Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 8 - 16 octobre 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les inhalateurs contre l’asthme pourraient causer la carie

Régis Blais lance une vaste étude épidémiologique sur la question

Il est possible que les inhalateurs ralentissent l’écoulement de la salive, qui constitue un nettoyeur naturel très efficace des dents.

Les enfants asthmatiques qui utilisent des inhalateurs (Ventolin, Flovent et autres) pourraient courir 62% plus de risques que les autres enfants d’avoir des caries avant l’âge de sept ans. C’est la conclusion d’une étude menée au Danemark en 2004. Mais l’échantillon ne comptait qu’une centaine d’enfants, ce qui rend les conclusions de la recherche difficiles à accepter sur le plan épidémiologique.

«Plusieurs études ont été effectuées aux États-Unis et en Europe sur la question et elles présentent toutes des problèmes de méthodologie, fait remarquer Régis Blais, professeur au Département d’administration de la santé et chercheur au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS). Nous voulons cette fois en avoir le cœur net.»

Responsable de la plus vaste étude entreprise à ce jour sur les liens entre les inhalateurs antiasthmatiques et la carie chez les enfants, le professeur Blais a pu accéder à des données concernant plusieurs milliers d’enfants asthmatiques âgés de zéro à neuf ans. À partir des dossiers médicaux de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), le chercheur pourra évaluer le lien entre la carie et l’utilisation des médicaments antiasthmatiques en aérosol. Il prévoit obtenir ses résultats avant la fin de la présente année.

C’est la nature publique du système de santé du Québec qui permet une telle collecte de données, grâce auxquelles Régis Blais étudiera en même temps les médicaments vendus sur ordonnance dans le cadre du régime public d’assurance médicaments et les services dentaires gratuits assurés par la RAMQ. «Comme les visites chez le dentiste sont payées à cent pour cent par l’État pour les enfants de zéro à neuf ans, nous pouvons nous pencher sur les dossiers de milliers d’enfants qui ont profité du service. Couplées avec les données médicales sur l’asthme, ces statistiques s’avèrent très prometteuses.»

Régis Blais

L’étude ne commandera aucun examen dentaire ou médical puisqu’elle s’appuie sur des données déjà recueillies: le nom du médicament, la posologie, l’âge des patients, la période de traitement, etc. L’équipe de chercheurs, rattachée au GRIS, comprend le dentiste épidémiologiste Jean-Marc Brodeur, la professeure de pharmacie Claudine Laurier, la statisticienne Karen Leffondré et le dentiste chercheur Christophe Bedos, de l’Université McGill.

Pourquoi?

Le lien entre l’usage des médicaments en aérosol et la carie pourrait s’expliquer par trois facteurs. Premièrement, il est possible que les Ventolin, Flovent et autres ralentissent l’écoulement de la salive chez les utilisateurs réguliers de ces produits. Or, la salive est un nettoyeur naturel très efficace des dents.

Deuxièmement, des études pharmaceutiques ont permis d’observer que le pH de la bouche était parfois modifié par ces médicaments, ce qui a pour effet de modifier également le taux d’acidité de la salive et par conséquent d’influer sur la carie.

Enfin, la poudre sèche qui permet de transporter le médicament dans les poumons (par exemple pour le fluticasone) contient du lactose, substance qui pourrait nuire à la bonne santé des dents. «Ce ne sont là que des hypothèses, précise le chercheur. Notre étude ne vise pas à confirmer le mécanisme de cette hausse de la carie, si elle s’avère fondée.»

Les conclusions de l’équipe de chercheurs pourraient permettre de mieux cibler les campagnes de promotion de la santé dentaire. «Si l’on met au jour une corrélation positive, il faudra peut-être suggérer aux compagnies pharmaceutiques de concevoir un nouveau composé sans lactose pour transporter le médicament», lance Régis Blais. On pourrait aussi recommander que les jeunes asthmatiques fassent l’objet d’un suivi dentaire plus étroit ou qu’ils adoptent des pratiques d’hygiène buccale particulières afin de prévenir le développement des caries.

De façon générale, la santé dentaire des enfants s’améliore depuis 30 ans puisque le taux de caries ne cesse de diminuer. Comme Jean-Marc Brodeur le rappelait à Forum l’an passé (3 octobre 2005), les adolescents avaient neuf dents cariées à l’âge de 14 ans en 1977. Ils n’en avaient plus que trois en 1997. Cette baisse est attribuable à différents facteurs, dont l’ajout de fluor dans les dentifrices. «Mais c’est certainement la gratuité des soins dentaires pour les enfants qui a eu la plus grande incidence sur la diminution du nombre d’extractions dentaires», indiquait-il.

Mathieu-Robert Sauvé

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