Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 18 - 29 JANVIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Doit-on castrer les pédophiles récidivistes?

Doit-on castrer les pédophiles récidivistes? Non, affirme Christopher Earls. «Il faut cesser de penser que la médecine peut tout régler. La pédophilie, c’est plus compliqué que ça.»

Si ce professeur du Département de psychologie s’oppose à la castration comme traitement de choix, qu’elle soit chimique ou chirurgicale, ce n’est pas parce qu’il veut défendre la liberté absolue des pédophiles. «Les pédophiles sont des gens dangereux, dit-il. Castrés ou non, ils ne devraient jamais sortir de prison sans surveillance.»

Pourtant, le Danemark, comme l’Allemagne, autorise la castration chimique volontaire depuis 1989. Cette approche est réservée aux criminels reconnus coupables de sévices sexuels graves, comme les viols et les meurtres, et pour lesquels tous les autres traitements ont échoué.

La castration chimique n’a rien à voir avec la méthode plus radicale que le mot «castration» évoque. En fait, c’est un traitement qui ressemble à bien d’autres. «Le patient doit ou prendre des pilules de façon régulière ou encore recevoir une dose d’antiandrogènes par injection, une fois par mois ou toutes les deux semaines, explique le professeur Earls. À fortes doses, ce médicament limite la sécrétion de testostérone, l’hormone qui stimule l’appétit sexuel.»

Les quelques études menées sur la question montrent que l’efficacité du traitement, en ce qui concerne les récidives, reste significative, même si elle est un peu inférieure à celle de la castration chirurgicale. Ce type de traitement aurait permis de réduire le taux de récidive à 0 % après quatre ans, contre environ 16 % sans prise en charge. Par contre, le risque de récidive réapparait dès la fin du traitement. Aujourd’hui, on a de plus en plus recours à la castration chimique en Europe et en Amérique du Nord.

L’importance des processus de contrôle extérieur
Psychologue depuis près de 30 ans spécialisé dans le traitement de la pédophilie et autres obsessions sexuelles, Christopher Earls estime toutefois que la castration soulève de délicates questions éthiques. «Le consentement des individus peut-il être qualifié de libre et d’éclairé quand la castration permet de réduire ou de prévenir une sanction? Au bout du compte, s’agit-il encore de médecine ou d’une simple extension à la biologie du domaine de la sanction?»

M. Earls mentionne aussi que la castration, particulièrement celle dite chimique, ne règle pas le problème. Au contraire. Cette approche est pernicieuse, d’après lui. «Elle rassure, à tort, la société, qui croit ainsi empêcher les agresseurs sexuels d’exploiter les jeunes.»

Malheureusement, comme le professeur le signale, il n’y a pas de test fait systématiquement pour vérifier si le dosage d’antiandrogènes est approprié à l’individu. «On ne sait donc pas si le pédophile a encore des capacités érectiles», affirme le psychologue. Il rappelle par ailleurs que les agresseurs sexuels n’utilisent pas toujours leur sexe pour commettre leurs délits. «Certains introduisent des objets dans le corps de leurs victimes. Qu’ils aient ou non des érections ne change rien à l’affaire.»

Pour éviter que les pédophiles passent à l’acte, il faut mettre en place, en collaboration avec la justice, des processus de contrôle extérieur comme l’interdiction de travailler auprès d’enfants et l’obligation d’être accompagné lors de tout contact social avec des mineurs, selon M. Earls. Ce dernier se dit même en faveur de l’utilisation de puces électroniques afin de suivre les criminels sexuels dangereux et de pouvoir prévenir leurs agissements. «Les autorités pourraient délimiter des zones qui seraient interdites à ces personnes, par exemple les écoles, les parcs, etc.»

Un détecteur de mensonges très spécial
C’est par pléthysmographie pénienne, une mesure de l’excitation sexuelle par les changements de circonférence du pénis, qu’il est possible de déterminer efficacement si le désir d’un individu s’oriente vers les femmes ou les hommes, vers les adultes ou les enfants, ou vers tout objet de déviation, souligne le professeur. Le sujet regarde des diapositives ou écoute des extraits de bandes sonores qui évoquent différentes situations sexuelles, volontaires ou violentes, avec des femmes, des hommes et des enfants. L’appareil enregistre en même temps les niveaux d’excitation de la personne. C’est comme un détecteur de mensonges, en plus poussé, mais ce n’est pas une science exacte.

Des pédophiles avérés, coupables de délits sexuels, ont pu, en effet, contrôler leurs réactions et répondre négativement au test. Celui-ci continue d’être considéré comme la meilleure mesure objective de la préférence sexuelle, utilisé par certains pour obtenir des aveux.

L’Institut Philippe-Pinel à Montréal a acquis une réputation internationale dans ce domaine au cours des dernières années. Christopher Earls a lui aussi son laboratoire pour analyser les réactions des pédophiles. Chaque année, il évalue une cinquantaine de délinquants sexuels. Tous lui sont envoyés par le système judiciaire. M. Earls a élaboré des programmes grâce auxquels ces personnes peuvent se libérer de leurs pulsions qui, trop souvent, envahissent leur vie. Mais, dans le cas des pédophiles récidivistes, il est catégorique: «Il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire pour eux. Ils doivent rester derrière les barreaux.»

Dominique Nancy



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