Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 12 - 20 NOVEMBRE 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

saviez-vous que...?

Il y a 10 ans encore, l’étude du corps humain se faisait sur des cadavres

Il était en effet difficile de faire autrement, direz-vous, jusqu’à ce que les ordinateurs permettent un accès virtuel à l’intérieur du corps humain. Il est néanmoins curieux d’apprendre comment, en 1959, les étudiants se familiarisaient avec celui-ci, grâce au concours des morts.

Contrairement à ce qui est représenté sur cette photo, le cadavre était habituellement donné à un groupe de quatre étudiants.

Ce recours aux cadavres se faisait toutefois dans le plus grand respect des dépouilles. L’Université avait recours à des cadavres d’adultes «morts de mort naturelle, sans infirmité, bref de beaux spécimens». Les 70 cadavres nécessaires à la formation des médecins, dentistes et optométristes étaient fournis par le ministère de la Santé, qui affectait un «inspecteur d’anatomie» à la distribution des corps dans toutes les universités où la médecine était enseignée. La plupart du temps, les cadavres provenaient des hospices ou des hôpitaux. Ainsi, lorsqu’une personne décédait et que son corps n’était pas réclamé, l’inspecteur d’anatomie en était averti. Celui-ci communiquait avec la Coopérative des frais funéraires, qui s’occupait d’aller chercher le corps et de le transporter, dans les 48 heures, à l’université qui en avait fait la demande.

Dans le cas de l’Université de Montréal, c’est M. Paré qui se chargeait des cadavres, qui perdaient leur nom pour se voir attribuer un numéro. Travaillant à la Faculté de médecine pendant plus de 20 ans, M. Paré était le grand responsable de la répartition des cadavres mais aussi de différents organes pour les facultés de médecine, de «chirurgie dentaire», comme on disait à l’époque, et d’optométrie.

Il avait aussi la responsabilité de «préparer» les corps afin d’en permettre l’étude. Chaque cadavre «reçoit une première injection d’ingrédients […] puis une seconde, colorante, pour le système circulatoire, qui permettra plus tard de différencier les veines des artères. La tête, les pieds et les mains sont enveloppés dans un linge blanc enduit de vaseline pour les empêcher de sécher. On les dispose par 4 et 5 dans des coffres hermétiques où ils sont fumigés d’alcool durant un an, un procédé de conservation complet», racontait-il à une journaliste du Quartier latin en novembre 1959.

Au bout de cette année de fumigation, les corps étaient distribués aux étudiants, qui venaient «choisir» leur cadavre. Un corps était ainsi donné à un groupe de quatre étudiants. L’un deux devait aller chercher la dépouille qui accompagnerait le groupe pendant une partie de ses études. Les étudiants que le sort désignait devaient donc s’armer de courage pour affronter l’atmosphère lourde de la «chambre des tombeaux». Il leur fallait quelques minutes pour s’acclimater à «l’odeur très forte de la fumigation d’alcool qui leur [sautait] à la tête, les [faisait] pleurer des yeux, mais aussi [pour s’habituer au] spectacle qui même lorsque l’on s’y attend est susceptible de troubler».

Une fois sélectionnés, les «spécimens» étaient recouverts d’une toile et transportés dans un wagon-civière pouvant contenir cinq cadavres. «C’est un transport qui s’opère avec beaucoup de discrétion, généralement à l’heure du lunch (que les délégués ne se sentent généralement pas disposés à prendre), pendant que tous les étudiants sont occupés ailleurs et laissent libres les couloirs.»

Pour bien marquer le respect dû à ceux qui offraient ainsi, bien involontairement, leur corps à la science, une messe de requiem était célébrée «à l’intention des morts qui reposent là au service des vivants», avant que toute opération soit effectuée. Lorsque les corps cessaient d’être utiles, ils étaient enfouis en «terre sainte», soit un terrain qui avait été consacré par un prêtre. Pour se conformer aux exigences de la religion catholique, on s’assurait que «tous les morceaux du mort disséqués [étaient] conservés» pour être ainsi enterrés. Dans les universités protestantes, les «morceaux de cadavres [étaient] incinérés».

Aujourd’hui, l’ordinateur a remplacé les dépouilles, mettant ainsi un terme à une pratique séculaire, probablement au grand plaisir des étudiants.

Sources:
Division des archives, Université de Montréal. Fonds de l’Association générale des étudiants de l’Université de Montréal (P0033). Le Quartier latin.
Division des archives, Université de Montréal. Fonds Collection de pièces diverses (P0123).

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.