Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 12 - 20 NOVEMBRE 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

À quoi s’attendre avec les nouveaux bulletins?

Dans les écoles du Québec, la première étape est maintenant terminée et les parents attendent le bulletin remodelé avec impatience





Trois époques, trois bulletins. En haut, un bulletin datant des années 60 avec pourcentages, moyennes de groupe et positionnement dans la classe. Au centre, le bulletin de la réforme depuis 2000 dans les écoles primaires de la Commission scolaire de Montréal, comprenant une liste de 38 éléments à évaluer, dont les fameuses «compétences transversales». Au bas, un bulletin « réformé » utilisé à la Commission scolaire des Affluents à la suite d’une recherche-action auprès des parents et des enseignants. Pas de trace, ici, des compétences transversales. Mais ce bulletin compte une dizaine de pages...

Les parents du Québec recevront dans les prochains jours la nouvelle mouture du bulletin au primaire, rendue à la demande du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport par un comité spécial de la Table de pilotage du renouveau pédagogique. Ce bulletin reformule plusieurs critères d’évaluation et gagne en volume puisqu’il fait maintenant une dizaine de pages. À quoi faut-il s’attendre avec ce nouveau bulletin? Plusieurs ont déjà émis des réserves. Marie-Andrée Chouinard, dans Le Devoir, mentionne que «certaines confusions demeurent» alors que Michèle Ouimet, dans La Presse, qualifie de «surréalistes» les nuances qu’on a voulu apporter au nouvel outil d’évaluation. De plus, l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal déplore le langage utilisé, qui ne rend pas le bulletin plus intelligible pour les parents. «Une tempête dans un verre d’eau, commente Jean-Guy Blais, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation. Une des critiques les plus souvent formulées concerne la disparition des pourcentages. A-t-on besoin de pourcentages à l’université? Non et c’est très bien comme ça! En outre, il vaut mieux juger des compétences plutôt que des connaissances.»

Le bulletin de troisième année de M. Blais, à l’école de La Vérendrye, en 1962, tenait sur une page et comptait quatre disciplines: religion, français, mathématiques et «autres matières». Chaque mois dès le 15 octobre, deux notes étaient inscrites sur chaque ligne: le résultat net (sur 50 pour le français, sur 20 pour les mathématiques et la religion, et sur 10 pour les autres matières) et un pourcentage. Au bout de chaque ligne, on retrouvait la position de l’élève par rapport au groupe.

Au printemps 2006, le bulletin d’un élève de troisième année tient toujours sur une feuille, mais on a remplacé les pourcentages par des lettres et éliminé le rang de l’élève relativement au groupe. Ce bulletin compte 38 éléments, qui vont de «Exploiter l’information» (sous la compétence transversale nommée «Ordre intellectuel») à «Votre enfant respecte les règles de vie établies par l’école ou la classe» (sous la rubrique «Comportement»). Le comportement reçoit une évaluation à chaque bulletin mais pas les matières: le nombre d’éléments évalués passe de 3 (période 1) à 7 (période 2) puis à 18 (période 2). «C’est beaucoup mieux maintenant, indique M. Blais. Qu’est-ce que ça veut dire, pour un enfant de huit ans, 82,4% en français? Cela n’a pas de sens. Et puis pourquoi souligner le rang dans le groupe? Qui cela sert-il?»

Un nouveau bulletin en cinq ans
Sa collègue Micheline-Johanne Durand, professeure au Département d’administration et fondements de l’éducation, croit elle aussi que les bulletins issus du renouveau pédagogique sont plus satisfaisants que ceux des années 60. Ils donnent des renseignements plus précis sur le cheminement de l’enfant, notamment. Mais elle partage avec un bon nombre de parents et d’enseignants des réserves quant au libellé de certains éléments. «C’est un musée des horreurs, lance-t-elle. Le bulletin est confus, difficile à comprendre pour les parents comme pour les enseignants.»

En 2001, Mme Durand a été invitée à participer à un travail de réflexion qui donne aujourd’hui ses fruits. La Commission scolaire des Affluents lui a confié le mandat de récrire un bulletin qui conviendrait aux parents, sans renoncer à l’esprit de la réforme. Elle a réuni une douzaine d’enseignants du premier cycle qui l’ont aidée à reformuler le bulletin. Dès le mois de septembre 2002, une première ébauche a été mise en application. On a procédé à des corrections à la fin de l’année et une deuxième version a été présentée l’année suivante. Des enseignants des deuxième et troisième cycles ont poursuivi la démarche et, en 2006-2007, une version définitive était proposée et acceptée dans l’ensemble des 52 écoles, aux trois cycles du primaire.

Plutôt volumineux lui aussi, le bulletin réformé ne présente nulle part les «compétences transversales» tant décriées. Pourquoi? «Le ministère laissait le choix de les évaluer ou pas jusqu’en 2007. Nous avons choisi d’attendre et de les travailler en classe.»

Une consultation auprès des parents a révélé que plus de 80% d’entre eux se disaient capables de comprendre ce nouveau bulletin et étaient satisfaits du portfolio et de la rencontre tripartite. Mais plusieurs ont tout de même fait savoir, dans l’espace réservé aux commentaires, qu’ils auraient préféré un bulletin avec des pourcentages et le classement des élèves par rapport au groupe... «Malgré tous les efforts déployés pour chasser cette idée de classement du meilleur au plus faible, les parents continuent d’exprimer le besoin de la comparaison sociale. Il faut savoir que ce sont surtout les parents d’enfants forts qui l’expriment.»

Parmi les problèmes qui subsistent, la question de l’uniformité des bulletins est sérieuse. En principe, il pourrait y avoir autant de bulletins qu’il y a d’écoles. Mme Durand est sensible à cette question. Si elle était ministre de l’Éducation demain matin, elle tenterait de promouvoir un bulletin uniforme à l’échelle du Québec. Imposerait-elle le «bulletin Durand»? «Cela prendrait un bulletin validé et qui a fait l’objet d’un consensus. Celui auquel nous avons travaillé répond à ces conditions. Mais il y en a d’autres. Il faudrait les étudier, les comparer et en choisir un.»

Un processus qui pourrait s’étendre sur quelques mois à peine mais qui, malheureusement, n’est pas dans les plans du ministre.

 

Mathieu-Robert Sauvé

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