l’intestin, s’avère incapable de le faire chez les personnes aux prises avec cette affection. S’ensuivent une inflammation de l’intestin et l’apparition de divers symptômes.

Chez les enfants, les conséquences de la maladie de Crohn peuvent être dévastatrices. La moitié des malades doivent subir une chirurgie qui peut aller jusqu’à l’ablation de segments de l’intestin. Ils ressentent des douleurs parfois très intenses à l’abdomen, souffrent de diarrhée chronique et de fièvre, et perdent du poids. Des complications peuvent survenir chez plusieurs enfants avant même que la maladie soit diagnostiquée.

Selon le professeur Amre, il est urgent d’accélérer la recherche sur cette affection, car elle prend de l’ampleur dans la population pédiatrique. Il y a une génération, estime-t-il, seulement 25 % des cas de maladie de Crohn étaient des enfants. Aujourd’hui, on en compte presque un sur deux.

Devendra Amre, rattaché au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, se réjouit de savoir que son étude va permettre d’en apprendre davantage sur la maladie de Crohn. «C’est l’une des maladies infantiles que l’on connait le moins, dit-il. Qu’est-ce qui la cause? Comment la traite-t-on? Comment peut-on la prévenir? Les recherches doivent conduire à des réponses.»

Philip Fine
Collaboration spéciale

Traduit de l’anglais par Mathieu-Robert Sauvé

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.