Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 9 - 30 octobre 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Kyoto: les engagements du Canada étaient irréalistes

Les changements climatiques risquent d’affecter la santé humaine, explique le biologiste Claude Villeneuve

Claude Villeneuve

Sans vouloir donner des munitions au gouvernement Harper, qui reporte aux calendes grecques la réduction des gaz à effet de serre (GES), le biologiste Claude Villeneuve a reconnu que les engagements du Canada pris dans le cadre des accords de Kyoto étaient irréalistes.

«Les objectifs fixés étaient impossibles à atteindre avec le plan du gouvernement Chrétien; les choses seront encore pires s’il n’y a pas de plan, a-t-il déclaré. Le Canada s’est tiré dans le pied et la solution n’est pas pour demain.»
Professeur au Département de sciences fondamentales de l’Université du Québec à Chicoutimi et directeur de la Chaire Éco-Conseil, Claude Villeneuve était l’invité du comité paritaire SGPUM-UdeM en santé et sécurité au travail le 12 octobre. Sa conférence, portant sur l’adaptation humaine aux changements climatiques, s’inscrivait également parmi les activités du 60e anniversaire du Département de santé environnementale et santé au travail de la Faculté de médecine.

Objectif: embêter le suivant
Selon les accords de Kyoto, le Canada devrait diminuer ses émissions de GES de 240 millions de tonnes par année à compter de 2008. Depuis cet engagement, pris en 2003, le Canada a plutôt augmenté ses émissions de quatre pour cent. Si la tendance se maintient, c’est de 300 millions de tonnes qu’il faudra réduire nos émissions annuelles dans moins de un an et demi, estime Claude Villeneuve, ce qui représente 10 tonnes par personne chaque année. «C’est comme si quelqu’un voulait maigrir de 30 livres en 24 heures», déclare-t-il.
Le chercheur avait déjà effectué le calcul qu’un tel objectif était inatteignable dans son volume Vivre les changements climatiques: quoi de neuf? (MultiMondes, 2005), une analyse qui vient d’être confirmée par la commissaire au développement durable du Bureau du vérificateur général du Canada.

«Le Canada avait procédé à une analyse sommaire de la situation en s’alignant sur les objectifs des États-Unis et en misant sur le fait que les accords de Kyoto ne seraient pas ratifiés, a affirmé le professeur en entrevue. Le gouvernement Chrétien cherchait à embêter Paul Martin; c’est aussi bête et méchant que ça!»

 

image Kyoto

La pollution industrielle compte pour beaucoup dans le bilan global.

Entretemps, les États-Unis se sont retirés des accords et le Canada fait du surplace. Selon Claude Villeneuve, le protocole de Kyoto est devenu un nouveau jeu international permettant d’intégrer le cout des GES à l’économie mondiale. Les suites de Kyoto ne lui semblent pas plus prometteuses. La seule retombée de la conférence de Montréal est la tenue de quatre autres conférences mais où aucun engagement n’est prévu.

Quoi qu’il arrive, il est trop tard pour empêcher le réchauffement climatique et il faut donc se préparer à vivre avec ses conséquences. Dans le meilleur des scénarios, l’impact des GES se fera sentir pendant les 100 prochaines années.

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Bien au contraire, l’écologiste cherche plutôt à sonner l’alarme pour que tous prennent conscience de l’urgence d’adopter des mesures de développement durable et une gestion responsable des ressources. Ceci est l’affaire à la fois des gouvernements, des municipalités, des industries et des individus. «Nous devons modifier nos comportements de consommation et nos modes de production», insiste-t-il.
L’objectif de 2054 reste pour lui un impératif. À cette date, il faudra avoir réduit à l’échelle planétaire les GES de 25 milliards de tonnes par année par rapport aux émissions de 1990 pour limiter à 2 °C la hausse moyenne des températures.

Effets sur la santé
Cette augmentation ne sera pas sans conséquence puisque le réchauffement actuel de 0,75° a déjà des répercussions négatives. Ces répercussions ne se feront pas sentir uniquement sur les glaciers et les océans, elles menacent aussi la santé humaine.

Les évènements climatiques extrêmes, qui s’aggravent plus rapidement que prévu, ont en effet des incidences directes sur la vie humaine; la canicule qui a fait des milliers de morts en France à l’été 2003 et le nombre record d’ouragans en 2005 n’en sont que les deux exemples les plus frappants. La pollution de l’air est quant à elle un facteur de maladie respiratoire comme l’asthme, sans parler des cancers.

Les inondations contaminent les sources d’eau potable, entrainant diverses maladies comme le choléra, les infections à E. coli, le paludisme ou l’encéphalite virale. À l’autre extrémité du spectre, les sècheresses nuiront aux récoltes, ce qui risque de causer des famines. Ces bouleversements s’accompagnent de migrations forcées qui vont de pair avec l’apparition de la diarrhée, la malnutrition, le surpeuplement et les conflits sociaux.

Selon Claude Villeneuve, ces dangers guettent surtout les populations des zones côtières, des zones semi-arides et des zones urbaines défavorisées. Les groupes les plus à risque sont les enfants, les personnes âgées et les personnes atteintes de troubles respiratoires.
Le Québec n’est pas à l’abri non plus de ces dangers. Dans le nord, les risques d’accidents liés au verglas ou aux cours d’eau dégelés en hiver seront plus grands, ainsi que les risques de maladies hydriques causées par les inondations. Au centre et au sud, il faudra craindre les coups de chaleur, le smog et les insectes piqueurs. «En 2010, la malaria sera rendue à la latitude de New York», affirme le biologiste.

Sa plus grande inquiétude demeure toutefois l’inertie d’un système économique fondé sur la combustion fossile et qui refuse de changer. Son espoir: la capacité d’adaptation de l’être humain, qui saura modifier sa façon de penser. «Un problème engendré par l’humanité ne peut être résolu que par l’humanité», conclut-il en citant Pierre Dansereau.

Daniel Baril

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