Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 18 - 29 JANVIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

250 millions d’enfants composeront grâce à un chercheur de l’UdeM

Jean Piché participe au volet musical du projet «One Laptop per Child»

Jean Piché et son étudiant Olivier Bélanger. Le professeur tient l’un des rares prototypes des appareils du projet «One Laptop per Child».

Le compositeur Jean Piché, professeur à la Faculté de musique, a conçu et mis au point avec son équipe le logiciel musical offert avec les ordinateurs XO qui seront distribués à des millions d’enfants à partir du printemps prochain dans le cadre du projet «One Laptop per Child», dirigé par le Medialab du Massachusetts Institute of Technology (MIT). «C’est le projet de ma vie», résume l’homme de 56 ans reconnu comme un des premiers compositeurs au Canada à avoir touché à l’informatique musicale.

Pensé par Nicholas Negroponte, fondateur du Medialab du MIT et auteur du bestseller Being Digital, «One Laptop per Child» est décrit comme le plus vaste déploiement de matériel informatique de l’histoire. On s’apprête ainsi à remettre gratuitement un ordinateur portable de 128 Mo à des enfants de 7 à 14 ans dans les pays en développement. L’appareil, d’une valeur approximative de 100 $ et dont un prototype était entre les mains de M. Piché lors du passage de Forum, est conçu pour résister à la pluie et au sable, et il se recharge manuellement (avec une poulie ou une petite manivelle) pour une autonomie d’environ 10 heures. De plus, il possède un logiciel de navigation Internet très puissant. «Il a l’air d’un jouet, mais c’est un petit bijou à la fine pointe de la technologie», indique fièrement M. Piché en créant une mélodie sur le clavier.

Le travail du musicien branché a consisté en la création d’une interface conviviale, aussi intelligible pour un enfant africain que pour un Brésilien ou un Thaïlandais, permettant d’explorer le monde de la musique sans aucune formation préalable. Il a donc élaboré une page où les icônes de 48 instruments apparaissent. On n’a qu’à cliquer sur l’image pour obtenir le son d’une clarinette, d’une guitare ou d’un violon. À la droite de l’écran, l’utilisateur peut choisir le rythme des percussions qui soutiendront la mélodie. Pour composer, il suffit de se servir des touches qui reproduisent un clavier de deux octaves semblable à celui d’un piano. «Le plus grand défi a été de trouver un moyen d’aller droit au but», commente-t-il.

Chance unique
C’est pour son expertise que Barry Vercoe, un collègue de Nicholas Negroponte au MIT, a recruté le professeur montréalais, afin qu’il assure le volet musical du projet. Les deux hommes se sont connus en 1994, à l’époque où M. Piché a transformé le logiciel de programmation audio de l’Américain, Csound, en un logiciel de création sonore facile d’utilisation. C’est avec cet outil, nommé Cecilia, que des compositeurs sur les cinq continents travaillent aujourd’hui.

En vertu de l’échéancier très serré du projet, Jean Piché et son équipe ont dû très rapidement se mettre au travail. La première réunion avec les chercheurs du MIT a eu lieu en juin 2006, et tout le matériel doit être livré en avril. On a dû se plier à des séances de travail intensives pour respecter les échéances. «Pour nous, cela aura été une occasion inespérée de plonger dans un projet aux ramifications internationales», souligne Olivier Bélanger, étudiant au doctorat en composition. L’équipe comprend aussi Nathanaël Lécaudé, étudiant au deuxième cycle en musique, James Bergstra, étudiant au doctorat au Département d’informatique et de recherche opérationnelle, et Adrian Martin, étudiant en ingénierie à l’Université de Toronto.

Baptisé Tamtam, le logiciel compte trois niveaux d’application. Grâce au premier, l’utilisateur peut jouer de la musique sur le clavier; un deuxième offre la possibilité de synthétiser des sons. Le compositeur illustre son propos en prononçant le mot «allô» près du micro. En manipulant la souris et à l’aide de quelques clics, il déforme le mot de multiples façons. Enfin, un niveau plus sophistiqué permettra la composition de pièces sur plusieurs pistes. Ce dernier volet reste à compléter.

Des ordinateurs à 100 $
Annoncé au Forum économique de Davos de 2005, le projet «One Laptop per Child» a de grandes ambitions. Sur le site qui lui est consacré (laptop.org), on peut lire qu’il pourrait révolutionner l’éducation des enfants dans le monde. «La vraie révolution, c’est de donner accès à Internet à des millions d’enfants qui, pour la plupart, n’ont jamais vu d’ordinateur», explique Jean Piché.

Qu’est-ce qu’un portable à 1000 $ peut accomplir de plus comparativement à l’appareil choisi? Très peu de choses en réalité, à l’exception peut-être de pouvoir emmagasiner un très grand nombre de données.

Mais... si l’on peut vendre des appareils si prometteurs à 100 $, pourquoi coutent-ils si cher dans les magasins d’informatique? «Les portables actuels sont devenus obèses, signale Nicholas Negroponte sur le site. Les deux tiers de leurs logiciels sont employés pour gérer l’autre tiers, qui exécute sensiblement les mêmes fonctions de neuf façons différentes.»
Les experts du MIT ont «coupé dans le gras des systèmes», de manière à ne conserver que les éléments vraiment utiles. De plus, des économies d’énergie ont été réalisées par le choix d’un écran beaucoup moins gourmand.

Qui paiera ce déploiement sans précédent? Les gouvernements des pays concernés, qui distribueront ensuite les appareils par l’intermédiaire des écoles. La Chine, l’Inde, le Brésil, l’Argentine, l’Égypte, le Niger et la Thaïlande sont les premiers pays à s’être montrés intéressés.

Il y aura, grâce à Jean Piché et son équipe, beaucoup de Tamtam sur la planète.

Mathieu-Robert Sauvé

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.