Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 20 - 12 FÉVRIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Des cougars sud-américains dans nos forêts

Ils ont sans doute été relâchés dans la nature par des collectionneurs d’animaux exotiques, croit François-Joseph Lapointe

À l’âge adulte, le cougar peut mesurer jusqu’à 2,5 m de long et peser plus de 90 kg.

Révélation étonnante apportée par l’analyse génétique des poils de cougars recueillis dans l’est du Canada: la moitié des animaux dont l’origine a pu être établie ne descend pas de la sous-espèce locale mais vient plutôt d’Amérique du Sud!

Depuis l’instauration d’un programme de dépistage des cougars à l’aide d’appâts olfactifs qu’a posés Parcs Canada, 10 individus ont été formellement identifiés par le Laboratoire d’écologie moléculaire et d’évolution de François-Joseph Lapointe, au Département de sciences biologiques. Les appâts permettent de recueillir du poil laissé sur des poteaux par l’animal et c’est de ce poil qu’est extrait l’ADN.

La technique d’extraction et d’identification a été mise au point en 2004 par Le Duing Lang, qui poursuit ses recherches de maitrise sur les profils génétiques du cougar, et Nathalie Tessier, assistante de recherche du professeur Lapointe. Outre le poil, du sang et de la chair ont aussi servi à l’identification dans deux cas.

Présent dans au moins sept régions
Des 10 individus identifiés, 2 viennent du Parc national Fundy, au Nouveau-Brunswick, et les 8 autres sont du Québec. Première surprise concernant le cougar québécois: alors que plusieurs naturalistes ont cru que cet animal avait disparu du nord-est du continent, l’équipe de chercheurs en a identifié dans sept régions au Québec.

Les échantillons qui ont conduit à des analyses positives proviennent du Lac-Saint-Jean, de la Réserve faunique des Laurentides, du parc Forillon, de la Réserve faunique de Matane (mont Blanc), de la vallée Ruiter dans les monts Sutton, d’East Hereford (près de Coaticook) et de l’Abitibi.

Le cougar serait-il présent sur l’ensemble du territoire habité du Québec sans qu’on le sache? «Ça demeure une population extrêmement clairsemée, peut-être 100 fois plus petite que celle du loup, répond François-Joseph Lapointe pour expliquer la rareté des observations. Le cougar est un animal solitaire, crépusculaire et qui parcourt un très grand territoire. Les possibilités de contact avec les êtres humains demeurent très rares, même au Colorado, où l’on trouve la plus importante population de cougars en Amérique.»

François-Joseph Lapointe et Le Duing Lang

François-Joseph Lapointe et Le Duing Lang

Origine exotique
L’analyse génétique réservait une autre surprise de taille. Des 10 cas confirmés, 8 échantillons étaient suffisamment en bon état et contenaient assez de matériel génétique pour qu’on puisse déterminer l’aire de provenance du cougar. «L’analyse montre que quatre de ces animaux sont nord-américains, sans qu’on ait pu préciser pour l’instant s’il s’agit de la sous-espèce du nord-est, mentionne Le Duing Lang. Les quatre autres sont d’origine sud-américaine, ce qui est considéré comme une provenance exotique.»

Le rattachement à ces grandes aires territoriales a été possible parce que des analyses génétiques ont été faites aux États-Unis en 2000 à partir de spécimens appartenant à des zoo et à des musées et dont on connaissait le lieu d’origine.

Troisième élément de surprise, les cougars exotiques n’ont pas tous été découverts dans la même région: l’un vient de la vallée Ruiter, un deuxième du Nouveau-Brunswick, un troisième de l’Abitibi et un quatrième du Lac-Saint-Jean.

Mais comment des cougars sud-américains ont-ils pu se retrouver sous nos latitudes? Le professeur Lapointe écarte l’hypothèse de la migration, qui lui parait «hautement improbable». Et l’on n’a jamais signalé qu’un cougar s’était échappé d’un zoo.
«Notre hypothèse, c’est qu’il s’agit d’animaux domestiqués, importés par des collectionneurs d’espèces exotiques qui les ont relâchés dans la nature, soutient-il. Dans les années 70, la loi est devenue plus sévère à l’endroit des propriétaires d’animaux exotiques, qui devaient les enregistrer et les faire tatouer. La possession de certaines espèces a même été interdite. Des propriétaires ont sans doute préféré les remettre en liberté.»

Comme certains propriétaires de chiens qui se défont de leur animal de compagnie une fois qu’il est devenu trop encombrant.

Le cougar est-il dangereux?
Le cougar est un puissant prédateur qui, à l’âge adulte, peut mesurer jusqu’à 2,5 m de long et peser plus de 90 kg. Devons-nous craindre de rencontrer l’un de ces félins lors de randonnées en forêt? Bien que les contacts soient considérés comme rares, on a rapporté 116 attaques en Colombie-Britannique au cours des 100 dernières années, attaques ayant causé une vingtaine de morts.

«C’est quatre fois moins que les attaques d’ours, précise Mme Lang pour relativiser le danger. Pendant la même période, il y a eu 120 000 attaques de chiens au Canada et aux États-Unis, qui ont entrainé quelque 1800 décès.»

Si toutefois on se retrouvait nez à nez avec un cougar, l’étudiante conseille de ne pas s’enfuir en courant et de ne pas faire le mort, ce qui serait interprété comme des comportements de proie. «Il faut garder un contact visuel avec l’animal et se grossir avec ses vêtements, dit-elle. Ceci devrait suffire à le faire fuir. En cas d’attaque, il faut être agressif et contrattaquer.»

Y a-t-il des volontaires?

Daniel Baril

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.