Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 17 - 22 JANVIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Maitrise de la langue: les futurs enseignants passeront un test national

Le doyen Michel Laurier a joué un rôle clé dans cette décision

Michel Laurier

À partir de la rentrée de septembre 2007, les étudiants qui se destinent à l’enseignement devront passer un examen de français dès la troisième année de leur baccalauréat, soit au moment d’entreprendre leur stage en milieu scolaire. Cet examen sera le même à l’échelle de la province. S’ils y échouent, ils auront une deuxième chance au trimestre suivant, puis une troisième l’année d’après, mais, au quatrième échec, ils devront renoncer à la profession. «Les futurs enseignants doivent posséder une maitrise de la langue supérieure à celle de Monsieur et Madame Tout-le-monde. Nous prenons les moyens pour que le message passe», commente le doyen de la Faculté des sciences de l’éducation, Michel Laurier.

À titre de responsable du Groupe de travail sur l’élaboration d’un test commun de certification auprès des futurs enseignants, formé en 2005 par l’Association des doyens, doyennes et directeurs, directrices pour l’étude et la recherche en éducation du Québec, M. Laurier a joué un rôle clé dans ce projet qui a fait consensus parmi les représentants de la quinzaine d’universités québécoises qui offrent un programme de formation des maitres.

Les discussions ont parfois été houleuses, mais tous ont semblé convenir de l’importance de marquer le coup. «La formation n’est pas la même partout au Québec, explique le doyen. Les commissions scolaires imposent donc un test de français à l’embauche. Or, bon nombre de candidats sont refusés parce qu’ils ne réussissent pas ce test. Nous croyons que c’est un cout social trop élevé à payer après quatre ans d’études universitaires. Avec l’examen national, l’étudiant aura l’heure juste dès le début de sa troisième année.»

Un examen sur mesure
L’Examen uniforme national, créé et expérimenté actuellement par le Service d’évaluation de l’enseignement, une composante de la téléuniversité de l’UQAM, sera différent des tests donnés à la fin du cégep ou à l’entrée de l’université. Mais il ne les remplacera pas. «Il s’agira d’un test d’agrément, précise M. Laurier, lui-même un spécialiste de l’évaluation des apprentissages en langues. Cela signifie qu’il sera plus exigeant et plus adapté à la réalité professionnelle.» La note de passage sera de 75 %.

On sait déjà que l’examen comportera un volet «correction» où le futur enseignant devra désigner les erreurs commises dans un texte soumis. Il devra ensuite rédiger un texte de 300 mots sur un sujet rattaché à l’éducation. «On s’attend à ce que les étudiants qui se destinent à l’enseignement puissent s’exprimer par écrit sur un sujet lié à leur choix de carrière», souligne-t-il.

Même si les effets concrets de cette nouvelle mesure ne se feront pas sentir avant 2009 (soit deux ans après son introduction pour la cohorte de septembre 2007), Michel Laurier espère voir tous les ordres d’enseignement se mobiliser dès maintenant afin d’améliorer la formation offerte. «Nous croyons que l’instauration d’une mesure nationale stimulera tous ceux qui travaillent dans le secteur de la maitrise de la langue», dit-il. Comme les autres doyens en éducation du Québec, il fait le pari que la qualité des programmes de français sera haussée pour permettre la réussite de cet examen.

L’idée d’imposer un examen national remonte aux États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, présidés par l’ancien syndicaliste Gérald Larose en 2001. On y avait recommandé la tenue d’une épreuve uniforme de maitrise de la langue française de façon à «sanctionner la connaissance du français de tous les futurs enseignants du réseau».

Comment ont réagi les étudiants à l’annonce de ce nouvel examen national? Selon le doyen, ceux qui ont été consultés se sont montrés «plutôt contents». Ils préfèrent savoir le plus tôt possible où ils en sont pour éviter d’être recalés au moment de briguer un poste dans une commission scolaire, diplôme en poche...

Rigueur journalistique
M. Laurier a profité du passage de Forum pour dissiper un malentendu auquel un reportage du Journal de Montréal, publié le 23 décembre dernier, a donné lieu. Le journaliste Jean-Philippe Pineault écrivait que «les futurs enseignants ont massivement coulé l’examen d’entrée en français». La situation était pire à l’Université de Montréal, selon cet article, puisque 78 % des étudiants y avaient échoué, une proportion supérieure aux autres établissements.

En réalité, le Test de français Laval-Montréal, imposé à l’UdeM dans plusieurs facultés, est un test diagnostique qui vise à déterminer les forces et les faiblesses des étudiants déjà inscrits. De plus, à la Faculté des sciences de l’éducation, jusqu’à maintenant, il permettait d’exempter les plus forts du Cours de français écrit pour futurs enseignants, mis sur pied en 2002 pour aider les apprentis enseignants à maitriser le code linguistique. En 2006, plus de 22 % des étudiants d’ici ont obtenu une note supérieure à 75 %. Mais, dès le prochain trimestre, l’exemption ne sera plus accordée, de sorte que même ceux qui ont eu une note parfaite devront suivre ce cours.

Ceux dont les résultats se situent en deçà de 75 % sont toujours tenus de le réussir, sans quoi leur diplôme ne leur est plus délivré. En outre, ceux qui obtiennent moins de 60 % doivent suivre un cours de mise à niveau (Grammaire 1: analyse grammaticale), un préalable au Cours de français écrit pour futurs enseignants.

Cela dit, le doyen admet qu’il existe un problème puisque 42 % des étudiants de la Faculté n’ont pu atteindre un score de 60 %. Ces chiffres confirment, selon lui, que l’enseignement du français comporte des lacunes qu’il faut corriger.

À titre de chercheur, Michel Laurier s’apprête lui-même à publier les résultats d’une recherche menée en collaboration avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Après avoir suivi sur une décennie des cohortes d’élèves de cinquième secondaire, il pourra préciser l’état des lieux. «Il y a de bonnes nouvelles, mais quelques inquiétudes subsistent», résume-t-il, rappelant qu’une entente de confidentialité le lie au ministère. Celui-ci rendra les résultats publics lorsqu’il le jugera opportun.

Mathieu-Robert Sauvé

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