Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 20 - 12 FÉVRIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Mettre la nutrition au programme dans les écoles

Marie Marquis a sondé les enseignants de 500 écoles primaires

Marie Marquis

Au Québec, il n’existe pas de politique émanant du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport en matière de nutrition dans les écoles ni de matériel pédagogique proposé par l’État et visant l’éducation nutritionnelle, déplore Marie Marquis, professeure au Département de nutrition. Dans les commissions scolaires, c’est le cafouillage. Si certaines ont adopté des mesures destinées à favoriser une saine alimentation, d’autres n’en ont aucune. D’autres encore ont des normes désuètes. Le tout est laissé entre les mains des directions d’école.

«La nutrition pourrait être une compétence transversale à l’école», dit-elle. Le ministère a annoncé des lignes directrices pour cet hiver. «On a besoin d’une politique cohérente et homogène pour l’ensemble de la province, mentionne la nutritionniste. Il faudrait non seulement inculquer en classe de saines habitudes alimentaires, mais aussi en établir dans les cafétérias ou chez les traiteurs employés pour les diners.»

Marie Marquis salue la volonté du ministère de promouvoir enfin un programme national de nutrition à l’école au cours des prochains mois. Elle n’est pas la seule. À partir d’un questionnaire envoyé dans 500 écoles primaires, elle a mené une étude auprès d’enseignants de première et de deuxième année. Sur un total de 214 répondants, environ les deux tiers sont d’accord avec l’idée que les élèves devraient recevoir davantage d’information sur la nutrition ou l’alimentation à l’école. Selon la spécialiste, cette activité devrait faire partie du programme scolaire.

«Quant au matériel fourni par l’État, les enseignants n’ont vraiment à leur disposition que le Guide alimentaire canadien, nouvellement révisé, pour informer les élèves», regrette Mme Marquis. Avec son étudiante à la maitrise Isabelle Thibault, elle a évalué l’intérêt des professeurs pour une trousse éducative élaborée en 2002 par la Fédération des producteurs de lait du Québec. Distribuée dans des écoles primaires de la province, la trousse a pour objectif de sensibiliser les jeunes à une saine alimentation. Un questionnaire a permis de connaitre l’opinion des professeurs sur ce matériel. «L’accueil est positif, selon l’experte. Quand on leur donne un outil adéquat, les enseignants soutiennent le rôle de l’école dans l’acquisition de compétences relatives à l’alimentation.»

L’étude, dont les résultats ont été publiés dans le numéro d’hiver de la Revue canadienne de la pratique et de la recherche en diététique, a permis de répertorier les thèmes jugés les plus importants, dont ceux associés aux groupes du Guide alimentaire canadien. «Les enseignants insistent sur ce qu’ils connaissent le mieux, comme un parent le ferait avec son enfant, approuve la nutritionniste. C’est un bon début. Les enfants québécois ne consomment pas assez de produits laitiers, de fruits, de légumes et de fibres.»

Les professeurs aimeraient aussi traiter en priorité du gaspillage des aliments, de leur salubrité et de l’hygiène, du recyclage et des repas en famille. La trousse serait un bon moyen pour aborder des valeurs familiales et sociales entourant la nourriture, selon la spécialiste. Elle ajoute que manger en famille, accorder du temps aux repas ou encore respecter les aliments sont des notions en déclin et pourtant fondamentales pour bien manger. Le temps du repas passé en famille est d’ailleurs un indicateur de saine alimentation dans une famille.

Marie Marquis souhaite que l’information sur la nutrition s’impose en classe autant que l’information relative à l’environnement. Elle rêve de voir certains enfants insister auprès de leurs parents pour améliorer l’alimentation à la maison comme ils les obligent maintenant à recycler!

Si les professeurs acceptent d’enseigner aux élèves à mieux manger, 90 % des répondants faisant usage du matériel éducatif disponible se plaignent toutefois de ne pas avoir le temps nécessaire pour l’utiliser davantage en classe. Ceux qui ont le plus d’ancienneté dans le métier perçoivent moins d’obstacles à l’emploi du matériel éducatif, l’expérience aidant probablement. Mais la majorité ne rechigne pas à la tâche pour autant: seulement 11 % des enseignants trouvent que la planification nécessaire à une plus grande utilisation du matériel éducatif à l’école nuit à son usage.

En 2004, plus d’un enfant québécois sur cinq avait un excès de poids. «La progression de l’obésité chez les petits Québécois prend des proportions alarmantes», affirme Marie Marquis. Les enfants mangent trop gras et trop sucré. Ils souffrent maintenant de maladies qui d’habitude frappent les adultes comme le diabète de type 2. La spécialiste s’impatiente: «Les changements sont trop lents. Il faut non seulement investir l’école en concevant du matériel avec les parents, les enfants et les enseignants mais aussi en évaluer l’incidence.»

Isabelle Masingue
Collaboration spéciale

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