Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 16 - 15 JANVIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les technologies médicales à domicile connaissent des ratés

Souvent, les patients doivent, à domicile, recourir à des technologies qu’ils ne maitrisent pas. Et c’est un problème.

La technologie permet parfois aux patients de regagner plus rapidement leur domicile après une hospitalisation. Mais souvent, les patients, voire les professionnels qui viennent chez eux, ne sont pas aptes à utiliser ces appareils.

«Je ne connais rien à propos des ordinateurs. Je n’ai même pas Internet. Au début, ça avait l’air tellement compliqué d’utiliser la pompe programmable pour l’antibiothérapie, et c’est pire quand on est malade et fragile.»

Ce témoignage d’un patient qui reçoit des soins à la maison, recueilli pour une recherche dirigée par Pascale Lehoux, professeure au Département d’administration de la santé, rappelle une réalité connue. Le virage ambulatoire, qui amène surtout les femmes à prendre soin d’un conjoint ou d’un parent âgé à la suite d’une hospitalisation, contraint aussi les patients à effectuer des tâches auxquelles ils ne sont pas forcément préparés. Et la technologie y occupe une place importante.

Ainsi, à l’heure actuelle, près de 98 % des organismes qui offrent des soins primaires au Québec ont recours aux pompes programmables pour fournir par intraveineuse des antibiotiques à la maison et 84 % offrent l’oxygénothérapie, révèle la professeure Lehoux.

«L’utilisation de plus en plus fréquente de la technologie pour prodiguer des soins à domicile signifie que des gens avec des bagages de compétences techniques et des niveaux d’éducation variables vont devenir des utilisateurs directs des technologies médicales, dit-elle. Or, ces technologies sont souvent conçues pour être utilisées à l’hôpital, par le personnel clinique, et l’efficacité et la sécurité des soins à domicile n’ont pas encore fait l’objet d’études rigoureuses.»

C’est pour tenter de remédier à ce problème que la spécialiste en évaluation des technologies de la santé a entrepris une recherche sur les conséquences de l’utilisation de technologies médicales à l’extérieur du milieu hospitalier sur la vie personnelle et sociale des patients. «L’objectif était de mieux comprendre les facteurs qui rendent les technologies plus ou moins accessibles aux personnes qui reçoivent des soins à la maison», précise la chercheuse. Les résultats, publiés dans le BMC Health Services Research Journal et Sociology of Health & Illness, ne font pas que dénoncer les ratés du virage ambulatoire, ils contiennent aussi des recommandations pour les corriger.

Évaluer la compétence
Ces recommandations émergent de l’analyse des témoignages d’une cinquantaine de personnes rencontrées individuellement, dont des aidants et des patients, mais aussi de l’observation du travail effectué par les infirmières au cours de diverses visites.

Premier constat qui fait consensus: les technologies sont rarement considérées comme bien adaptées aux utilisateurs et leur taux d’acceptation dépend grandement des compétences de l’usager. «Il faut soigneusement évaluer la compétence, les habiletés et les limites de la personne aidante de même que celles du patient», recommande Mme Lehoux, qui se garde bien de rejeter en bloc le virage ambulatoire. En tant que professeure, elle trouve toutefois aberrant qu’on exige des aidants qu’ils prodiguent des soins complexes tels que faire des injections, quand on ne demande pas aux patients d’accomplir ces gestes eux-mêmes. «Certains peuvent très bien exécuter ce type de tâches, mais elles ne peuvent pas leur être imposées.»

Pascale Lehoux

Tous les participants à l’étude s’accordent par ailleurs pour affirmer que, même lorsque les technologies sont bien adaptées un usage domestique, la réalité est tout autre quand ils veulent sortir de chez eux, l’aménagement urbain ne répondant pas par exemple toujours aux besoins de personnes en perte d’autonomie. Selon l’étude de Mme Lehoux, les patients limiteraient également leurs activités sociales par crainte d’être stigmatisés.

Finalement, certains travailleurs qui ont un conjoint ou un parent à charge ont confié être complètement épuisés, leur autonomie et leur vie sociale étant de toute évidence très restreintes. Le temps accordé à titre d’aidant aurait également des répercussions négatives sur leur vie professionnelle. «Avec le vieillissement de la population, de plus en plus de gens devront assumer des responsabilités presque cliniques à l’égard de leurs parents âgés, conclut Pascale Lehoux. Il faut sérieusement se préoccuper de cette tendance qui se dessine.»

Dominique Nancy

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