Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 13 - 27 NOVEMBRE 2006
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Religion et politique: les Québécois sont toujours plus à gauche

Le rapport entre religion et valeurs politiques de droite est de nouveau confirmé

Kristoff Talin

Il est bien établi que plus on est religieux, plus on a tendance à épouser des valeurs conservatrices sur l’axe politique gauche-droite. Ce lien vient de nouveau d’être confirmé dans une analyse de Kristoff Talin, chercheur invité au Département de science politique, qui révèle plusieurs nouvelles facettes des rapports entre la religion et la politique.

La recherche, effectuée à partir de données d’enquêtes sociologiques menées en Europe et en Amérique du Nord, vient d’être publiée aux Presses de l’Université Laval sous le titre Valeurs religieuses et univers politique. On y trouve notamment plusieurs comparaisons entre le Québec et le reste du Canada.

Différences entre le Québec et le Canada
Sur la scène canadienne, Kristoff Talin remarque une césure nette entre le Québec et les autres provinces. Si les Québécois ont la réputation d’être plus à gauche que les Canadiens, l’écart s’observe et se maintient même à travers le prisme de la religion.

Ainsi, 26 % des catholiques canadiens sont de droite, contre 21 % des catholiques québécois. À l’autre extrémité du spectre, seulement 13 % des catholiques canadiens sont de gauche, contre 23 % des catholiques québécois. La démarcation entre gauche et droite est établie à partir d’une échelle mesurant une dizaine de valeurs sociales, doublée d’un recoupement avec les intentions de vote.

L’écart entre la gauche et la droite au Québec et au Canada est encore plus marqué du côté des protestants: 17 % des Québécois protestants sont de droite alors que la proportion grimpe à 33 % ailleurs au Canada; 31 % s’affichent à gauche au Québec contre 12 % au Canada.

Au Québec, c’est toutefois dans le groupe des «sans-religion» que la démarcation est la plus forte: 8 % seulement des sans- religion manifestent des opinions de droite tandis que 49 % s’affichent à gauche. Dans le reste du Canada, l’écart dans ce sous- groupe n’est que de 5 % entre la gauche et la droite avec des taux respectifs de 28 % et de 23 %.

Deux constats résument ces chiffres: au Québec, le groupe le plus à droite est celui des catholiques (21 %) alors que, ailleurs au pays, c’est celui des protestants (33 %) ; à l’extérieur du Québec, le groupe le moins à droite – c’est-à-dire les sans-religion, avec 23 %– est encore plus à droite que le groupe le plus à droite au Québec, soit les catholiques.
«Dans un même groupe religieux, les Canadiens vivant en dehors du Québec sont toujours plus à droite que les Québécois», dit Kristoff Talin.

Le fait qu’à l’échelon canadien les catholiques apparaissent moins à droite que les protestants peut être lié à leur situation minoritaire. «S’affirmer catholique dans un contexte où la religion protestante domine, c’est affirmer des choix personnels et éthiques différents de ceux de la majorité. C’est faire preuve de moins de conservatisme politique», écrit le chercheur.

Toutes religions confondues, plus on accorde d’importance à la religion, plus on a tendance à voter à droite. Les données de 2000 sur le vote reconstitué montrent que 33 % de ceux qui considèrent la religion comme très importante se rangeaient derrière l’Alliance canadienne (avant la fusion avec le Parti conservateur) tandis que seulement 7 % accordaient leur préférence au NPD.

Le facteur linguistique joue sans doute un rôle dans ces résultats, mais la faiblesse de l’échantillon n’a pas permis au chercheur de faire tous les recoupements nécessaires entre langue, religion et orientation politique.

Souveraineté du Québec
Kristoff Talin a également fait des recoupements entre la religion et les positions quant à l’indépendance du Québec. Ce sont les sans-religion qui sont les plus favorables à cette option (60 %), suivis des catholiques (41 %) et des protestants (4 %). La langue maternelle a manifestement ici un effet.

Étant donné le clivage linguistique entre protestants d’une part et catholiques et sans-religion d’autre part, le chercheur soutient que «la différence de 19 % entre catholiques et sans-religion trouve son explication dans les normes politiques plus conservatrices véhiculées par l’Église catholique».

Par ailleurs, quelle que soit la religion d’appartenance, plus on accorde d’importance à cette dimension, moins on est favorable à la souveraineté. Seulement 23 % de ceux qui estiment la religion très importante sont souverainistes contre 52 % chez ceux qui n’y accordent que peu ou pas d’importance.

Selon M. Talin, le Québec est l’un des rares endroits dans le monde où l’on peut observer le rapport entre la religion et la conception d’un pays. Selon lui, un certain paradoxe existe dans le fait que plus la religion catholique est intégrée à la vie, moins on est en faveur de la souveraineté puisque le catholicisme a été historiquement un facteur de préservation du fait français. «On aurait pu s’attendre à une plus grande proximité des catholiques avec les thèses souverainistes, mentionne-t-il. Or, il n’en est rien. Cela témoigne de l’attachement des catholiques aux positions politiques traditionnellement conservatrices de l’Église catholique.»

Différences intersexes
D’autres travaux de Kristoff Talin ont par ailleurs confirmé la différence entre hommes et femmes relativement à l’importance accordée à la religion. «Les femmes expriment une religiosité plus forte que les hommes et cela persiste même à statut professionnel égal et à salaire égal», souligne-t-il.

Le chercheur reconnait que les approches sociologiques traditionnelles expliquant la religion par le critère de la rationalité sont impuissantes à faire la lumière sur cet écart. «La différence est peut-être due à des traits psychologiques liés à la maternité», avance-t-il. Une explication qui rejoint celle de la psychologie évolutionniste.

Par contre, les données sur l’orientation politique démontrent étonnamment que les femmes sont plus à gauche que les hommes. Dans l’ensemble du Canada, 21 % des femmes se disent à gauche contre 16 % des hommes. Cela se reflète moins dans la vie politique parce que les femmes se montrent moins intéressées que les hommes par la politique. Une différence persistante pouvant elle aussi être expliquée par la psychologie des sexes.

Daniel Baril

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