Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 13 - 27 NOVEMBRE 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Le trouble de l’attention conduirait au tabagisme

Une étudiante en psychoéducation explore le lien tabac-TDAH

Les effets de la nicotine seraient particulièrement recherchés par les jeunes ayant eu, dans leur enfance, un déficit d’attention.

Les enfants atteints de troubles de l’attention sont plus nombreux à fumer la cigarette lorsqu’ils parviennent à l’âge adulte.

Voilà l’hypothèse qu’entend démontrer Kim Archambault dans sa recherche de maitrise effectuée à l’École de psychoéducation sous la direction de Paul Gendreau. «Selon la littérature scientifique, il y a un lien établi entre le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité, qu’on appelle TDAH, et le tabagisme, indique-t-elle. Moi, je veux préciser les connaissances dans le domaine et voir si c’est l’inattention qui est principalement en cause.» C’est à l’adolescence que la quasi-totalité des fumeurs éventuels s’initient au tabac, disent des études sur la question. Or, la désignation des facteurs de prédisposition au tabagisme est encore lacunaire et c’est là que le travail de Kim Archambault pourrait s’avérer utile.

L’étudiante analyse actuellement une banque de données réunissant les caractéristiques de centaines d’élèves d’écoles montréalaises qui avaient 6 ans en 1984 et qui ont été interviewés de nouveau en 2000, à l’âge de 22 ans. Son analyse n’est pas terminée, mais les résultats préliminaires vont dans le sens de son hypothèse. «Le trouble de l’attention prédisposerait au tabagisme», mentionne-t-elle au cours d’une entrevue à Forum.

«L’étude longitudinale et expérimentale de Montréal», dans laquelle elle puise ses données, regroupe des renseignements détaillés sur 1100 garçons de six ans nés au Canada, d’expression française, fréquentant 53 écoles de milieux défavorisés de Montréal. Cette étude ne comprend pas de diagnostics officiels de TDAH, mais les répondants manifestent certains comportements qui correspondent à ce trouble. Par exemple, ils ont du mal à se concentrer à l’école, ne peuvent maintenir longtemps leur attention sur une même chose, sont facilement distraits... Les mêmes répondants ont été revus à l’âge de 15 puis de 22 ans.

Dans les travaux de Kim Archambault, la cohorte adulte compte 664 sujets. De ce nombre, la moitié ne fument pas et 6 % fument occasionnellement. Pour 44 % d’entre eux, la cigarette est donc une habitude quotidienne.

Tabagisme et santé mentale
Ce haut taux de tabagisme pourrait s’expliquer de la façon suivante selon la littérature scientifique consultée: la nicotine est reconnue pour ses effets stimulants sur le système nerveux central, effets qui pourraient être particulièrement recherchés par les individus souffrant d’un déficit d’attention.

Si ce phénomène étonne, il faut savoir que le tabagisme a souvent des liens avec la santé mentale. Selon le World Health Report de 2001, la dépendance à la nicotine est deux à trois fois plus élevée chez les gens aux prises avec un problème de santé mentale que dans la population en général. Les individus qui éprouvent des problèmes psychiatriques consommeraient près de la moitié de toutes les cigarettes des États-Unis.

Chez les adolescents, la cigarette est associée à une fréquence accrue de divers problèmes comme la consommation de drogue et d’alcool, les troubles du comportement et les symptômes anxieux et dépressifs.

Kim Archambault tente d’établir un lien entre le déficit d’attention à la maternelle et le tabagisme à l’âge adulte.

Le projet de Kim Archambault, qui travaille depuis plusieurs années auprès de jeunes dans des colonies de vacances spécialisées et des centres jeunesse, a pour but de montrer que l’inattention mène au tabagisme par des mécanismes sociaux. Selon elle, les pairs auraient de l’influence en matière de tabagisme. En d’autres termes, les enfants qui vivent des difficultés scolaires peuvent avoir tendance à se lier d’amitié avec des enfants qui connaissent les mêmes problèmes, ce qui les amènerait à adopter des comportements moins bien adaptés. La cigarette serait une des habitudes prises au passage.

Boursière du CRSH
À 24 ans, Kim Archambault a déjà un parcours impressionnant. Cette passionnée de l’enfance en difficulté travaille depuis 10 ans auprès des jeunes de 4 à 12 ans et des adolescents. Elle a fait des stages au Centre jeunesse de Montréal et au Centre jeunesse de la Montérégie, et poursuit actuellement son stage de maitrise à l’unité pédopsychiatrique du CHU Sainte-Justine. Au cours d’un voyage d’études en France, elle a passé plusieurs semaines comme intervenante dans un centre d’hébergement pour enfants en difficulté de la région de Lyon. «C’est parfois difficile de travailler auprès des enfants qui souffrent de carences affectives, souligne- t-elle. Certains sont apathiques alors que d’autres monopolisent toute votre attention. Il faut savoir doser ses interventions.»

Durant ses études de baccalauréat en sciences à l’Université McGill, Kim Archambault a suivi des cours de physiologie, psychiatrie, pharmacologie et psychologie. Elle a ensuite bifurqué vers la psychoéducation, une discipline propre au Québec puisqu’on ne la retrouve ni en Europe ni aux États-Unis. «Le psychoéducateur est différent du psychologue en ce sens qu’il ne reçoit pas les gens dans un cabinet. Il va vers eux pour intervenir directement sur le terrain. Il est dans la vraie vie.»

Depuis quelques années, l’ordre professionnel exige une maitrise des nouveaux psycho- éducateurs. Kim Archambault a profité de l’occasion pour plonger dans le monde de la recherche. «J’ai toujours été allumée par l’intervention, mais la recherche m’intéressait aussi. Il me semble que l’un et l’autre font vraiment la force des programmes combinés tel que celui que j’ai choisi d’entreprendre.»

Kim Archambault a touché une subvention de 17 500 $ du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour la première année de sa scolarité de maitrise.

Mathieu-Robert Sauvé

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